Résumé : le réseau social est le futur du système d’information, un outil plébiscité par les salariés qu’il va sauver de l’email et aider à adopter de nouvelles pratiques de travail plus efficaces. En est on vraiment sur ? Hors d’un cercle d’initiés (qui s’agrandit à vitesse grand V), hors de ceux qui ont été mandatés par leur entreprise pour s’approprier le sujet, les termes « réseau social » et « entreprise » ne se rejoignent que rarement dans l’esprit de la plupart des collaborateurs. Et lorsque cela arrive, c’est davantage pour parler de Facebook et de gestion d’image que d’efficacité au travail. Les causes : une question que peu se sont encore appropriée, une énorme difficulté à transcrire des usages personnels dans un contexte de travail pour formuler une proposer de valeur claire et l’image omniprésente de Facebook qui n’aide pas.
J’ai eu dernièrement l’occasion de discuter avec un petit groupe de personnes dont la plupart ont tous en commun d’avoir, dans leur titre, deux mots. « Directeur de ». A un moment de la discussion le mot magique est lancé par un des participants : « réseau social ». A quelques exceptions près tout le monde avait un avis, une question, une opinion à partager. Rien d’étonnant tellement le réseau social d’entreprise est désormais un sujet brulant pour de nombreuses organisations.
Et là …patatras ! La star de la conversation devient rapidement Facebook et on parle de risques de fuite d’information, de productivité en chute chez les salariés, à la surprise de ceux qui avaient lancé la discussion. Car, bien entendu, c’est de réseau social d’entreprise qu’ils parlaient. Car, évidemment, personne ne pouvait se méprendre car tout le monde sait ce qu’est un réseau social d’entreprise.
Et bien non. A la limite je m’attendais à ce type de réaction et s’il a pu ouvrir les yeux de quelques uns ça n’est pas plus mal.
Le réseau social d’entreprise est en fait un sujet très paradoxal. Bien sur vous qui lisez ce blog régulièrement n’avez aucun problème sur le sujet. Bien sur vous qui êtes mandatés par votre entreprise ou vos clients pour travailler sur le sujet, n’avez pas le moindre doute sur la question. Maintenant allez poser la question autour de vous, à vos amis, relations etc… Vous récolterez pleins d’avis, d’idées, de questions voire d’inquiétudes sur la problématique « entreprise et réseau social ». Mais sur le sujet « réseau social d’entreprise »….
Il faut reconnaitre qu’hors d’un public d’initié le réseau social reste un jouet divertissant, voire un outil de communicants. Qui en doute peut aller lire cet article du Figaro qui nous dit que le réseau social s’impose peu à peu aux DRH… Et de quoi parle-t-on ? Recrutement, image…réseaux sociaux grand public en somme. Et pourtant il y a des choses à dire sur le sujet, du coté interne, vu par la lorgnette RH.
Le RSE, car c’est ainsi qu’on l’appelle chez les initiés, est donc loin d’avoir tué son père (Facebook…même si nombre de solutions d’entreprise existaient avant que FB ne devienne vraiment grand public et ouvert à tous).
Bon, ce constat, quiconque discute avec des « vrais » gens l’a fait depuis longtemps. Mais reste à en connaitre les causes pour mieux les traiter.
Le RSE, sujet confisqué ou mal partagé
C’est la question de l’ownership de tels projets qui est en cause. En général, au début, c’est une direction de l’entreprise qui prend la main (RH, Com’, SI, Innovation) et soit elle se réserve le sujet soit elle est partageuse…mais ce sont les autres qui considère que dès lors le sujet ne leur appartient pas. Lorsque la DG lance un programme d’entreprise à grande échelle soit elle crée un groupe transverse pour que tout le monde s’approprie la chose, soit elle la confie à une direction…et rebelote.
In fine on se rend souvent compte que, s’agissant d’une problématique globale, chacun pense qu’elle est du ressort de quelqu’un d’autre et laisse donc le sujet de coté. Sans compter ceux qui aimeraient bien mais n’ont pas le mandat ou la latitude d’action pour y aller.
Une maturité et des attentes surestimées
Tout le monde est « social » sur le web et désire qu’il en aille de même au travail ? Ce postulat s’avère bel et bien erroné. De deux choses l’une : soit on a trop écouté ceux pour qui il s’agit d’une réalité et surestimé leur nombre soit on a confondu « avoir des outils aussi simple que le le net » avec « avoir du social software ». Cette étude commanditée par IBM UK est éloquente : seulement 14% des personnes interrogées reconnaissent être demandeuses de tels logiciels et 37% ne sont pas conscients des bénéfices du « social business ». Alors même que ceux qui s’aventurent dans cette voie montrent des bénéfices souvent bien tangibles, le problème n’est pas tant le potentiel de valeur que la maturité, la conscience du champ des possibles.
Il y a encore du chemin à faire pour que le grand public (dont font d’ailleurs partie nombre de décideurs) arrive à transposer le bénéfice d’usages de la sphère privée dans la sphère professionnelle en les professionnalisant et les rationalisant.
Une proposition de valeur métier encore mal maitrisée (ou qu’on ne veut pas entendre)
Souvenez vous de ce que j’écrivais tantôt sur les cartes de stratégie. Pas de valeur pour le social sans couplage avec l’exécution des tches quotidiennes. Conséquence : le besoin de revisiter le quotidien. Une notion encore beaucoup trop absente de nombre de réflexions…et lorsqu’elle est présente elle fait souvent partie de celle qu’on préfère ne pas regarder en face.
L’ombre de Facebook plane toujours
Bref Facebook est à la fois le pire et le meilleur ennemi du réseau social d’entreprise. Le meilleur car il permet à tous de voir de quoi on parle. Le pire car tellement connoté que personne n’imagine son apport au sein de l’entreprise dans un contexte de travail.