Qu’est-ce qu’un « intranet social » ou un « intranet 2.0 » ?

Résumé : l’intranet 2.0 ou intranet social, tout le monde en parle tout en se demandant à  quoi cela peut ressembler. Entre le mythe qui veut que demain l’intranet disparaisse au profit d’un réseau social et les titulaires habituels de la responsabilité de l’intranet qui sont mal à  l’aise dès qu’on sort d’une logique purement descendante, les débats idéologiques et fonctionnels ont de beaux jours devant eux. L’intranet social n’est pas tant la prise du pouvoir du réseau social qu’une socialisation des grands piliers de l’intranet traditionnel : information, personnes, outils métiers. Ca n’est pas tant l’adjonction de nouveaux outils que la généralisation de nouveaux services, de fonctionnalités à  toutes ses composantes. Et c’est, enfin et même avant tout, un outil de travail au service d’un projet d’entreprise. Inutile donc de changer l’intranet si l’on ne revisite pas sa vision du travail, des rapports sociaux et des postures qui leurs sont liées

Beaucoup d’entreprises repensent (ou pensent à  repenser) leur bon vieil intranet qui commence à  accuser le poids des années et se demandent, notamment, comment y intégrer la fameuse « couche 2.0 » dans ce qui doit être un intranet social ou 2.0, selon la terminologie que choisira le porteur du projet. Maintenant, si le mot est sur toutes les lèvres, cela ne veut pas pour autant dire que tout le monde ait les idées claires sur ce dont il s’agit. Entre la maturité du porteur de projet, la feuille de route plus ou moins adaptée,trop ou pas assez ambitieuse qu’on lui a donné et le niveau de changement tolérable dans son entreprise, il y a une foule d’options possibles. Si toutes ne sont pas à  écarter, certaines ont beaucoup plus de sens que l’autre selon le contexte.

Dans le paragraphe précédent je parlais de « couche sociale », ce qui signifie qu’il est déjà  clair que la dimension dite 2.0 est bel et bien une nouvelle dimension de l’intranet et non pas une bulle isolée du reste. On ne construit donc pas un intranet 2.0 en ayant d’un coté un intranet et de l’autre un réseau social. Pour quelles raisons ? Le réflexe réseau social étant peu évident pour 90% des collaborateurs, si on l’isole du centre de gravité de l’espace numérique de l’entreprise il ne risque pas d’être beaucoup utilisé. De plus l’activité « sociale » nécessite un stimulus qui est une information d’ordre général, une information métier voire la veille de l’entreprise ou d’un de ses services et qui se trouve a priori…dans l’intranet traditionnel.

Voici donc quelques pensées mal dégrossies et un peu en vrac. En fait un vieux billet resté à  l’état de brouillon pendant plusieurs mois et que j’ai exhumé il y a quelques jours alors qu’on me questionnait sur le sujet. Finalement je vous le livre tel quel, je reviendrai de manière plus approfondie et structurée sur certains points dans un futur proche

On peut penser qu’un tel intranet peut reposer sur certains piliers qui sont :

La socialisation de l’information

Ce que j’appelle socialisation de l’information peut prendre plusieurs formes :

– capacité pour l’utilisateur de choisir les rubriques de l’intranet qu’il veut suivre de manière prioritaire et afficher sur sa home page ou une page dédiée.

– capacité pour l’utilisateur de partager un contenu de l’intranet avec ses collègues (via son « twitter interne’, dans une communauté etc….) sous réserve de la gestion des droits et autorisations (mais ne nous leurrons pas…auparavant l’information qui ne pouvait pas « sortir » d’une zone circulait par email…)

– capacité pour le collaborateur partager un contenu externe afin de le « mettre dans le circuit » et laisser les mécanismes d’évaluation (ou un éventuel « curator« ) le faire remonter vers la tête de l’entreprise et se diffuser transversalement.

– capacité pour l’utilisateur de réagir au contenu publié, soit là  où il est publié soit en le ‘poussant’ sur un blog ou dans une communauté pour lancer une discussion.

– capacité pour l’utilisateur de promouvoir le contenu publié autrement qu’en le partageant : en notant ou l’approuvant (bouton de type « like ») afin de faire remonter en home page par exemple ou simplement le faire savoir à  son réseau.

