Comme tout sujet un peu nouveau l’entreprise 2.0 est entourée d’une certaine quantité de mythes. Au nombre de ceux-ci il y en a un qui a la vie dure : il n’y a pas besoin de formation, si ça n’est pas simple et naturel autant abandonner. En fait ça n’est pas aussi simple, et encore faut il commencer par savoir de quelle formation on parle.
Le premier réflexe est de penser « formation à l’outil ». Il existe une école selon laquelle si l’outil a besoin de plus de 5 minutes pour être compris, l’utilisateur ne l’utilisera pas. Vraiment ?
Il importe de distinguer entre l’utilisation « basique » et l’utilisation « avancée ». Si l’une doit s’acquérir quasi intuitivement, l’autre demande bien plus que 5 minutes. Mais elle ne concernera au final qu’une frange limitée des utilisateurs.
Et puis pourquoi donc cette barrière des 5 minutes. Dans un monde idéal je conçois qu’il faut que l’outil soit le plus intuitif possible et ce quelle que soit sa nature ou son but. On parle ici de produits estampillés « réseaux sociaux », « machin 2.0 » ou « social bidule » qui sont des outils grand public par nature mais cela devrait être le cas de tous. A commencer par les réglages du système d’exploitation qui fait fonctionner la machine du collaborateur. Ensuite il faut prendre en compte ce que j’appelle la « jurisprudence Excel ».
Qu’il s’agisse de nous même ou de gens de notre entourage, il n’y a personne qui ne connaisse un « virtuose d’Excel ». Des personnes capables de concevoir un enchevêtrement de feuilles de calcul peuplées de macros qui finissent par ressembler à des minis ERP à vocation personnelle. Personne ne me dira que la maitrise de l’outil à ce niveau est une chose aisée (voire agréable) et pourtant ils l’ont acquis le plus souvent par eux-même, lors de leurs études ou pendant leur carrière. On ne peut pas dire non plus qu’en termes d’interface et de de concept (un tableau de cases où rentrer des chiffres) soit le genre d’outil qui « donne envie ». Et pourtant…ils l’utilisent, beaucoup, bien, et chaque jour davantage. Idem pour ceux qui maitrisent moins (voire beaucoup moins) mais ne peuvent éviter de subir l’épreuve du tableur au bureau. Quoi qu’il en soit on est bien loin des 5 minutes dont nous parlions plus haut. L’explication est, pourtant, on ne peut plus simple.
Excel est utile. Excel permet de faire efficacement et rapidement un nombre de choses qu’on aurait jamais le temps de traiter aussi vite et avec un risque aussi limité d’erreurs si on s’y prenait autrement. On dit souvent qu’avant d’avoir ce qu’on aime il faut apprendre à aimer ce qu’on a, et Excel en est le parfait exemple que quelque chose qu’il faut apprendre à aimer ou à vivre avec, parce qu’on l’a et qu’on aurait bien du mal de lui trouver un substitut. Qu’on l’aime ou pas, qu’on le veuille ou non, il est aussi indispensable que le tournevis l’est au menuisier. Autrement dit : vital.
Et à l’inverse l’outil « social quelque chose » est inutile. Rassurez vous, je ne retourne pas ma veste. Je dis simplement que face à une profusion d’outil, ce qui dicte l’adoption (ou non) par le collaborateur est et sera toujours le binome sens/alignement. Lorsqu’un utilisateur dit « je n’ai pas plus de 5 minutes pour me faire une opinion » c’est en général qu’elle est déjà faite et que dans ce contexte précis l’utilisation de l’outil n’a aucun sens pour lui et ne correspond en rien à un besoin réel et identifié.
Dans un monde idéal il importe donc de penser le contexte d’utilisation avant de penser formation à l’outil. L’idéal est un outil qui ait du sens, satisfasse un besoin et se maitrise en 5 minutes. Le monde n’étant pas parfait, et encore moins dans le monde du logiciel, il importe donc de redoubler de vigilance sur le contexte. L’attention est une ressource rare dont il convient d’optimiser l’utilisation, et il ne faut pas oublier qu’une des variable en déterminant la valeur est le contexte.
Mais ça n’est pas tout. En effet il ne faut pas tout ramener aux outils, et il existe tout un aspect de la dimension formation qui est souvent passé sous silence.
Les professionnels de la formation en entreprise aussi bien que les DRH le savent bien : former ça n’est pas que travailler le savoir faire. Le savoir être, la dimension comportementale sont de plus en plus en plus essentiels notamment pour une ligne managériale à qui on demande de revisiter certaines de ses pratiques et d’incarner un inévitable changement. Pour des raisons que je laisse aux spécialistes le soin de détailler on se focalise beaucoup sur savoir faire ce qui dans le cas qui nous intéresse revient au savoir utiliser (peut être parce que l’impact est plus facilement visible) et l’expérience montre que, sur ce type d’outil, ça n’est pas parce qu’on sait l’utiliser qu’on l’utilise.
Deux raisons à cela : la première provient d’une absence d’alignement et de cohérence entre l’outil et son contexte d’utilisation et nous en avons déjà parlé au point précédent. La seconde tient au fait que se servir de tels outils n’est pas tant une question d’utilisation mais d’adoption de certains comportements à retranscrire en ligne. Et faute d’être à l’aise avec les comportements en question on utilise pas ou mal l’outil. Et c’est comme cela qu’on se trouve à « taper » sur les « formateurs outils » alors la question était davantage liée au comportemental et relevait d’une forme de coaching, d’accompagnement.
La question du rôle des départements RH dans les processus de transformation en cours est à la fois évidente et complexe. Evidente car on perçoit bien le caractère central de leur participation, complexe car elle amène souvent à se frotter au syndrome de la fonction B2E qui veut faire du E2E. Le sujet est abordé d’un grand nombre de manières, avec des approches et des questionnements à la pertinence variable sans que la formule magique n’ait été trouvée à ce jour. Mais j’ai été amené à avoir un dialogue que je qualifierai de très instructif (même pour moi) et constructif avec une étudiante qui m’interrogeait dans le cadre de la réalisation de son mémoire (comme quoi les personnes qui apportent un regard neuf ont toujours quelque chose à nous apprendre ).
Sa question était « comment un service formation traditionnel peut il accompagner ce changement ». Partant d’une feuille blanche nous avons beaucoup échangé et passé en revue l’essentiel de ce qui constitue ce billet (que je n’aurais sans doute jamais écrit sans les questionnements de l’étudiante en question)…et la solution s’est, pour moi, imposée comme une évidence. La vraie valeur ajoutée est de soutenir l’accompagnement et l’évolution sur le plan comportemental, sur le savoir être, de généraliser cette partie de l’offre formation souvent réservé aux cadres d’un certain niveau à tous ceux qui en éprouveraient le besoin.