Résumé : on a souvent expliqué le 2.0 comme étant l’opposé de l’organisation formalisée et des processus qui ont été la règle jusque là . Ce qui a créé l’engouement des uns a de facto créé une sorte de blocage chez ceux qui ont bien conscience que l’entreprise, organisation à finalité productive, ne peut se passer des dits processus. Dans « Processus et entreprise 2.0 » Yves Caseau nous montre à quel point cette opposition manichéenne est erronée, et, plus encore, à quel point ces deux conceptions s’enrichissent et se complètent l’une l’autre au lieu de s’opposer.
Quelque chose me dit que quelques puristes ne vont pas apprécier de voir ces mots ainsi accolés, parce que le « 2.0 » c’est les hommes, la serendipité, que les processus sont la négation de l’humain et qu’il faudrait les abattre pour construire l’entreprise « people-centric » de demain. Laissons ce sujet de coté, on y reviendra plus tard dans ce billet.
Je voudrais vous parler ici de Processus et Entreprise 2.0 – Innover par la collaboration et le Lean management, excellent livre d’Yves Caseau, Directeur Adjoint de Bouygues Telecom. Un livre d’autant plus intéressant qu’il propose de regarder la problématique « Entreprise 2.0 » sous un angle nouveau dans ce type de littérature et qu’il lui donne, à mon sens, une pertinence nouvelle qui avait peut être échappé à nombre de décideurs jusqu’alors. En effet, la vision communément véhiculée repose en effet sur l’attelage médias sociaux / communautés / passion / engagement, tourne le dos à tout ce qui est mesure de valeur et pose comme unique argument de choix le fait d’être ou non « Croyant » en la matière. Ce que j’ai souvent appelé le « Déni d’entreprise » qui avait, ceci dit, beaucoup de mal à passer dans notre contexte culturel européen emprunt de ce qui ressemble à du « scepticisme rationnel ». L’approche d’Yves Caseau est toute différente : il part du processus et démontre que l’entreprise 2.0 est la seule option possible pour maintenir leur efficacité à l’avenir.
Commençons par un petit aparté. Si ce cheminement peut sembler original, je ne suis pas arrivé à l’entreprise 2.0 par le web mais par des chemins de traverse qui tiennent davantage de l’efficacité opérationnelle. Dans ce qui sous tend la partie managérielle et organisationnelle de l’entreprise 2.0 (ou plutôt dans les questions qu’on devrait se poser si on ne veut pas rester dans l’illusion angélique) on trouve des choses liées à la Théorie des contraintes, (tout le monde devrait avoir lu Le but au moins une fois dans vie), on ne peut pas non plus s’empêcher de remarquer que les nouvelles formes de management prônées se retrouvent dans les 14 points de Deming, lequel Deming avait déjà une vision plus que pertinente des problèmes de compétitivité économique que nous connaissons aujourd’hui…mais avec 30 ans d’avance. On pourrait continuer la liste pendant longtemps…. Il est simplement intéressant, voire surprenant, de voir comment l’industrie a résolu ses problèmes d’agilité, de qualité, d’amélioration etc… alors que le monde des service et, plus généralement, les métiers qui s’appuient sur des flux de production immatériels n’y arrive décidément pas. Parce que l’impossibilité de pratiquer le management visuel empêche de voir les choses ou permet de facilement les ignorer ? Peut être…on en reparlera à l’occasion.
Revenons donc au livre d’Yves Caseau. Plutôt que partir du postulat que le 2.0 est la réponse à tout et essayer d’y faire rentrer l’entreprise il opère la démarche inverse. Il part des besoins de l’entreprise et conclut que le 2.0 est la solution. Parce que l’entreprise, qu’on le veuille ou non, est et restera toujours organisée autour de processus qui sont tout à la fois nécessaires et vitaux. Je ne parle pas de la caricature de processus qu’on nous inflige en permanence pour mieux les vouer aux Gémonies mais ce qu’ils devraient être. Caseau montre clairement qu’un processus doit être aussi léger que possible pour être pilotable, agile pour être améliorable. D’où l’importance du Lean Management en la matière. Là où les choses deviennent vraiment intéressantes, c’est que le 2.0 plutôt qu’être vu comme un danger pour la stabilité et le fonctionnement du processus se pose alors comme un levier de performance au service de son agilité. Les dispositifs conversationnels deviennent dès lors un outil au service de l’apprentissage, de l’innovation et de l’amélioration continue.
Au final il conclue sur les dimensions culturelles et humaines de ces évolutions indispensables.
Au contraire de l’idée reçue, le processus ne doit pas disparaitre mais redevenir people-centric pour avoir du sens, être compréhensible, manœuvrable, pilotable, améliorable. Parce que c’est le processus qui sert aussi bien l’individu que l’entreprise et en aucun cas ceux ci qui servent le processus. Justement, Caseau en plus de nous proposer une lecture compréhensible du monde des processus, du Lean et Lean Six Sigma, remet également certaines pendules à l’heure sur des notions telles que les KPI, la maitrise des flux d’information voire l’organisation de réunions (car la réunion est peut être la forme la plus élémentaire d’échange d’information….).
Un livre qui ne manquera donc pas de séduire ceux qui ne voient pas le lien entre ce nouveau paradigme et l’essence même de l’entreprise et de son activité ou le voient davantage comme un danger qu’une opportunité. Un ton « technique » mais clair et concis qui amusera peut être moins les amateurs d’ouvrages ou s’enchainent incantation, professions de foi et contes de fées, mais qui nous rappelle que « 2.0 » et « social » sont là pour servir l’entreprise. Je repète à l’envi que l’entreprise 2.0 « permet d’accroitre le capital humain et informationnel accessible et mobilisable dans le but d’une meilleure exécution des process de l’entreprise ». Il y a une certaine convergence…
En ce qui me concerne si je devais résumer cet ouvrage en une phrase ce serait « les yeux tournés vers l’avenir et les pieds solidement ancrés dans la réalité ».
« Processus et Entreprise 2.0 – Innover par la collaboration et le Lean management » est disponible sur Amazon. Il me semble qu’il est également disponible sur l’iTunes Store pour les heureux possesseurs d’iPad.