Google + : un outil d’entreprise ?

Résumé : Google Plus peut il être, demain, un acteur majeur de l’informatique d’entreprise ? Tout dépendra de son positionnement et des efforts que consentira Google pour enfin comprendre un domaine où les choses n’ont jamais été faciles pour eux. Google Plus n’est pas un réseau social mais apporte une réponse plus que pertinentes aux problématiques d’échange plus globales que l’on rattache davantage à  l’email qu’au réseau. Mais, quoi qu’il en soit, Google plus en plus de devoir combler certaines lacunes fonctionnelles pour devenir un outil d’entreprise crédible va devoir apprendre à  s’intégrer dans le complexe écosystème des applications d’entreprise existantes, qui plus est sur un spectre d’usages qui n’a jamais été son point fort. Google a les moyens de ses ambitions, mais il reste à  démontrer qu’il en a la culture.

 

Après un premier compte rendu de mes premiers pas avec Google +, il est temps de se poser la question qui commence déjà  à  hanter les songes de beaucoup : Google + peut il devenir un outil d’entreprise ? Précision : je ne parle pas ici de savoir s’il peut ou non devenir un outil au service des marques, je parle bien d’un outil de travail pour les collaborateurs. Autrement dit, Google + sera-t-il un « game changer » le jour où il intégrera l’offre « business apps » de Google ?

En effet beaucoup voient en Google + le chainon manquant de l’offre entreprise Google à  qui il manque une vraie brique collaborative/sociale/conversationnelle. Jusqu’ici Google a en effet excellé dans le search, la bureautique en ligne (qui est un premier niveau de collaboration mais limité à  la réalisation de documents) mais n’a jamais été très à  l’aise pour aller plus loin. Les sites sont à  la fois puissants et utiles mais ne remplissent qu’une partie des besoins et l’expérience « Wave » n’a été…qu’une expérience. Trop tôt, trop perfectible, trop complexe, trop puissant mais trop mal compris…Wave était trop beaucoup de choses et Google a préféré arrêter les frais plutôt que faire évoluer le produit. Nul doute d’ailleurs que Plus bénéficie de l’expérience acquise avec Wave.

D’où le réflexe de positionner « naturellement » Google Plus comme le cheval de Troie de Google sur le marché du « social software », sur le créneau communément appelé « réseau social d’entreprise ». Sauf que…Google Plus n’a rien d’un réseau social et encore moins d’un réseau social d’entreprise. Pas un réseau social au sens strict du terme parce qu’il ne permet la connection et la « validation » du lien entre les personnes (en tout cas de manière explicite). Vous êtes dans mes cercles, je suis dans les votres…mais ça ne veut rien dire de plus. Raison pour laquelle les dirigeants de Twitter avaient déclaré à  une époque de Twitter n’était pas un réseau social…même si c’est plus simple de le considérer comme tel. Pas un réseau social d’entreprise car il est trop léger en termes fonctionnels. Bien sur l’intégration poussée avec les « apps » peut résoudre une partie du problème mais pas tout. La notion de groupe ou de communauté manque également cruellement pour une utilisation en entreprise.

Comme je l’ai dit précédemment, je verrais davantage Google Plus comme remplaçant de notre bon vieil email. Sur ce point il a toutes les qualités requises et les « cercles » s’adaptent parfaitement à  ce type d’usage. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, l’outil a toutes les qualités pour éradiquer l’email, beaucoup plus que le réseau social d’entreprise, en tout cas tel qu’il se présente le plus souvent sur le marché. Google Plus ne serait donc pas un réseau social d’entreprise mais serait mieux armé pour tenir cette promesse ? Pas exactement.

