Du management des services à  l’entreprise 2.0

Résumé : le passage de l’ancien modèle industriel a un modèle de service est essentiel pour la compétitivité future de nombreux secteurs d’activité, voire leur survie. Plus qu’ajouter une surcouche de service au point de contact avec le client il s’agit de réinventer son métier, sa proposition de valeur et la manière dont on l’exécute. En poussant plus loin on se rend compte que le changement de paradigme nécessaire à  cette évolution est similaire à  celui qui concerne l’entreprise 2.0…et est certainement plus compréhensible vu du coté de l’entreprise.

Il y a quelques semaines j’ai découvert et lu avec le plus grand intérêt Du management au marketing des services : Améliorer la relation client – Développer une véritable culture de services de Benoit Meyronin et Charles Ditandy. Vous pouvez vous demander quel est le lien entre le sujet et ceux que je traite habituellement ici…et bien on est en plein dans la même problématique mais vue sous un autre angle. En allant un peu plus loin on peut même avancer que la méconnaissance de certains concepts liés au sujet est un frein à  l’évolution de certaines entreprises, au « paradigm shift » qui amène à  repenser un modèle industriel à  un modèle de service et d’en tirer toutes les conséquences sur le plan organisationnel.

En effet, comme l’explique le livre, la question fondamentale est de mettre en place une culture de service dans l’entreprise. Un petit aparté sur le sujet pour commencer. Là  je fais bien la différence entre une culture de service et une culture du service. Une culture du service s’applique davantage au collaborateur dans ses actes et comportements quotidiens, une culture de service est globale. Elle touche à  l’exécution mais également à  la manière dont, globalement, on voit, pense et conçoit les choses. On peut avoir l’un sans l’autre mais ça n’est que poudre aux yeux, cela renvoie au salarié la responsabilité d’incarner au quotidien un système, une politique, qui n’a aucune réalité structurelle et opérationnelle, dans une organisation qui ne se remet pas en cause. De facto cela limite la création de valeur par le service. Concrètement parlant, lorsqu’une entreprise au lieu de se repenser à  l’heure du service plaque une couche de service sur une organisation purement industrielle dans sa philosophie  il ne s’agit souvent qu’un vernis déposé au niveau de l’interface avec le client mais sans aucun effet sur la valeur délivrée et encore moins sur la valeur perçue. Dans ce contexte le service devient un coût qu’on a facilement envie de rogner à  la première occasion au lieu d’être le levier de création de valeur qu’il devrait être.

En résumé ajouter du service à  un système conçu selon une philosophie industrielle coûte de l’argent alors que repenser son modèle industriel comme un modèle de service en fait gagner. Les exemples dans les sens abondent dans notre quotidien. Je vous épargnerai ma digression favorite sur le transport aérien (trop peu de compagnies comprennent la transformation de leur secteur…) à  ce propos mais le livre regorge d’exemples de transformations réussies, de l’hôtellerie au transport ferré en passant par les parkings publics. Et ces exemples, bien que trop rares, vont devoir se généraliser. On sent bien la patte « Accor » dans certains d’entre eux mais rien que de très logique lorsqu’on connait  le niveau d’excellence de l' »Académie du service Accor » dont font partie les auteurs.

Réfléchissez deux minutes à  ce que signifie pour un constructeur automobile la différence entre vendre des voitures et vendre de la mobilité. Si on garde le modèle à  l’ancienne le modèle « mobilité » coûte horriblement cher car il surajoute à  l’existant. S’il devient l’essence de l’activité il est non seulement différenciant mais, encore plus, créateur de valeur. C’est le chemin que prennent nombre de constructeurs. En B2B cela fait longtemps que les fabricants de pneumatiques ne vendent plus de pneus aux compagnies aériennes mais un nombre d’atterrissages et de décollages.

Au final, si je reprend rapidement certains points clé du livre, que signifie l’acquisition de cette culture de service  ?

 

– un pari sur l’intelligence des collaborateurs qui doivent être en mesure d’adapter leur prestation au contexte et aux circonstances. L’hypothèse inverse signifiant l’interruption du service pour attendre qu’une décision soit prise ailleurs (« je ne peux pas… ») ou l’exécution d’une action inadaptée (« je sais bien mais c’est comme ça… ».)

– la prise en compte du client en tant que co-producteur du service et non pas simple sujet

–  la « servuction » (par opposition à  la production classique) comme une activité systémique (un changement dans une des composantes impacte le tout) là  où la vision classique de la production repose sur l’enchainement  de tches (pseudo) indépendantes niant les impacts que les acteurs ont les uns sur les autres.

– une approche centrée client (qui découle du point précédent) : une approche à  360° orientée service qui fait que chacun est concerné et responsable à  tout moment devant le client (par opposition au « ah ça c’est du ressort des autres je ne peux rien pour vous »). Elle implique bien sur la solidarité et la responsabilité collective (vs indépendance et irresponsabilité individuelle) face au client.

– une évolution du rôle du manager vers un rôle de coach, de guide dans une logique de responsabilisation et de fidélisation du collaborateur

– la valorisation de l’expérience :en matière de services le ressenti, la valeur subjective, prime sur le quantitatif et l’objectif. Avec tous les impacts que cela implique sur les questions de mesures de la valeur mais également de l’utilisation de ressources comme le temps… Implique également un travail sur l’expérience client comme partie intégrante du « delivery » et non comme une surcouche aléatoire. On parle d’ailleurs d’économie de l’expérience.

-…

Est-ce que cela ne nous rappelle pas quelque chose de connu ?

J’ajouterai également un point qui me semble essentiel : ici on parle de client au sens traditionnel du terme mais il faut vraiment intégrer dans la réflexion le fait qu’un client puisse également être interne et que chaque personne ou entité de l’entreprise peut et doit être vue comme productrice de service à  l’égard d’une autre.

Deux choses donc :

Pour ceux qui s’imagineraient encore que ce qu’on met derrière les mots entreprise 2.0, social business ou je ne sais quoi il y a des concepts peu utiles dont on peut se demander à  quoi ils servent, ils ont une réponse : ils permettent de supporter efficacement l’évolution d’une entreprise vers une logique de service.

La survie d’un grand nombre d’entreprises et plus largement de secteurs entiers passe par l’adoption de ce modèle. Remise en cause profonde du modèle, réinvention de la proposition de valeur et alignement de l’organisation. Lourd mais indispensable. Sinon on pourra continuer longtemps à  se demander comment rendre l’industrie compétitive et pourquoi nos entreprises s’essoufflent. Tout simplement parce que leur modèle de valeur a vécu. De manière générale l’innovation de service et ce qui la favorise doit être leur objectif.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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