Social et 2.0 : des principes à  appliquer plus que des postures à  adopter

Résumé : social et 2.0 dans l’entreprise tout le monde en parle mais lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre on bloque souvent sur le passage d’un discours en termes de philosophie et de postures généralistes à  une application pratique dans les activités quotidiennes de chacun. Il faut descendre un cran en dessous pour déterminer des principes d’action, d’organisation qui doivent ensuite être déclinés à  chaque situation de travail. Sinon on continuera à  faire du social pour faire du social et l’entreprise n’y gagnera rien. Il importe donc d’aller au delà  de la posture et d’appliquer des principes à  nos modes opératoires, ce qui peut se faire avec ou sans outils.

C’est le paradoxe de tout ce que l’on désigne sous les appellations « social » ou « 2.0 », qu’il s’agisse d’outil ou d’usage. Tout le monde ou presque est convaincu par le potentiel du dispositif mais reste très attentiste quant à  sa mise en œuvre et dubitatif quant à  la valeur effectivement créée.

Reprenons depuis le début. Le « social », qu’est-ce exactement ? Des dispositifs conversationnels reposant sur des réseaux et des communautés supposés faciliter la diffusion des savoirs et des expériences dans un premier temps, la prise de décision et la résolution de problèmes dans un second temps une fois que le système permet de mettre en relation les bonnes personnes et les bonnes informations au bon moment.
Le problème, et on le sait depuis longtemps est que réseautage, communautés et conversations ne créent pas spontanément de la valeur. D’abord parce qu’il faut les aligner sur les objectifs stratégiques et les besoins opérationnels. Ensuite parce que la masse de savoir et d’intelligence qui y est générée et partagée n’est pas nécessairement d’utilité immédiate. Une conversation sur un sujet « émergent » peut d’un seul coup revêtir de l’importance parque que l’entreprise décide de lancer un nouveau produit€¦6 mois après qu’elle ait eu lieu. Une information partagée un jour peut n’avoir qu’une valeur relative en tant que telle mais réutilisée des centaines de fois au long de l’année elle finit par avoir une valeur bien réelle. Enfin parce qu’en plus d’utile, l’information doit être réutilisable. Ca n’est pas parce qu’on identifie une approche nouvelle à  un problème qu’on va avoir l’autonomie nécessaire à  sa mise en œuvre, la possibilité de changer un process et un mode opératoire bien rodé.

Bref si on voit bien que ça aide à  certaine choses ça ne résout pas tout, et pas totalement.

Maintenant essayons de prendre un peu de hauteur. Oublions conversations, réseaux et communautés pour identifier quelques principes clé qui, bien sur, se retrouvent dedans mais pourraient se manifester d’une infinité d’autres manières.

Il s’agit d’un premier jet et d’un « work in progress » encore perfectible mais à  première vue ces principes seraient :

Visibilité : c’est de fait de rendre les choses visibles. On parle de l’information, des individus et des actions des uns et des autres (cf. les notions d’observable work ou « working out loud » abordées ici, par Dion Hinchcliffe, ou  John Stepper). Elle sera parfois absolue (visibilité de tout par tous), parfois relative (limitée à  certaines actions ou certaines personnes). Elle implique l’emission et la réception de signaux ainsi que la capacité de pouvoir chercher et explorer données et objets.
« objectivation sociale ». Merci pour le néologisme mais je n’ai pas encore trouvé mieux. De quoi s’agit il exactement ? D’abord de considérer que toute « chose » est un « objet » dans le cadre de nos systèmes de communication et d’information. Par « chose » je veux dire une personne, un document, un message et les éléments de conversation qui s’en suivent, toute forme d’alerte et d’évènement provenant d’un outil quelconque, tout élément ou entrée d’un outil métier (client, opportunité, étape d’un cycle ou processus quelconque). Mais cela ne suffit pas, l’objet doit être social. Ce qui signifie que quiconque y a accès peut le transformer en objet de conversation avec qui il désire, le partager, le coéditer le cas échéant etc…
Connectivité : c’est la capacité des individus à  pouvoir se connecter entre eux (ce qui signifie qu’ils soient capables de se trouver) et de se connecter à  l’information pour la suivre ou agir dessus.
Intéractions : capacité à  pouvoir agir avec et sur tout type d’objet et, le cas échéant, possibilité pour l’objet de réagir.

Désintermédiarisation : permet d’accès direct à  ceux et ce dont on a besoin. La connexion peut être intermédiarisée, pas la suite de l’interaction.

Subsidiarité : concerne les personnes : chacun peut et (surtout) doit traiter les sujets qui relèvent de son niveau de responsabilité à  son propre niveau sans transférer à  un niveau d’autorité supérieur. Si une personne n’a pas les compétences pour agir/décider seule, elle doit soit passer à  un supérieur si c’est une question de délégation de pouvoir, soit élargir sa réflexion à  un cercle de pairs si c’est une question d’expertise.

