Un réseau social ne remplace rien mais bonifie l’existant

Résumé : un réseau social oui, mais à  la place de quoi ? Combien de fois n’a-t-on pas entendu cette question à  l’heure de l’irruption de ce type d’outil dans le monde de l’entreprise. Penser le réseau social comme une manière de remplacer l’existant a souvent amené à  mal utiliser l’outil, à  contre emploi, pour des tches qui ne sont pas les siennes car il a été conçu en fonction de manques identifiés plus que dans une logique d’amélioration. Les logiques commerciales n’ont pas aidé non plus tant il est facile de dire « xxxxx est mort, jetons tout « . Une approche intéressante est de séparer, dans notre réflexion, le réseau du social. Le réseau est un outil qui complète l’existant, le social une approche conceptuelle et fonctionnelle qui améliore l’existant et crée des synergies entre l’ensemble des outils et les ressources qu’ils manipulent ou qui les manipulent.

C’est périodique, ça revient avec les saisons. De quoi parle-je ? De cette manie qui consiste un beau matin à  se demander ce que le réseau social d’entreprise va rendre obsolète, dépassé dans le système d’information de l’entreprise.

Reprenons. On a eu… »le RSE va-t-il remplacer l’intranet ? ». « Le RSE va-t-il tuer l’email ? ». « Le RSE va-t-il remplacer l’annuaire d’entreprise ? ». « Les espaces documentaires vont ils disparaitre au profit des espaces conversationnels ? ». « Le RSE va-t-il remplacer les espaces collaboratifs ? »Pour quelle réponse ? A chaque fois à  peu près la même : « oui…mais non…en fait le RSE est une partie d’un dispositif plus large qui nous demande avant de tout de repenser notre rapport aux autres, à  l’information, au travail collaboratif ». Et puisqu’il apparaissait qu’ajouter un outil supplémentaire ne résolvait rien sans se retrousser les manches et avoir une approche plus globale, on changeait de sujet pour voir si le RSE ne pouvait pas remplacer autre chose.

En effet :

un RSE pour remplacer l’intranet ? A moins d’avoir une vision très réductrice de l’intranet ou d’être une petite PME sans grands besoins spécifiques, le RSE ne couvre qu’une partie des besoins d’une entreprise.

Le RSE pour remplacer l’email ? Sans réflexion sur la manière dont on consomme l’information et agit sur elle, dont on organise les échanges à  une échelle globale, dont on analyse, traite, trie, priorise l’information, il est illusoire de croire que votre réseau social va remplacer l’email ni régler quoi que ce soit en termes d’infobésité.

Le RSE pour remplacer l’annuaire d’entreprise ? Disons que le profil peut être une nouvelle manière de l’exposer dans un contexte plus riche et plus adapté aux besoins des uns et des autres (et c’est d’ailleurs le point par lequel tout projet devrait démarrer avant même de s’interesser aux blogs, wikis et autres communautés). Mais on parle là  d’une nouvelle manière d’exposer, pas d’un remplacement.

Le RSE pour remplacer les espaces documentaires ? Croire que la conversation à  grande échelle va tout remplacer est encore une vue de l’esprit. Il y a des logiques de formalisation de choses à  figer…et tout un corpus pré-existant qu’on ne peut ignorer.

Le RSE pour remplacer les espaces collaboratifs ? Conçu pour gérer du « non structuré », le RSE tel qu’il existe sur le marché aujourd’hui montre rapidement ses limites dès qu’il s’agit d’aborder des sujets nécessitant un minium de pilotage et de structuration ainsi que des projets complexes.Tous les cas de communautés qui n’étaient en fait que des espaces projet « redesignés » et déménagés d’un outil à  un autre dans le but de dire « on a des communautés et ça fonctionne » en sont la preuve : les collaborateurs ont perdu au change et se sont souvent retrouvé les dindons de la farce. Non que leur outil social et communautaire n’était pas de qualité mais parce que la gestion de projet et la collaboration structurée demandent autre chose.

En fait le réseau social est créateur de lien. Il ne permet en soi que de gérer de l’information non structurée mais c’est celle qui manquait jusqu’à  présent. Surtout, il permet d’identifier et mobiliser les personnes « en contexte » et ça c’est capital alors que la nature même du travail nous demande de trouver en permanence des combinaisons nouvelles de personnes et d’information.

Mais ça n’est que l’étape 1. Celle où l’on pense le RSE en tant qu’outil. Pensons maintenant le « social » en tant que couche fonctionnelle qui fait le lien entre les outils sociaux par nature et ceux qui ne le sont pas. Lier structuré et non structuré. Ramener informations et personnes dans le contexte d’une problématique métier pour permettre cette fameuse combinaison « en contexte ». Bien sur cela demandera un effort d’intégration, le développement de fonctionnalités de « social intelligence » pour faciliter l’aide au choix, proposer des solutions (ensembles de personnes, contenus, informations) pour que la profusion de ressources accessibles ne soit pas un poids mais un atout et, enfin, ne penser la problématique de la recherche que de manière globale.

Alors arrêtons de faire rentrer le RSE dans une case existante où il ne prouvera quasiment rien. Arrêtons les exhortations et les discours péremptoires du genre « le….. est mort », arrêtons de penser que tout est noir ou blanc et que la nouveauté signifie la mise au rebut de ce qui existe.

Pensons global et rappelons nous que la faiblesse de l’existant n’était pas tant ce qu’il proposait mais son caractère non exhaustif et son incapacité à  rendre le capital immatériel de l’entreprise utilisable dans des logiques combinatoires. Ce qui nous rappelle également qu’il manque encore une pièce dans le puzzle : le creuset permettant la manipulation des ressources immatérielles dans un contexte de travail, de production, cette zone grise qui existe encore entre l’identification des données d’un cas, des ressources nécessaires au travail d’une part et leur mobilisation dans un contexte de travail : l’environnement « case centric« .

L’outil de réseau social tel que nous le connaissons n’est en fait que la démonstration du potentiel des fonctionnalites dites sociales dans un périmètre restreint et isolé du reste. Pensons maintenant à  étendre de manière opportuniste et intelligente ce potentiel à  l’ensemble de la sphère SI. En fait nous devons séparer, dans nos réflexions, le réseau du social.

Le réseau en tant qu’outil a sa place au sein du SI de l’entreprise. Sa place propre non pas en remplacement mais en complément de l’existant. Le social en tant que concept fonctionnel a, lui, sa place partout, en tant que surcouche faisant le lien dans un contexte de travail.

 

 

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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