Une épreuve de « numérique » au bac : c’est grave docteur ?

Résumé : une épreuve sur le « numérique » au bac. Ils ont enfin compris. Le système éducatif va enfin vivre avec son temps et sensibiliser les jeunes à  ces nouveaux enjeux qui dépassent la technologie et impactent la sphère sociale, l’économie, la manière dont la société avance et évolue. Peine perdue. Il ne s’agit que de parler formats de donnée, algorithmes et formats de donnée. Visiblement on a pas compris la différence entre informatique et numérique et cette « nouveauté » arrive avec au moins 10 ans de retard. Si la France réussit son virage numérique elle ne le devra surement pas à  son système éducatif.

Il était temps que la question de la culture numérique des jeunes soit enfin prise en compte sérieusement. On sait très bien qu’il est difficilement envisageable d’avoir des entreprises et des salariés performants en la matière si un niveau minimum d’éducation et de sensibilisation n’a pas été fait auparavant. Le plus tôt étant le mieux. Soyons bien clair sur les enjeux : il ne s’agit pas de s’assurer qu’au jour de l’obtention du bac un jeune saura allumer un ordinateur, taper un CV sous word, l’envoyer par email et faire une recherche sur Google. Ca c’était déjà  ce qui aurait du être la norme dans les années 90. La question touche davantage à  l’acquisition d’une sorte de maturité dans les usages et la réflexion. Dans les usages car aujourd’hui la valeur de la technologue est dans l’usage, souvent collectif, qu’on en fait. On n’apprend pas le numérique en utilisant un ordinateur dans son coin mais en s’en servant pour travailler, créer, apprendre etc.. avec les autres. Dans la réflexion car le numérique est davantage devenu aujourd’hui une dimension de nos vies, une approche des choses, des gens et des relations qu’une question d’outils à  connaitre et maitriser. On agit et on pense numérique en tant qu’internaute, client, salariés, chef d’entreprise, chacun à  son niveau et en fonction de ses besoins.

L’enjeu ? Construire le terreau fertile qui permettra à  un pays de se positionner sur les nouveaux axes de croissances, d’avoir un tissu d’entreprises nombreuses et innovantes sur les sujets en question etc… En somme, un tissu économique ayant l’ADN pour réussir demain au lieu de pleurer un hier qui ne reviendra pas. Enfin…si notre retard en la matière n’est pas déjà  rédhibitoire….

Bref, j’ai vu passer une excellente nouvelle il y a quelques temps : une épreuve de « numérique » au bac dès 2013. Alleluia ! Qui dit épreuve dit enseignement. On va donc avoir des lycéens qui auront reçu un vernis minimum, un début de sensibilisation qui pourra les aider à  faire des choix en termes d’orientation, comprendre l’impact du numérique sur tous les domaines de la vie quotidienne etc… Certainement pas le Pérou mais mieux que rien. Je regarde ça de plus près.

Il s’agit d’une option réservée aux bacs scientifiques. Pourquoi pas même si, en 15 ans, on est justement passé d’une approche technologique à  une approche quasi sociologique et en tout cas centrée sur les usages de la technologie.

On nous dit que « Cependant, nous souhaitons que cette avancée soit la première manifestation d’un mouvement de fond conduisant à  l’introduction d’un véritable enseignement de l’informatique pour toutes les filières du lycée mais aussi dès le collège« . Heu…digital = enseignement de l’informatique ? Moi qui pensait que le débat était clos depuis la fin des années 2000.

“Cet enseignement aborderait progressivement les questions de la représentation des données (quel choix de formats de fichier en fonction de quel usage) et des différentes couches logicielles (système, interfaces, logiciels applicatifs et les rapports qu’ils entretiennent) ; puis, sans doute dans un second temps, des principes généraux de l’algorithmique (seuls à  même de permettre la compréhension de la notion centrale de processus), des réseaux (là  encore quel protocole et pour quel usage, avec quelle sécurité), de leurs usages (techniques et usages des outils collaboratifs) tant dans la sphère privée que professionnelle”. Si on enlève la partie « usages collaboratifs », il est clair qu’il ne s’agit pas d’expliquer le digital mais la programmation dans la sacro-sainte optique française qui veut qu’on ait les meilleurs concepteurs / développeurs / ingénieurs du monde parce que les entrepreneurs….on s’en fout.

“En la matière, la France ne serait d’ailleurs pas pionnière” rappelle le ministre de l’éducation. Effectivement, les pays développés sont déjà  surement passés à  autre chose.

Pas besoin d’être visionnaire pour comprendre qu’on est loin, très loin du compte. Ou, pour être plus précis, on est « pas mal » pour adresser une partie du besoin par rapport à  des filières scientifiques. Mais de tels enseignements auraient du exister depuis les années 90.

Alors bien sur on aurait pu rêver. Se dire qu’il y aurait pu avoir matière en enrichir certains programmes d’une dimension « digitale ». Je suis certain que la transformation de notre rapport aux autres, du lien entre les espaces physiques et virtuels et ce qu’on pourrait appeler « les nouvelles formes de socialité » gagnerait être saupoudré sur, par exemples, les enseignements de philo.

Le digital comme vecteur de dynamisme économique, de développement local, nouveaux métiers, modes de travail, évolutions culturelles et rapport individu/travail …..pas mal pour raffraichir les programmes d’économie. Peu de chance que cela arrive quand on voit déjà  l’état pitoyable de ces enseignements. J’aimerai bien savoir si quelqu’un a essayé de mesurer ce que des enseignements aussi peu objectifs et traduisant une méconnaissance totale de l’entreprise et de l’économie a couté au fil des années en termes de croissance, de création d’entreprises et d’emplois. Alors ajouter la « numerisation de l’économie »…..peut être dans 60 ans.

Trop peu, trop tard, trop décalé. Malgré toutes les bonnes volontés je me demande si on pourra un jour compter à  nouveau sur notre système éducatif pour construire un pays qui avance avec son temps. Pour le numérique il est clair que c’est déjà  trop tard.

L’économie du savoir n’existe pas. La France numérique pas plus.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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