Contexte : il permet de rationaliser les autres principes. La visibilité, le niveau d’intégration etc. sont fonction du contexte. ll sert, à  un moment donné, à  prioriser les signaux, déterminer le niveau d’interaction et de connectivité approprié. Il donne également, et surtout, un sens à  l’ensemble car il sous-entend souvent un objectif. Lorsqu’on applique les principes alors qu’on recherche à  faire avancer la signature d’un client, avoir des informations pour prendre une décision, se documenter sur un sujet donné voire simplement socialiser et éventuellement apprendre deux ou trois choses des autres, ils seront mis en œuvre de manière différente selon les cas. Le contexte définit également parfois la priorité d’une action par rapport à  une autre (résoudre ce problème client ou aller me « cultiver » dans une communauté dédiée à  la veille technologique ).

Au pire vous remarquerez qu’il peut manquer des éléments liés à  l’état d’esprit des participants pour que le système fonctionne mais c’est à  mon avis exogène au dispositif. En effet un tel système fonctionne par l’équilibre relatif de l’envie, du sens et de l’alignement. Ou, dit autrement entre le bénéfice ressenti et compris, la nécessité et l’envie. Faute de vouloir jouer sur la dimension systémique on a toujours joué sur l’envie à  tel point qu’on en a fait la dimension motrice essentielle voire unique. Bien sur que l’envie est très important et qu’il faut tout faire pour qu’elle soit présente dans un maximum d’activités mais il ne faut pas tomber dans l’excès et miser sur l’envie contre le reste, ce qui traduit une opposition de fait entre la manière dont le travail est officiellement organisé et celle que l’on veut voire adopter…avec au milieu des salariés qui paient les pots cassés.

Bon, remettons tout cela dans la perspective de la vision traditionnelle « 2.0 » ou « sociale » où l’on parle davantage de communautés, réseaux, conversations, engagement etc. On peut a priori noter quelques différences mais au final le modèle fonctionne grâce et avec ces principes. Qu’est ce que cela veut dire :

– que dans une certaine proportion, appliquer les principes « sociaux » ou « 2.0 » à  l’entreprise ne nécessite pas nécessairement un outillage technologique. Ou, plutôt, que ce dernier n’est qu’un catalyseur qui permet d’aller plus loin, plus fort, mais qu’on parle avant tout de principes de fonctionnement. Exemple ? Semco ou Morning Star pour ce citer qu’eux. Le rapport à  l’information, aux autres, à  la hiérarchie et à  la décision n’est pas une affaire d’outils.

– que ces principes ont pour vocation de rendre plus efficace le travail dans des contextes à  forte intensité informationnelle (c’est à  dire presque partout…dans des proportions diverses) et que pour être pleinement efficaces ils doivent s’appliquer à  quelque chose. Et c’est là  que le bt blesse.

Dernier point. Des principes ne valent rien s’ils ne sont pas appliqués à  quelque chose, de manière adaptée, circonstanciée, contextuelle. La preuve, dites à  vos collaborateurs « partagez, soyez autonomes, réactifs, échangez »…ils vous regarderont, l’air de dire « mais…qu’est ce qu’il me veut celui là  ? ». Si vous leur expliquez ce que cela veut dire concrètement par rapport à  une activité donnée, et si possible une activité qui a du sens pour eux et, qu’en plus, vous mettez en œuvre les changement organisationnels et managériaux qui vont rendre ces pratiques logiques, normales, acceptables les choses iront beaucoup mieux.

Conséquence : être social pour être social, exhorter à  un nouvel état d’esprit sans le décliner sur les activités quotidiennes n’a ni sens ni valeur. On obtiendra soit rien soit des conversations et du networking de salon stérile. Pas de valeur intrinsèque donc…mais une valeur extrinsèque à  condition de considérer qu’on parle donc de principes appliqués…et qu’il faut donc les appliquer à  quelque chose. Un peu comme, pour un moteur qui tourne, la différence entre avoir ou non une vitesse engagée.

Autrement dit, « socialiser » l’entreprise n’est pas qu’une affaire d’exhortation à  de nouveaux comportements, c’est la mise en œuvre concrètes des principes ci-dessus aux activités de l’entreprise et de ses collaborateurs. Il faut donc s’interroger sur ce que ces principes veulent dire, en termes de management, de routine de travail, de prise de décision etc.  lorsqu’on les applique à  des activités telles que  :

– apprentissage

– gestion de la relation client

– communication interne

– gestion de cas

– modélisation et exécution de processus

– évaluation

– recrutement

– innovation

-…liste à  allonger à  l’envi tant elle est potentiellement illimitée.

Bref. Social et 2.0 se résument à  principes d’efficacité, d’organisation qu’il faut mettre en œuvre au quotidien et appliquer aux activités et processus, et pas uniquement à  une philosophie à  adopter.

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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