Résumé : qu’il est difficile d’amener les salariés à participer dans les mutiples dispositifs dits sociaux, participatifs etc… qui bourgeonnent aux quatre coins de l’entreprise malgré les bénéfices évidents pour les individus et le collectif. Deux raisons à cela. La première est que le bénéfice de la participation d’un individu peut être immédiat pour un membre du groupe alors que retour peut prendre beaucoup du temps pour celui qui participe. La seconde est que le collaborateur est souvent empêtré dans des problèmes d’exécution et coordination au quotidien, ce qui lui laisse peu de temps, d’énergie et d’attention pour se concentrer sur quelque chose d’autre. Une solution : penser à appliquer les logiques dites « sociales » ou « 2.0 » sur des périmètres plus restreints, autour d’une activité donnée, afin de faire la preuve immédiate de la valeur ajoutée de la démarche et soulager l’individu sur son quotidien avant de penser à l’amener sur d’autres terrains.
Une des premières choses que l’on a tendance à faire lors du lancement d’un programme de type entreprise 2.0 est d’identifier les communautés clé avec lesquelles on va démarrer. Une vision un peu restrictive car avec l’expérience on voit bien qu’ajouter des communautés à l’existant n’est qu’une réponse incomplète au regard des besoins et, de plus, une « vraie » communauté si elle répond à un besoin et a du sens dans un contexte managérial et culturel donné n’a pas besoin qu’on s’occupe d’elle pourvu qu’on lui donne un espace pour se cristalliser (et que cet espace soit à peu près utilisable).
Bref, stimuler la participation dans les espaces en question est tout sauf simple et on s’en rend bien compte avec le temps. Et pourtant les bénéfices tant pour les participants que pour l’entreprise sont tellement évidents qu’on se demande pourquoi tout le monde ne comprend pas l’intérêt de la chose.
En fait on construit beaucoup au niveau macro et on présente les bénéfices pour le groupe, qu’il s’agisse de l’entreprise ou de la communauté. S’en suit le raisonnement selon lequel, au niveau individuel, si on donne on finira bien par recevoir. Ce qui n’est pas évident du tout.
Une chose est sure, un dispositif communautaire c’est comme une auberge espagnole : on n’y trouve que ce que quelqu’un a apporté. Par contre ça n’est pas parce que quelqu’un a apporté quelque chose qu’il s’agit d’un plat dont on a envie ou besoin. Ou pas au bon moment.
Si on trouve des choses dont on a envie (intéressante) mais dont on a pas besoin (l’information qu’il me faut pour faire face à une situation ici et maintenant), on va manifester un intérêt discret mais pas un véritable investissement, le système devenant un « nice to have ».
Si on trouve ce dont on a besoin, par contre, on a un bénéfice immédiat qui incite à participer davantage pour entretenir la dynamique. Enfin…en théorie. En pratique il reste que certains adorent se servir mais n’apporteront jamais rien. Pas grave tant qu’on a une masse critique de participants, c’est la règle du jeu.
Reste la question du « quand j’en ai besoin ». Il n’y a pas de parallélisme entre le don et le bénéfice. Je peux ne rien donner et recevoir tout de suite, comme donner pendant des mois avant de recevoir ce dont j’ai besoin. Plus le décalage est important entre le don et le bénéfice moins ce dernier apparait intéressant, indépendamment de sa valeur intrinsèque.
Conclusion évidente : la meilleure route vers un bénéfice collectif passe par un bénéfice personnel le plus immédiat possible. Passer de la Sérendipité à la probabilité.
Il est parfois surprenant de voir que malgré la multitude de possibilités offertes par les outils les plus performants, il suffit parfois d’un détail pour « embarquer » un utilisateur de manière durable. Alors qu’on ne tarit pas d’éloges sur les conversations, c’est parfois une fonctionnalité de partage de fichier simple et efficace (drag and drop vers un groupe depuis l’exporateur Windows, partage depuis le client mail au lieu d’envoi d’une pièce jointe trop importante par rapport aux limites de taille imposées par la messagerie) qui fera la différence. Et, une fois seulement que l’outil nouveau leur a ôté le caillou qu’ils avaient dans la chaussure, de manière pas nécessairement « sociale », ils trouvent d’autres intérêts à l’outil. Deux raisons à cela : la première est qu’ils ont une raison de l’utiliser. La seconde est qu’il leur libère un peu de temps, leur enlève un peu de douleur sur des actions obligatoires et désagréables, ce qui leur donne la possibilité de réaffecter un peu de temps, d’attention et d’énergie ailleurs.
De manière générale, il existe une règle qui tend à se vérifier dans quasiment tous les cas : si le duo outil/usages nouveaux ne permet pas au départ de faire mieux les choses obligatoires qu’on a fait de tout temps et devra continuer à faire, aucun risque qu’on essaie de s’en servir pour faire des choses nouvelles. Il faut améliorer l’existant avant d’embarquer l’utilisateur vers la nouveauté.
D’où une tendance de plus en plus marquée à adresser ce qui est vraiment pénible, douloureux, compliqué et essentiel. Je ne parle pas là du besoin de converser et networker, mais de celui d’exécuter la mission et les activités pour lesquelles on a été recruté, en fonction desquelles on est évalué. Ce n’est qu’à ce prix qu’en apportant une plus value tangible et directe à l’utilisateur au premier chef, on lui donnera l’envie, l’attention et le temps de participer au bénéfice collectif. Après être rentré par la conversation hors flux de travail, le « social » revient par des dimensions très opérationnelles même si ce coté terre à terre tue un peu le rêve.
Alors bien sur le bénéfice est plus restreint en termes d’impact : on touche une personne, une équipe, mais on est loin des échanges ouverts et transverses qui servent à terme potentiellement toute l’entreprise. Mais peut être que celle dimension est essentielle pour la plupart des collaborateurs qui vont découvrir de nouvelles approches avec des choses qui ont davantage de sens pour eux et ont ensuite plus de chances de « glisser » vers le communautaire. Peut êre aussi qu’en les rendant plus efficaces, en supprimant des points douloureux sur le cœur de métier on libérera du temps et de l’envie pour d’autres choses.
Deux comparaisons très parlante pour finir.
1°) Vous vous souvenez des démonstrations de sécurité dans les avions ? Si on demande de mettre d’abord son masque à oxygène avant de s’occuper d’aider les autres, il y a surement une raison. Qui est que si on est pas en état de respirer soi même on va avoir du mal d’aider les autres à le faire.
2°) La seconde me vient d’une ancienne discussion avec un de mes professeurs d’économie.
-4% de chômage c’est pas mal comme chiffre non ?
-Bien sur que oui.
– Et pourtant certains continuent de se plaindre de la situation, à ton avis pourquoi ?
– [A ce moment je me dis que la réponse est évidente « ils sont de mauvaise foi »…mais je me retiens en me disant qu’il y a surement quelque chose de plus intelligent vers quoi il veut justement m’emmener]. Heu…..
– Le taux de chômage peut être de 4%; même de 1%….pour ceux qui n’ont pas de travail, aussi peu nombreux soient ils, le taux n’est pas de 1 ou 4%….il est de 100% !! On regarde le résultat global alors que pour les personnes concernées ce résultat ne veut rien dire.
Ce qui, ramené à notre cas, signifie : ont peut mettre en place tous les mécanismes participatifs hors flux de travail qu’on peut, pour ceux qui sont bloqués et étouffés dans leur flux, il faut d’abord les aider à sortir des difficultés quotidiennes avant de penser les impliquer dans quoi que ce soit.