Résumé : la présence des marques sur internet est une préoccupation majeure des entreprises sur le web social. Mais entre se penser et penser son action comme une marque ou comme une organisation implique, au delà des mots, des différences majeures. La marque est l’expression d’une identité, l’organisation s’inscrit dans une logique d’action au service du client. Les deux doivent aller de paire mais, malheureusement, le canal social est souvent la propriété exclusive des responsables d’une des deux approches, au détriment de l’autre. Le client, s’il apprécie le paraitre, valorise surtout l’exécution de la promesse comme le montrent de récentes études. Il est temps que les logiques de marque cessent d’envahir le web au profit des logiques d’organisation.
Il ne se passe pas un lancement de plateforme, outil ou service nouveau en ligne sans que n’arrive la grande question : comment les marques vont elles pouvoir y exister. A titre personnel, en tant qu’internaute, c’est une chose qui m’exaspère au plus haut point. Je n’ai aucune envie de cotoyer une marque ou d’être « amie » avec elle (surtout que la plupart du temps elles pervertissent cette possibilité de déclarer son intérêt en ligne). Mais vous allez me dire dire que j’interagis avec des marques en ligne et que, parfois, j’apprécie. En fait j’apprécie d’autant plus que cette interaction me permet de satisfaire un besoin. Et, pour le peu que je puisse constater, la satisfaction de ce besoin est d’autant plus fréquente que l’entité en face de moi agit comme une organisation et périphériquement comme une marque et non principalement comme une marque. Et vu les études que je cite dans cet ancien billet, je ne suis pas le seul à n’avoir rien à faire des marques mais à vouloir parler à une organisation.
Quelle est la différence entre une marque et une organisation ? Et quelles sont les significations profondes de la différence entre une approche orientée marque et une approche orientée organisation ?
Une marque est une affaire d’identité. « Voilà qui/ce que je suis, ce que j’incarne, mon image ». C’est indispensable aujourd’hui quand on voit à quel point le « online » occupe une place sans cesse plus importante dans nos vies. Il faut se faire connaitre, se laisser connaitre, passer un message qui est d’autant mieux délivré qu’il passe par de la conversation et non plus seulement par de la déclaration. Avoir une stratégie de marque en ligne est donc stratégique. Mais pas suffisant. Le billet que je mentionne plus haut montre clairement que les internautes, contrairement aux idées reçues, ne font que peu de cas des « conversations sociales » avec les marques ou de l’appartenance à une communauté de marque. Ils veulent que la relation leur procure un « output » très opérationnel et concrêt.
Concrètement, prenons l’exemple d’une marque de vêtements. Elle peut se doter d’une égérie qui véhicule sa marque et ses valeurs et peut donner envie d’acheter leurs produits. Mais si le produit est de mauvaise qualité ou que je dois amener mon costume au pressing je ne pense pas que m’adresser à l’égérie m’aide beaucoup…non pas qu’elle ne veuille pas m’aider mais ça n’est simplement pas son travail, sa mission.
Exemple plus proche. Tout le monde sait à quel point j’apprécie une compagnie comme KLM. D’accord, parce que sa stratégie de marque est spécialement réussie. Mais si, à un moment donné, j’ai été sensible à leur stratégie de marque c’est uniquement parce que leur stratégie d’organisation m’a convaincu, m’a apporté (au début à ma grande surprise) ce que j’attendais. Ce qui m’a amené à les apprécier et les regarder davantage. Sans qualité dans l’exécution la stratégie de marque a peu ou pas de valeur et peut même être contreproductive.
Quitte a remuer le couteau dans la plaie et rappeler un temps heureusement révolu, je vous renvoie à cet ancien billet écrit au lendemain d’un voyage un peu compliqué. Même si les choses sont forcément un peu plus complexes et méritent une analyse plus fine, à cette époque KLM avait en plus d’une stratégie de marque une stratégie d’organisation alors qu’Air France réfléchissait plutôt en termes de marque (heureusement la leçon a été bien apprise depuis…ils ont même obtenu une récompense, ce qui montre le chemin parcouru). Allez également lire ce billet qui montre que très peu d’entreprises répondent aux questions qu’on leur pose sur Facebook. On peut analyser la chose comme on veut mais si vous suivez le fond de ma pensée….il est clair que la différence entre les entreprises qui répondent le plus à leurs clients (en général les Telcos et les compagnies aériennes) et celles qui répondent le moins (tous les autres secteurs…surtout la mode et les médias) vient du fait que certaines ont une approche « marque » et les autres une approche « organisation ».
Alors, qu’est ce que j’appelle une approche ou une stratégie « organisation » ? C’est en, plus (et même avant) de dire « je me montre, je m’affiche et je me laisse découvrir », de dire « j’agis »…et le faire. Qu’est ce que cela veut dire pour l’entreprise ? Qu’entre monter un plan de com’ et mettre ses salariés en capacité de servir le client via les « canaux sociaux » il y a un monde. Que cela nécessite la mise en place de certains process, d’une logique d’empowerment...et que souvent cela ne concerne pas les mêmes personnes donc il s’agit de partager le canal entre plusieurs équipes. La question n’est pas de dire que l’un est meilleur que l’autre mais qu’il faut faire les deux. Simplement l’obnubiliation des entreprises pour la marque et les effets d’image, la prise de pouvoir du marketing et de la communication sur les logiques de service et d’exécution (rien que voir lesquels ont les budgets pour le online vous laisse deviner le piètre niveau de service qui va s’en suivre…) amène à négliger un pan entier de la problématique. Ce qui prouve qu’on est encore loin d’une approche globale et organisationnelle de l’activité en ligne et que les médias sociaux restent encore trop un objectif plutôt qu’un moyen. (Voir à ce sujet cet excellent billet de Gregory Pouy ou le mien sur l’ineptie des stratégies médias sociaux en trompe l’oeil).
Le client pourra prendre du plaisir à côtoyer une marque mais ce qu’il valorisera sera son rapport avec une organisation en ordre de marche, à son service.
Bref…on conseillera souvent aux entreprises de se montrer sur le web, d’y agir comme une marque. Il ne faudrait qu’elles consacrent trop d’énergie à la parade et pas assez au service, à l’exécution de leur promesse. D’autant plus qu’agir et servir en ligne est le meilleur moyen de se construire une réputation par l’exemple. C’est le cas par exemple chez Best Buy qui a construit son image en ligne non pas sur une logique de marque mais davantage par l’exemplarité dans le service, sous les yeux de tous.
Au final la question est simple. Pensez vous que « paraître » puisse être une alternative pérenne à « agir » ? Une chose est sure : on peut paraitre en agissant mais on agit rarement en paraissant.