Résumé : il n’est de pire ennemi pour une solution de réseau social que l’email qu’il vise souvent à remplacer et qui, incarné par son logiciel client, continuera encore à troner pendant de longues années en bonne place sur l’écran des collaborateurs, décourageant toute velléité de changement. Sauf à prendre le taureau par les cornes : intégration poussée du client mail et de l’outil de réseau social et bridage des fonctionnalités du mail. Une méthode un peu directive mais qui n’est surement pas inefficace.
Qu’il est compliqué de faire changer les pratiques dans l’entreprise et faire adopter de nouveaux outils. Et pas besoin, pour se heurter à certains murs, d’envisager des changements radicaux dans la manière de faire. Le simple fait de changer de canal pour faire exactement la même chose qu’avant (comprenez : « aucune tche supplémentaire »), neutre pour la personne concernée mais positif au niveau du collectif, relève souvent de la mission impossible.
Bon, en fait, lorsqu’on parle de changement neutre en termes de tches ça n’est pas totalement vrai, et c’est souvent là que le bt blesse au premier chef. Car s’il n’y a qu’à faire ailleurs ce qu’on faisait avant dans l’email cela impose un changement d’outil, voire le fait de jongler entre deux outils. Cela représente davantage qu’un frein ou une barrière : une vraie muraille quand on sait que le client mail est en général ouvert devant soi en permanence et que jusqu’à preuve du contraire il le restera tant qu’il n’y aura pas une alternative crédible susceptible d’accueillir l’ensemble des interactions indépendamment de leur nature, de leur objet, de leurs participants. Et tant que notre bon vieux Outlook ou Notes sera ouvert devant nous peu de chances qu’on perde du temps à aller parler, échanger, collaborer ailleurs.
L’email, ou du moins son client, est donc central dans la stratégie qui vise à l’abandonner (dans les « social machins » on n’est pas à un paradoxe près). Si on ne peut, depuis son client mail, partager un fichier dans l’outil adhoc au lieu de l’envoyer en pièce jointe, suivre ce qui se passe dans ses communautés ou tout autre espace collaboratif et y (inter)agir il y a fort à parier que votre nouvelle plateforme sur laquelle vous misez tant ne soit adoptée que par 10% de salariés convaincus et passionnés. Un peu faiblard et pas spécialement rentable. Dans un monde parfait on irait d’ailleurs beaucoup plus loin : convergence de la pile sociale avec l’outil de messagerie qui ne disparait pas mais change de nature et de but, intégration outils métiers et portail…on arrive à la digital workplace que tout le monde appelle de ses vœux pour les années à venir. Mais ne nous emballons pas, une interopérabilité entre le client mail et le réseau social est déjà un bon départ quand on voit combien passent à coté de ce point critique.
C’est à cette condition que le changement de canal devient neutre. Mais il reste encore un ennemi très puissant à vaincre : la force de l’habitude. Quand on est face à un outil qu’on a toujours utilisé d’une manière, l’utiliser autrement est difficile. Et on continue d’envoyer des emails à 200 personnes au lieu de partager dans une communauté, envoyer des pièces-jointes au lieu de partager une copie unique du document etc. Deux solutions s’offrent à vous.
La première est la plus souvent mise en œuvre. Evangélisez et priez. A force de se voir expliquer les bonnes manières les utilisateurs vont finir par les adopter. Efficace, très respectueux de l’utilisateur final qui ne se voit contraindre à rien…mais long. Justement parce qu’au final c’est l’utilisateur qui décide.
La seconde est beaucoup plus directive et déplaira par définition aux tenants du changement sans changement. Mais, comme on me le glissait dernièrement à l’oreille, sachant que de toute manière il y aura des mécontents et que soit on décide qu’il est essentiel de changer les pratiques soit ça n’a aucune importance mais qu’entre les deux il n’y a que solutions qui gaspillent le temps, l’énergie, voire les finances des uns et des autres, autant faire les choses franchement…ou ne pas les faire.
Limitez le nombre de destinataires d’un message à deux ou trois, là où l’email est encore légitime. Je ne parle pas de consignes d’utilisation mais bel et bien de bridage technique. Au delà c’est un groupe de travail, une communauté ou un groupe social non identifié mais en aucun cas un échange de courriels. Pour faire bonne mesure limitez les pièces jointes à …1Mo, 500ko étant encore mieux. Si vous voulez du changement ça risque d’être radical et après 3 mois de grognements, qu’on aurait eu de toute manière mais sur une période plus longue sans avoir aucune garantie quant au résultat, vous verrez que les habitudes auront drastiquement changé. Au pire vous pouvez même y aller progressivement en abaissant les seuils par pallier, mois après mois.
Une méthode qui concerne aussi bien les entreprises que les éditeurs de logiciels qui eux aussi ont un intérêt à voir les flux changer de canal.
Intégration client mail / réseau social + bridage du mail = partir des vieilles habitudes pour en prendre de bonnes.
Sinon il reste la prière. L’expérience prouve que le résultat n’est pas souvent à la hauteur à moins de se donner une bonne dizaine d’année. Et encore.