Résumé : des chiffres mitigés amènent à s’interroger sur la pertinence des réseaux sociaux comme outil de recrutement. Tout dépend de ce qu’on entend par recrutement puisque s’il est aisé de mesurer la simple dimension transactionnelle, le processus de recrutement quelque chose de beaucoup plus large, qui comprend des activités très diverses qui peuvent se servir de ces outils comme de catalyseurs. Pour des raisons liées à la nature des postes, aux compétences recherchées, aux volumes et à la « scalabilité » du dispositif, le réseau social ne sera pas toujours le bon outil pour recruter à proprement parler. Mais si on prend en compte toutes les activités non transactionnelles voire périphériques (comme le marketing RH) il s’agit clairement d’accélérateurs de processus qui impactent également la qualité du résultat délivré. Encore faut il prendre l’activité dans son ensemble et mesurer davantage de choses que le nombre de personnes trouvées en fonction du média utilisé.
Il y a quelques temps, Jean-Noà«l Chaintreuil revenait sur la promesse finalement faiblement tenue du recrutement par les réseaux sociaux. S’est on fourvoyé ? A-t-on vu, une fois de plus, la mariée plus belle qu’elle n’était. Pas du tout. Il faut d’abord savoir de quoi on parle.
Recrutement. Si pour beaucoup de personnes extérieures au métier le recrutement se résumé à faire passer une annonce, faire passer des entretiens et choisir la bonne personne, c’est en fait un processus beaucoup plus complexe. Il s’agit de définir le poste, « sourcer » les candidats, choisir le ou les bons. On peut également intégrer à cela les dispositifs de marque employeur qui renforcent l’attractivité et la qualité des candidatures (meilleure adéquation avec culture d’entreprise). Et même si cela relève souvent d’autres dispositifs, on ajoutera les dispositifs d’intégration et de prise de poste qui peuvent conditionner le fait que le salarié reste ou non, qu’il reste motivé, ou que l’entreprise ne juge pas le recrutement concluant, le salarié n’arrivant pas à trouver sa place et donner le meilleur de lui-même. Si on considère que le but n’est pas de recruter quelqu’un mais quelqu’un qui reste et soit une valeur ajoutée il est difficile d’exclure cette dernière partie d’une approche globale du recrutement.
Recrutement 2.0. Rien de révolutionnaire sur le principe mais sur l’exécution oui. Il s’agit, comme toujours lorsqu’on passe quelque chose en mode « 2.0 », du développement et d’une meilleure utilisation (quantitative et qualitative) du capital connaissance et du capital relationnel des parties prenantes (candidats compris donc) afin d’améliorer à la fois la bande passante d’un processus et la qualité du résultat final. Cela prend une grande variété de formes. Tout d’abord se donner les moyens de mieux connaitre l’autre et de laisser l’autre mieux vous connaitre (actions de marque employeur et de personnal branding). Ce qui signifie également de rentrer en mode conversationnel plutôt que communicant traditionnel. Ensuite utilisation de l’effet réseau pour des candidatures plus qualifiées, ciblées ainsi que pour un meilleur sourcing. Ici c’est la dimension confiance/réputation et la puissance des liens faibles qui fait la différence. Au niveau de la sélection on peut envisager des dispositifs permettant à la personne d’être choisie non plus uniquement par son recruteur direct mais par les personnes qui vont devoir travailler avec elle. Enfin, de nouveaux dispositifs d’immersion, d’intégration, complétant le tutorat traditionnel par un compagnonnage rendu également possible par l’utilisation de réseaux de pairs, internes ceux ci, viennent compléter le tout.
Vous vous en rendez bien compte, certaines entreprises n’ont pas attendu l’ère du « tout 2.0 » pour mettre certaines choses en pratique. Ce qui a changé c’est que pour fonctionner à grande échelle il a fallu des outils nouveaux. L’effet réseau pour augmenter le capital humain et les savoirs disponibles c’est une chose, mais lorsqu’on a accès à peu de personnes et qu’on est contraint de se limiter aux liens forts on tourne vite en rond. Ce qui nous amène au dernier point.