– capacité pour un service, une entité quelconque de l’entreprise, de déployer en un clic un mini site selon des templates plus ou moins définis pour que ses communicants l’alimentent avec leurs propres informations. Ce la permet un niveau de granularité « corporate » plus fin pour plus de proximité.

J’ai envie de dire que c’est le strict minimum car s’adressant notamment au périmètre habituel d’une direction de la communication qui doit gérer du contenu descendant et la communication « officielle’.

La socialisation du collaborateur

Partager, réagir, discuter et, nous le verrons plus tard, collaborer c’est bien…mais encore faut il savoir avec qui. Alors bien sur il y a les gens qu’on connait et qui viendront rapidement grossir notre « réseau »…mais il y a également tous ceux qu’on ne connait pas mais dont on aura besoin un jour. Pour cela, avant de demander aux utilisateurs de se connecter et faire des choses ensemble…encore faut il qu’ils se trouvent entre eux, s’identifient.

Tout démarre donc ici avec la mise en place d’un profil riche comme on en trouve sur n’importe quel réseau social. Il sera alimenté par les informations « officielles » de l’entreprise (poste, appartenance hiérarchique, compétences etc…), le salarié pouvant décider ou non d’en afficher certaines, par le collaborateur lui même (centres d’intérêt, expériences passées…), par ses pairs (qualités reconnues à  la personne concernée, recommandations…). Bien sur le titulaire du profil valide ce qu’il veut ou non afficher de ce que proposent les autres sur son compte. Le profil est, enfin, complété par les activités « sociales » de la personne : communautés dont il est membre, blogs et wikis auxquels il participe, signets partagés etc….

Ces dernières informations constituent un flux auquel un autre utilisateur doit pouvoir s’abonner pour suivre l’actualité d’une personne donnée de la même manière qu’il peut s’abonner à  une rubrique de l’intranet en particulier. Bien sur chacun choisit ce qui doit ou non apparaitre dans son flux.

Ce profil riche ne doit pas faire doublon avec l’annuaire d’entreprise : il est l’annuaire de l’entreprise. Ou, pour être exact, ce que les utilisateurs en voient. (Note aux décisionnaires IT : pensez à  choisir des solutions qui peuvent se synchroniser sur plusieurs annuaires à  la fois…c’est pratique quand vous n’avez pas un annuaire unique et, d’une certaine manière, donne un résultat cohérent à  vos utilisateurs même si votre projet d’unification est en retard).

L’empowerment du collaborateur dans une logique « E2E »

Jusqu’à  présent on s’est attaché à  socialiser l’existant : contenus officiels, contenus des bases documentaires, annuaire…maintenant il faut s’attaquer à  la nouveauté et ce qui est l’essence même des nouvelles dynamiques de collaboration et de coopération que l’entreprise veut voir émerger. Elle est déjà  largement outillée pour la collaboration structurée « BE2″ (business to employee ») qui n’est ni plus ni moins, le plus souvent, qu’un système de partage de documents et de répartition de tches organisé. Reste à  adresser la collaboration émergente, « E2E » (employee to employee) qui nait et vit à  l’initiative des collaborateurs et par les collaborateurs. C’est toutes ces logiques de blogs, wikis, communautés qui peuvent, bien sur, servir dans le cadre de projet structurés mais, surtout, facilitent la collaboration émergent. Un espace de l’intranet doit donc permettre à  n’importe quel salarié, équipe, service, entité, de créer son blog, wiki, sa communauté. Je fais bien la différence entre la communauté qui est un espace qu’on peut peupler avec les outils précédemment nommés et le fait d’ouvrir un blog ou un wiki en dehors de toute communauté. Ce sont des logiques complémentaires et ne vouloir penser que par la communauté amène à  passer à  coté de beaucoup d’initiatives réellement motrices.

Bien sur chaque blog, communauté, wiki, peut avoir des logiques de visibilité / accès propres. Ouvert à  tous, avec validation, caché et réservé aux invités…

La socialisation des outils métier

Tout cela est bien beau mais rappelons que la collaboration émergente ne répond qu’à  une partie du travail des collaborateurs. Ces derniers ont, dans le cadre de leur travail, des process, worklows à  suivre, des outils métier à  utiliser et perdre cela de vue serait oublier la raison même de l’existence de l’entreprise et de la présence des collaborateurs. Et de toute manière la collaboration émergente trouve souvent sa nécessité dans les activités structurées.  Il y a une partie de ces outils qui peuvent également être enrichis dans le cadre de notre intranet 2.0.

