Combien de fois n’a-t-on pas entendu le fameux « content is king » (le contenu est roi), érigé en pilier du des règles d’un nouveau monde marqué par la prééminence des médias sociaux. Conséquence : l’avenir appartient à celui (entreprise ou individu) qui produira des contenus ou, a contrario, qui ne produit pas de contenus n’existera pas dans le monde qui se dessine. Après tout, pourquoi pas…
Le contenu se définissant par rapport à un contenant, il est logique de penser que c’est en effet lui qui conditionne la raison d’être de l’ensemble, ce qui n’a d’ailleurs que plus de sens lorsqu’on comprend que le contenu a vocation à devenir intéropérable et volatile pour être repris, réutilisé et diffusé au delà de son contenant d’origine.
Mais le contenu ne s’autogénère pas, il faut donc en produire d’où l’importance de le faire produire ou générer par des individus. Ce qui me gêne un peu dans cette affaire c’est que cela ressemble un peu à « il y a de nouveaux contenants, htons nous de les remplir ». L’intérêt du contenu se définit donc par rapport à sa capacité à remplir un espace et non pas par rapport à sa valeur intrinsèque. Sans aller jusqu’à dire que cela revient, conceptuellement, à privilégier bruit et quantité par rapport à la qualité…
Là où la chose se complique c’est lorsqu’on rentre dans le domaine de l’entreprise. J’avoue avoir failli m’étrangler de nombreuses fois lorsque j’entendais ce type de recommandation : « il faut inciter vos collaborateurs à produire des contenus », « pour stimuler l’activité de votre réseau social, n’oubliez pas de régulièrement produire des contenus ». Ce qui est immanquablement compris comme « il y a de nouveaux espaces, à vous de les remplir », « en plus de la charge de travail et de la responsabilité que tu as en tant que manager, n’oublie pas de trouver des trucs à raconter tous les jours ». Devant une telle proposition, nombre de managers se demandent ce qu’est cette ineptie, voire fuient en courant devant ce qu’ils voient comme étant un nouveau poids inutile et improductif à assumer.
Manager c’est savoir communiquer (entre autres). Par contre il importe de se méfier lorsque le paradigme du monde de la communication s’invite dans le quotidien de l’entreprise (ou plutôt lorsqu’on l’y importe) sans prendre en compte la finalités personnes à qui on s’adresse : produire et obtenir des résultats.
Le collaborateur n’est pas payé pour publier sur des médias en ligne (sociaux ou pas…) à moins qu’il fasse partie du service marketing ou communication, ce qui est autre chose. Il est payé pour produire et dans ce cadre il est amené à échanger et partager de l’information. Pour cela il importe de mettre en place les pratiques les plus efficaces et de les faire supporter par les outils les mieux adaptés. Et toute l’approche du sujet s’en trouve radicalement transformée…
On émet et partage de l’information par nécessité, pas parce qu’on a un espace à remplir (ce qui entraine de plus la peur de la page blanche). Le collaborateur doit se dire « j’ai tel besoin donc je communique de telle manière » et non pas « qu’est ce que je vais trouver à raconter aujourd’hui pour leur faire plaisir, me débarrasser de ce poids et pouvoir enfin penser à mon travail ».
Evitons donc d’appliquer aux collaborateurs le même chtiment qu’à Sysiphe et transformer l’intranet en tonneau des Danaà¯des.
Le collaborateur n’est pas un producteur de contenus. C’est quelqu’un qui a un travail à faire et même si, aujourd’hui, la communication fait partie du travail de tous, elle doit avoir lieu en raison d’un contexte et de la valeur ajoutée de l’action de communiquer et non parce qu’il y a des espaces à remplir.
PS : tiens au fait…pour expliquer l’approche « business process » de l’entreprise 2.0 lors de la dernière conférence de Boston on s’est beaucoup appuyé sur l’articulation contenu/contexte. Un signe ?