J’ai déjà  écrit ce que je pensais de l’utopie consistant à  faire disparaitre l’email au profit des réseaux sociaux. La question relève davantage de la mise en place d’un hub informationnel rassemblant tous les signaux envoyés à  une personne donnée, quel que soit la source et le canal, et d’en permettre le traitement dans cette interface unique (qui permettra également un filtrage intelligent et une mise en contexte de l’information). Et faute d’avoir vu quoi que ce soit d’autre de convainquant en la matière, le meilleur exemple de ce que j’avance ressemble au fameux « Project Vulcan » d’IBM dont les premières applications concrète devraient arriver avant la fin de l’année.

Un tel outil ne remplace pas les outils de collaboration ou de communication existants (à  part le client mail auquel il se substitue, mais le mail en tant que canal subsiste) mais leur donne de la cohérence. Bref il s’attaque à  la vraie question qui n’est pas une question d’outil mais de manière de consommer l’information (prendre connaissance, traiter, agir dessus).

Et bien, voyez vous, c’est davantage dans ce créneau que je vois possiblement Google Plus se positionner et non sur la dimension « réseau social d’entreprise ». L’enjeu est stratégique et les prétendants crédibles rares. L’opportunité est donc très belle. Oui mais..

Un tel système demande une intégration plus que poussée avec l’ensemble des outils existants. Les API sont un premier pas mais il faut quelque chose de solide, un véritable framework qui simplifiera ce travail de Titan et fera en sorte que les entreprises ne reculeront pas devant la dernière haie et iront au bout de la promesse pour tirer le meilleur de leur choix technologique. C’est ce qu’on a récemment vu émerger chez IBM sous les noms de Social Business Framework et Social Business Toolkit.

Remarquez que même si on considère Google Plus comme une plateforme sociale « traditionnelle », la question de l’intégration ne disparaitrait pas pour autant. Il est en effet aujourd’hui clair qu’un projet entreprise 2.0 ou social business qui ne s’intègre pas avec les outils existants, notamment les workflows collaboratifs ou autres process ne passera jamais le fossé qui sépare l’aimable initiative d’un projet structurel qui seul garantit l’obtention de résultats concrets, pérennes et entraine le changement culturel nécessaire. Sur ce point je vous renvoie au brillant billet de Laurie Buczek, peut meilleur que qui ce soit ait écrit sur le sujet.

Donc au final, la question se résume à  savoir si Google est en mesure de proposer une capacité d’intégration « suffisante » de Plus dans un environnement et avec des outils d’entreprise. SSO, LDAP et outils de différents types… Si oui, avec, en plus, le reste des « apps » autours, Google Plus a tout de la « killer application ». Si non…et bien tant pis.

D’ailleurs « être en mesure » n’est pas le terme le plus approprié. Google a les moyens de faire ce qu’ils estiment stratégique. La question est ailleurs. Sur le plan technique il s’agit de s’aventurer dans un domaine largement nouveau pour Google, qui n’a rien a voir avec une marketplace comme celle qui existe autours de Google Apps. Sur le plan des usages il s’agit d’un domaine où Google a rarement été à  l’aise, question de culture. Il s’agit enfin d’un projet lourd et de longue haleine, peut être déraisonnable pour une entreprise qui tire 95% de ses revenus de la publicité. A moins de vouloir, justement, être moins dépendant de cette source de revenu. Mais on revient alors à  la question de la culture nécessaire pour élaborer la vision et l’exécuter.

La réussite de Google Plus dans le monde de la grande entreprise dépendra essentiellement de la compatibilité entre la culture de Google et celle de l’informatique d’entreprise d’une part et la culture social business d’autre part. Sachant qu’une culture d’entreprise est la seule chose qu’on ne peut s’offrir avec une levée de fonds ou un rachat de brevet…permettez moi de douter. Et si je me trompe, la bataille Google / IBM Vulcan risque d’être passionnante, même si Big Blue a clairement plusieurs coups d’avance sur ce sujet précis, et de déboucher sur des choses vraiment utiles pour les collaborateurs. Tant pis pour ceux qui seront passés à  coté de la tendance.

 

 

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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