Il y a plusieurs manière d’y parvenir. Liste non exhaustive :

– lier ces outils à  des espaces ou outils sociaux tels que définis dans le point précédent. Les personnes travaillant sur un process, sur un client… peuvent se retrouver avec une communauté, un wiki, un blog projet reservé…

– on peut suggérer des informations « sociales » dans l’outil métier. Par exemple un commercial se verra suggérer dans le CRM des communautés d’experts sur le produit qu’il est en train de vendre, des experts sur le sujet ou des personnes ayant une bonne connaissance du client, des liens partagés etc… Il n’a pas le réflexe d’aller fouiller dans la « galaxie sociale » pour trouver les réponses à  ses problèmes métier alors que si la réponse sur est suggérée et est à  un clic du problème….

– on voit même des outils arriver qui permettent de créer collaborativement des process ou workflows de manière à  ce que chacun, dans son périmètre,  puisse créer avec les personnes concernées (et améliorer en permanence) ce qui va structurer leur activité. Efficace et plein de sens.

– on peut créer des intéractions à  partir et surtout autour d’une donnée ou d’un événement métier. Je reprend un de mes exemples favoris mais, devant son CRM et la fiche d’une affaire en cours, le commercial doit pouvoir non seulement identifier des personnes susceptibles de l’aider et, surtout, les inviter, rentrer dans une logique d’intéraction sans quitter l’outil. On peut même penser que la conversation va rester liée à  la fiche voire à  la donnée précise dont il s’agissait de discuter et sera donc trouvable par la suite pour une problématique similaire où la démarche et le raisonnement seront réplicables.

Tant qu’on y est, et sans qu’on puisse parler d’outil métier à  proprement parler….mettre les outils bureautiques en ligne pour permettre la co-édition de documents est également une idée à  prendre en compte.

Les outils de rapprochement

J’ai un peu levé le voile sur cette dimension dans le point précédent. De manière globale il s’agit de suggérer à  toute personne, en fonction des outils qu’elle utilise, des personnes qu’elle suit, des espaces auxquels elle contibue d’autres personnes, espaces…. pertinents.

Cela passe également par l’unification du « search ». En fonction, bien, sur, des droits d’accès à  telle ou telle information, une personne qui effectue une recherche doit pouvoir se voir proposer des contenus officiels mais également des personnes, signets, communautés, blogs, wikis… Bien sur on pensera à  des outils qui sont capables d’indexer et comprendre autre chose que du texte.

Des outils dont on commence à  parler beaucoup aujourd’hui sous le terme « analytics » ou « social analytics » seront essentiels à  l’avenir. Reposant sur une analyse des comportements, des intéractions, des « historiques »,  ils font le  lien entre toutes les dimensions de l’information et du travail de chacun et amélioreront la pertinence de l’information proposée, feront gagner du temps sans que l’explosion prévisible et inévitable du volume de données disponible ne soit préjudiciable, au contraire.

La page de l’activity stream

J’ai dit à  maintes reprises qu’il devait être possible de s’abonner à  telle partie de l’intranet, de suivre l’activité d’un personne, d’un blog, d’une communauté…. Tout ceci doit être aggrégé sous la forme d’un flux filtrable et affinable dans une page dédié. On peut également imaginer intégrer à  ce flux d’autres sources ; entrées de calendrier, information venant d’un outil métier (untel à  cloturé telle opportunité, a modifié telle fiche, le rapport ventes/BI/… de ce mois est prêt…), email….avec possibilité de répondre, agir, réagir, partager depuis le flux. Ce flux est d’ailleurs certainement le vrai avenir du mail, plutôt que les réseaux sociaux comme on l’a trop entendu.

Le « non outil »

On dit souvent que l’outil n’est rien, qu’il n’est la partie émergée de l’Iceberg. C’est vrai. Par contre il peut être un inhibiteur ou un catalyseur. Inutile de préciser ce que j’entends par inhibiteur mais peut être que le coté catalyseur mérite quelque explication.

