Oscar Berg a posé il y a quelques temps une question intéressante sur Twitter. Je n’en ai plus le texte exact mais c’était quelque chose comme : « que penser d’un manager qui aurait peur des médias sociaux, de la transparence, du lcher prise, du fait que ses équipes commencent à échanger plus librement…? ».
Première réponse en sous forme de boutade d’un de mes compatriotes : « qu’il s’agit d’un manager français ».
J’ai quelque peu retourné le sujet dans ma tête pour en arriver à une conclusion radicalement différente : « Rien. Et le pire serait qu’on lui en veuille ».
Je m’explique :
Les individus sont ce qu’ils sont et on ne peut pas en vouloir à quelqu’un de se retrouver à la place qui est la sienne pour la simple et bonne raison qu’il n’y est paradoxalement souvent pour rien. On ne peut pas non plus lui reprocher de se retrouver là sans que l’entreprise ne lui ait fourni l’accompagnement nécessaire pour embrasser cette dimension nouvelle de son travail.
Par contre on peut se demander quels sont les processus RH de promotion, d’évaluation et de formation qui font qu’on en arrive là . Beaucoup d’entreprises ont aujourd’hui conscience de devoir penser à de nouveaux modes de création de valeur et à les décliner dans l’opérationnel quotidien, mais si la mécanique interne n’est pas alignée on risque de gaspiller beaucoup d’énergie pour finalement ne pas avancer beaucoup. On fait beaucoup porter la responsabilité des dysfonctionnements de l’entreprise aux managers sans qu’ils soient nécessairement responsables et du système qui les a mis là ni des modes de fonctionnement qui s’imposent à eux.
Mais là encore ça n’est pas si simple. Alors que certains abondaient dans mon sens, Oscar me faisait remarquer qu’il n’avait cette expérience de la désignation des équipes d’encadrement. Où l’on apprend avec intérêt toutes les subtiles différences entre les modèles RH français et scandinaves. D’un coté une machine à évaluer et mettre des hommes dans des cases, de l’autre plus de consensualisme et de prise en compte de la dimension interpersonnelle.
Allons même un pas plus loin. Alors que nous sommes entrés de plain-pied dans ce qu’on appelle l’économie du savoir ou encore du service, voire de l’innovation de service, le développement et la mobilisation des savoirs et des expertises est clairement identifié comme un enjeu clé par les DRH. Nous sommes devant un paradoxe intéressant à étudier mais qu’il va bien falloir régler un jour :
– on ne fait pas carrière sur l’expertise : le meilleur expert, le meilleur homme de terrain, ne peut pas progresser dans l’entreprise autrement qu’en progressant hiérarchiquement, par l’accession à des fonctions d’encadrement.
– Ce faisant il utilise et développe moins en moins son expertise spécifique (voire régresse dans le domaine) pour faire évoluer ses capacités de manager.
– Le paradoxe du système est qu’il est conçu, même inconsciemment, pour détruire, in fine, l’expertise pour la transformer en capacité de contrôle. Le contraire de ce dont l’entreprise a besoin aujourd’hui.
– Dernier point : le meilleur expert d’un domaine ne fera pas nécessairement un bon manager, d’autant plus qu’il n’en a pas nécessairement envie, mais ils s’agit du seul moyen pour lui de progresser et être reconnu. A l’inverse il existe des personnes qui n’excellent pas sur le terrain à titre individuel mais ont ce « petit quelque chose » qui fait qu’ils rendent les autres meilleurs. Ceux là remplissent rarement les conditions qui font que le système leur confiera la responsabilité d’une équipe.
Je ne sais si les RH doivent être en charge des projets entreprise 2.0, si elles doivent avoir un leadership unique ou partagé dans le domaine. Mais ce dont je suis certain c’est qu’il leur incombe de mettre les bonnes personnes au bon endroit et d’assurer le développement et la promotion des expertises d’une part, des modes de leadership appropriés d’autre part. On peut construire les systèmes les plus performants, utiliser les meilleures technologies pour les supporter, ce seront toujours les Hommes qui les feront tourner.