Résumé : entre la promesse du social business et la réalité du terrain il y a un gouffre qui se comble à peu près surement et certainement lentement. Alors que les grands groupes investissent et peinent à régler toutes leurs contradictions pour mobiliser des populations de cols blancs, on constate avec surprise que la promesse est plus souvent tenue dans des structures de moyenne taille peuplées de cols bleus ? Un étonnant paradoxe ? Pas si sur dès lors qu’on essaie de définir la promesse en question. Là où les uns ne jurent que par l’outil et les communautés d’autres ont mis en place des modèles managériaux pragmatiques, axés sur la production et la prise de décision. Et, souvent, c’est eux qui ont les meilleurs résultats tant en termes d’impact sur le travail que d’épanouissement pour les salariés.
Lorsqu’on parle du besoin de faire évoluer les modes d’organisation il y a un raccourci qui s’opère très vite : on parle de cols blancs, diplômés, passant leur temps derrière un écran. Un raccourci facile qui vient du fait que dans encore trop d’esprit on lie la transformation de l’organisation à l’utilisation d’une certaine catégorie d’outils informatiques, ce qui les destine à un certain public. Un présupposé que l’expérience réduit à néant tant on voit à quel point les choses sont compliquées avec cette population et lorsqu’on veut bien admettre que l’outil n’a aucune valeur si ce qu’il permet ne rentre pas dans le cadre de « la manière officielle de travailler dans l’entreprise ».
Comme on l’a déjà vu par ailleurs, rien ne fonctionne sans volonté forte de changer les choses en profondeur. Ce qui nous amène à reposer la question : « qu’est ce qu’une entreprise 2.0 ou un social business ? ».
On sait désormais que ça n’est pas déterminé par l’utilisation d’une forme de logiciels. Cela peut y contribuer, mais ne permet en rien de qualifier.
On pourrait regarder davantage vers les logiques d’organisation et les flux de travail. Flux ascendants, empowerment, logiques d’intrapreneuriat…avec, pour objectifs, mettre les bonnes ressources au bon endroit au bon moment, délivrer ce qu’attend le client final (ou interne), concentrer l’énergie sur le « delivery » du produit ou service et moins dans les workflows de décision/validation. Une logique d’efficacité collective fondée sur une coordination agile et une fluidité dans les échanges et l’apprentissage.
Dans ce cas il est clair que si on s’intéresse aux travailleurs du savoir, le logiciel peut revêtir une importante majeure. Mais pour les autres ? N’ont ils pas les mêmes problématiques ? N’ont ils pas besoin également de réactivité, de prendre les bonnes décisions, de devenir plus performants sur la gestion des exceptions, la résolution des problèmes ?
Doivent ils rester les parents pauvres de la démarche ? Non. Et ce, d’autant plus, qu’ils sont parfois plutôt en avance.
Prenons 3 cas (presque) au hasard.
1°) Semco : pas besoin de réécrire l’histoire une énième fois. Tout le monde en a déjà parlé et ce cas est quasi légendaire. (Voir mon ancien article ainsi que là ). Un beau disposifit de self-management et entrepreneuriat au service de la performance de l’entreprise et du « management durable » (entendez relation de confiance long terme entreprise salarié / développement personnel / ne pas sacrifier la relation entreprise-salarié à la performance immédiate)
2°) Groupe Hervé : moins connu à l’étranger, c’est un peu le Semco à la Française. Repose sur des principes similaires.
3°) Morning Star : le nouveau venu, rendu célèbre par le récent article de Gary Hamel dans la Harvard Business Review (ça vaut la peine de lire les 10 pages voire d’acheter l’article si vous n’êtes pas abonnés). Ici encore grande responsabilisation des salariés (même pour les dépenses), peu de contrôle, haut niveau de cohésion et de coordination. L’activité de chacun est pilotée par un « mission statement » qu’il construit lui même, expliquant la manière dont il va contribuer à la réussite de l’entreprise, il est responsable des moyens mis en œuvres (qu’il s’agisse d’acheter un stylo bille, une formation ou une machine a 3 M‚¬) et les décisions sont prises entre pairs. Pas de managers ni de controleurs mais des « collègues » avec qui on est dans le même bateau. La coopération interne peut même se faire via des transactions entre unitiés mais, chacune partageant le même « scorecard », le deal ne se fait pas au détriment l’une de l’autre mais toujours dans le sens du bien de l’entreprise. J’ajoute que, en l’absence de contôle hiérarchique, la notion de scorecard et de ROI est bien ancrée dans les comportements et appliquée par tous, individuellement et collectivement, au moment de prendre une décision.
Qu’est ce que ces entreprises ont en commun ?
Une population plutôt « col bleu » : usines chez Semco, energie et industrie chez Hervé, fabrication de jus de tomate chez Morning Star
des cas que vous ne verrez jamais mentionnés comme référence « social business » alors que paradoxalement ils sont arrivés là où des milliers d’entreprises tentent de parvenir en vain.
des cas « non software » (ceci expliquant peut être le point précédent). En fait il est possible que Semco et Morning Star se soient doté des outils adéquats au fil du temps mais on n’en fait jamais mention. Donc si c’est le cas c’est totalement accessoire. Chez Hervé, des outils communautaires ont été développés en interne car on était longtemps avant la « vague 2.0 ». Mais là encore c’est sur la vision de l’entreprise et du management que l’entreprise préfère mettre l’accent.
Des entreprises qui, aux dernière nouvelles, se portent plutôt très bien en termes de performance et de croissance depuis des années.
Mais (et c’est un bémol potentiel dont on parlera dans de futurs billets pour tester sa validité), des entreprises qui ne font que quelques milliers de salariés et quelques centaines de millions de CA.
Une chose est certaine, personne n’est arrivé à un tel résultat (si je me trompe merci de me corriger) dans les grandes entreprises qui essaient d’avancer à coup de social software. Ici on a des principes organisationnels, managériaux, humains dont découlent une efficacité collective accrue et une durabilité de la performance et du management. N’est pas le Grahal recherché par tous au travers de plateformes de RSE et à grand renfort de community management ?
Alors, pour faire du social business, vaut il mieux être une grosse PME de cols bleus et travailler ses valeurs plutôt que son IT ?
On en reparle bientôt mais je suis curieux d’avoir votre avis.