Résumé : l’entreprise craint, et parfois à juste titre, l’impact des écrits de leurs collaborateurs sur internet sur leur réputation. Mais cette crainte est parfois tellement disproportionnée qu’on en arrive à des situations ubuesques. De nouveaux équilibres sont sans doute à trouver dans ce domaine mais ça n’est pas tout. L’image de l’entreprise, son comportement, son éthique, impactent également la fierté du collaborateur, sa motivation, son engagement…et sa propension à nuire à son employeur. Pire encore : au delà même de la partie visible que constitue l’image et la réputation de chacun, ces mêmes causes impactent des mécanismes plus profond qui jouent directement sur la qualité, la durabilité du développement et de la performance.
Les entreprises sont légion à se méfier de l’impact des actions de leurs salariés sur leur réputation. Un commentaire désobligeant quelque part sur le net et c’est tout un mécanisme de protection et d’auto défense qui se met en branle. Vous me direz que depuis que le monde est monde les salariés disent ce qu’ils pensent de leur entreprise devant leurs amis…c’est vrai. Maintenant ils peuvent le dire à plus de monde à la fois…et ça reste. Donc c’est encore pire, vu de l’entreprise.
Il y a des cas où, reconnaissons le, le salarié dépasse les bornes…et ce que la loi et son contrat de travail lui permettent. Après on peut disserter sur le droit à la vie privée mais il y a des choses qui ne se disent pas. Point. Pas parce que l’entreprise est « chatouilleuse » mais parce que c’est de la simple obligation de loyauté et que la loi le prévoit. C’est aussi simple que ça et s’applique de ce qu’on peut dire sur internet comme de ce qu’on peut confier à son conjoint ou meilleur ami sous le sceau du secret.
Mais l’entreprise, peu à l’aise avec cette transparence nouvelle et inévitable, peut être d’une sensibilité excessive par rapport au contexte et s’agite par rapport à quoi que ce soit qui puisse être dit d’elle peu importe le sujet et le contexte. Cela peut d’ailleurs nous amener à réfléchir jusqu’où le salarié « appartient » à l’entreprise, où commence et s’arrête sa capacité à émettre une opinion sans être sanctionné pour cela. La vidéo qui suit peut vous sembler caricaturale mais elle pose de réelles questions qui ne sont parfois pas si éloignées de la réalité.
Qu’on le veuille ou non le salarié peut impacter la réputation de son entreprise…mais parfois pas autant que celle-ci veut bien le croire. Passé le moment de panique du à un phénomène nouveau il va bien falloir apprendre à accepter l’inévitable, savoir que qui mérite réaction, ce qui ne serait rien d’autre qu’utiliser un bazooka pour tuer une mouche, et ce qui ne mérite aucune réaction. Après tout l’absence de critique est suspecte et la transparence peut dans une certaine mesure rendre l’organisation plus vraie, plus humaine, avec ses qualités et ses défauts.
L’entreprise plus humaine…parlons en. ..Je suis souvent surpris du peu d’entrain que certaines personnes, même de bons amis, mettent à parler de leur travail. « Ah tu es chez qui maintenant ? Tu fais quoi ? ». « Heu…je suis chez…xxxx (à voix basse…dans un soupir)… ». D’autant plus surprenant qu’il s’agit souvent de belles entreprises, qui peuvent être fières de ce qu’elles font, de leurs produits, et que la personne peut objectivement en tirer quelque fierté pour elle.
Et bien oui…vu du coté du collaborateur la réputation de l’entreprise ou plutôt son image et son comportement sont également ressentis de manière assez vive. Et les touche plus profondément qu’on ne le pense. Problème de Responsabilité Sociale qui fait que l’un ne se reconnait plus dans l’image de l’autre ? Perte de « community-ship » dont Mintzberg nous apprend d’ailleurs qu’il est la source de bien des maux ? Perte de fierté au travail dont Deming fait un des piliers du management de la qualité voire du management tout court ? Et c’est peut être tout cela qui au final fait que le collaborateur s’épanche à l’externe plutôt que d’améliorer les choses en interne.
Cela nous amène à tirer deux conclusions dans le cadre de la bataille de l’e-reputation (et de la marque employeur par ailleurs).
– entreprise et collaborateur auto-impactent la réputation l’un de l’autre et la solution est davantage à trouver dans le renforcement du « community-ship » que dans la sanction ou la plainte voire l’injure.
– la réputation n’est que la partie immergée de l’iceberg : il y a, nous l’avons vu plus haut, un grand nombre de causes communes entre ce qui entraine ces soucis de réputation et ce qui cause la non qualité voire, si l’on suit Mintzberg, les attitudes et état d’esprit qui ont amené la dernière crise économique.
Quoi qu’il en soit ce ne sont pas des sujets à traiter de manière unilatérale : réputation, qualité, performance économique actuelle et durable se construisent ensemble, avec les mêmes ressorts. Si toutes les parties prenantes ne s’y attèlent pas ensemble il n’y aura pas de gagnant d’un coté et de perdant de l’autre mais uniquement des perdants. Salariés ou entreprises.
Qu’on se le dise.