Les réseaux sociaux. Quand on parle de réseaux, de savoirs, de liens faibles en 2011, on en arrive naturellement à la question des réseaux sociaux. Mais, historiquement parlant c’est loin d’être le seul outil utilisable et utilisé en la matière. Lorsqu’on a commencé à se pencher sur le sujet dès 2004/2005 avec des personnes comme Jacques Froissant, à l’époque on parlait davantage de blogs RH ou blogs emploi. A l’époque les médias faisaient feu de tout bois sur « ces blogueurs qui ont trouvé un boulot en existant sur le web ». Pour être plus précis la plupart avaient déjà un boulot, ils ont simplement trouvé le réseau et les personnes leur permettant d’avoir un boulot qui leur plaisait dans des entreprises qui les désiraient. A mettre en perspective de ce que je disais sur la qualification des candidatures. Ensuite on a eu les blogs d’entreprise puis les réseaux. Linkedin et Viadeo (qui s’appelait à l’époque Viaduc) sont ensuite peu à peu montés en puissance. Aujourd’hui on parle de Facebook et de Twitter même si ce dernier n’est pas, de l’aveu même de ses fondateurs, un réseau social et qu’il participe davantage d’une stratégie d’influence que de networking a priori…mais au final de l’influence nait le réseau et tout finit par se rejoindre.
Il s’agit enfin de savoir ce que l’on entend par « recrutement sur les réseaux sociaux ».
Avoir été alerté de l’existence d’une offre via ces médias ? Avoir découvert une entreprise ou l’avoir mieux connu ? Avoir candidaté ou contacté un recruteur par ce biais ? S’être fait identifier de cette manière alors qu’on ne demandait rien ? S’être fait recommander à l’insu de son plein gré par son réseau (ou volontairement lorsque le recruteur demande une référence) ? On le voit, le spectre des activités de recrutement qui ont lieu sur les médias sociaux est large et je ne parlerai même pas des réseaux sociaux internes qui, lorsque les RH auront pris le problème à bras de corps sont des catalyseurs de mobilité interne.
Soyons honnêtes, personne n’a jamais été recruté sur un réseau social pour la simple et bonne raison qu’il y a toujours un moment où l’on passe un entretien et ou on signe un contrat. Et je n’ai encore jamais entendu parler d’une telle signature en ligne. Par contre ces outils sont des accélérateurs pour tout ce qui passe avant. Sourcing, marketing RH, vérifications diverses etc…qui font que l’entretien peut n’être que très informel car il ne sert plus à évaluer mais valider une idée qu’on a de la personne. La partie transactionnelle du recrutement n’a pas trop évolué, par contre la partie relationnelle oui.
Alors on peut mesurer le nombre de recrutement venus d’une intéraction sur un média social. Sans trop savoir si la personne n’aurait pas été recrutée si un autre moyen avait été utilisé. Mais il y a des choses qu’on ne mesure pas. Lorsqu’on voit aujourd’hui l’empreinte digitale d’entreprises comme la Société Générale ou IBM, on peut se dire qu’ils récupèrent des candidatures de personnes que les médias sociaux ont convaincu de l’existence de valeurs et d’une culture qui leur plait, excluant également ceux qui se disent que ça n’est pas des entreprises pour eux. Est-ce mesurable ? Les réseaux sociaux permettent aussi d’accélérer le cycle et de produire des candidatures plus qualifiées. Le mesure-t-on ?
Et, au final, il faut cesser de croire en la baguette magique. Je considère qu’il y deux types de postes sur le marché. D’un coté ceux pour qui on cherche une personne, une personnalité, des compétences mal connues ou formalisées en raison de l’émergence du domaine d’activité (ce qui va arriver de plus en plus avec le rythme de transformation de notre économie). Dans ces cas les recruteurs sont bien en peine de formaliser le poste, leurs RH en peine de qualifier les personnes alors que, à l’occasion d’une rencontre « online » ou « offline », la personne qui recrute pour son équipe se dit « oui, c’est lui/elle qu’il me faut ». De l’autre des postes bien connus et standardisés pour lesquels il faut recruter en masse.
Dans le second cas les médias sociaux serviront surtout pour l' »awereness » et obtenir un grand nombre de candidatures qualifiées, dans le premier ils seront mis à profit pour trouver directement et toucher « la » personne. Dans les deux cas ces outils nouveaux auront un impact, mais seul le premier sera souvent vu comme un « recrutement par les médias sociaux ».
Au final, plutôt que d’essayer, comme on le fait trop souvent, de mesurer ce qui se passe sur un type d’outil, il importe davantage de mesurer l’impact global d’une démarche reposant sur ces outils et supportant un processus, je dirai même un système, identifié. Et là on en est loin donc la valeur des chiffres, dans un sens comme dans l’autre, n’est que très relative. Si on voit des choses intéressantes, la réflexion globale sur l’évolution globale du processus de recrutement (comme de nombreux autres) n’est encore que « work in progress ».