L’idée n’est pas d’amener les collaborateurs à  utiliser telle ou telle solution histoire de justifier le budget qu’on a investi dedans. Il s’agit de leur mettre à  disposition tous les outils nécessaires pour qu’ils fassent leur travail de la manière la plus efficace et naturelle pour eux. Ils ne doivent pas avoir à  se poser la question de passer d’un mode structuré à  un mode « emergent », de savoir où aller chercher telle information, comment manipuler, partager, utiliser l’information trouvée, de s’interrompre pour changer d’outil, copier/coller l’information pour l’envoyer l’information etc…

Il faut donc mettre les choses les plus pertinente à  un clic les unes des autres, qu’il s’agisse de fonctionnalités, d’informations ou de personnes. Et plus tout cela sera intégré moins on aura besoin de convaincre les utilisateurs d’adopter de nouveaux outils ou pratiques car ils auront l’opportunité de le faire intuitivement, par eux-même et sans même se poser la question.

Par contre tout cela relève tout de même d’une vision du travail, des rapports humains, de la manière dont s’organiser et échanger pour créer de la valeur. C’est un projet d’entreprise dont l’intranet est le bras armé. Le plus bel intranet du monde sera un échec s’il n’est pas aligné avec une vision lui correspondant. Autrement dit : si toutes ces questions ne vous semblent pertinentes ou que vous n’avez pas le courage de les adresser…restez avec votre bon vieil intranet. Personne ne le consultera mais au moins il est amorti depuis longtemps.

Autour de votre intranet c’est un projet d’entreprise qu’il faut construire (ou plutôt construire le projet d’abord et l’intranet ensuite…) des lignes à  faire bouger, des postures et des rôles à  redéfinir, repenser le rôle du manager, du communicant, penser l’information en tant que matière vivante qui a un cycle de vie à  travers l’outil plutôt qu’une matière qu’on stocke en attendant qu’elle se fossilise. Il doit répondre à  un besoin organisationnel et apparaitre comme une solution plutôt que d’être un créateur de besoin. Ca n’est pas l’intranet qu’il faut accompagner…mais le projet qui en est la cause.

Derniers conseils…

On parle d’un projet global donc il dot être conduit comme tel. Ce qui signifie qu’il soit porté par une équipe transverse comportant toutes les parties prenantes de l’entreprise au niveau des fonctions centrales.

Maintenant  :

– votre boite de com’ favorite peut vous accompagner sur la stratégie éditoriale, voire le design (attention…être joli c’est bien…mais pas au détriment de l’aspect foncrionnel) mais pour la dimension sociale/collaborative vous avez besoin d’expertises différentes. De la même manière que ceux qui peuvent vous accompagner sur les nouvelles méthodes de travail et postures managériales sont rarement les mieux placés pour vous parler éditorial et interface.

– coté logiciel, choisissez des outils ouverts, solides, avec des APIs puissantes et bien documentées afin de construire la richesse fonctionnelle dont vous avez besoin et permettre cette intégration omniprésente de la couche sociale. Evitez les outils jolis, peut être puissants, mais qui ne communiquent qu’avec eux-mêmes et vous laissent prisonnier de leur interface et de leur ergonomie, vous enfermant dans un silo applicatif.

– ne pensez pas solution mais service : comment tel produit va-t-il me proposer les services dont j’ai besoin pour les intégrer dans mon intranet sans que l’outil en question n’apparaisse.

– ne vous demandez pas où ranger l’information mais comment elle doit circuler et vivre.

– ne pensez pas « exposition’ du contenu (on le met derrière une belle vitrine comme au musée avec un panneau « on regarde mais on ne touche pas ») mais on le met à  disposition.

– ne sombrez pas dans l’hystérie du « tout user generated content ». Si tout doit être, en effet, « socialisable », il doit y avoir une différence claire entre les espaces ou l’entreprise parle et ceux où les salariés parlent sinon la confusion entre la prise de parole « es qualité » et la prise de parole « es persona » va être source de nombre d’incompréhensions.

– oubliez le terme intranet social ou intranet 2.0 dans votre projet interne. C’est un intranet, point final.  L’endroit ou toute l’entreprise est supposée se rencontrer, échanger et travailler.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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