Résumé : digital, médias et réseaux sociaux, les entreprises sont à la recherche de personnes maitrisant ces nouveaux concepts et outils. Mais attention à une dérive que l’on voit déjà poindre très concrètement : connaitre les outils n’a aucune valeur en soi. Les utiliser dans un contexte professionnel voire en appliquer les principes à des logiques métier existantes afin de transformer les pratiques plutôt que d’ajouter un outil ou un canal de plus est le véritable enjeu. La connaissance métier est toujours le prérequis indispensable qui prime sur les outils.
Le moins qu’on puisse dire est que les médias sociaux ont semé la panique dans la sphère professionnelle en attendant de, peut être un jour, la révolutionner. Incroyable de voir à quel point les entreprises peinent à trouver le ou les profils dont elles ont besoin pour avancer, cadrer ou recadrer les choses. Leur erreur ? Ne voir que la partie émergée de l’iceberg et rechercher à tout prix le fameux expert en médias sociaux.
Car en procédant ainsi on donne une prime à la connaissance des outils et de leur utilisation. Ce qui en soit est a priori un indispensable prérequis. Mais on se rend vite compte que savoir utiliser ne signfie pas comprendre les rouages cachés, parfois vicieux, qui se cachent derrière chaque outil. On voit également que l’utilisation en contexte personnel ne présume en rien d’une maitrise des usages en contexte professionnel (partager un LOLcat avec ses amis est très différent de gérer une crise ou mettre en place une communauté de pratiques).
Bref, comme disait l’autre… votre neveu n’est pas un expert en médias sociaux.
Pourquoi disais-je donc cela ? Si je regarde le « payage » actuel et mon entourage professionnel, je me rend compte que, et c’est normal vu nos ges, les médias sociaux ont été pour nous une sorte de compétence apprise après et en plus d’un socle de base. Certains en marketing, d’autres en RH, d’autres en management etc…on a découvert ces outils, médias lors de leur émergence et on a essayé de voir comment ils permettaient de faire mieux, différemment, comment ils pouvaient supporter de nouvelles approches ou plans d’actions dans le cadre de notre métier. Bref, malgré l’ampleur des transformations qu’ils génèrent, les médias sociaux sont en quelque sorte quelque chose qu’on a appliqué à une pratique métier existante pour la faire évoluer.
Maintenant, avec le temps et le renouvellement des générations, on voit arriver des personnes ayant une pratique native de ces outils, pain bénit pour les entreprises qui y voient la solution à leur soucis. Ce qui me rappelle un peu la discussion sur le « digital » et le « numérique » entendu pendant la présidentielle. On va créer un « bac digital », faire une épreuve de « numérique ». Je suis désolé mais tout cela n’a de valeur qu’appliqué à quelque chose d’existant. Digital et économie, digital et philosophie, réseaux sociaux et rh, réseaux sociaux et marketing. D’ailleurs, plus que réseaux sociaux je dirais plutôt « principes sociaux » ou « principes 2.0 » « appliqués à « , afin de sortir du carcan limitatif de l’outil.
On le voit d’ailleurs dès que le besoin est un peu critique : il est plus simple d’apprendre un professionnel de la relation et de service client à twitter qu’apprendre à un twittos compulsif la complexité des règles métier et lui inculquer le recul nécessaire. Plus simple…et surtout beaucoup moins dangereux.
Le risque…faire croire à toute une génération que son utilisation native des outils constitue un bagage suffisant pour aborder le marché du travail. Faire croire aux entreprises que savoir utiliser Facebook suffit à régler ce qui est au départ une accumulation de problématiques à la fois stratégiques, organisationnelles et, in fine, métier.
Médias ou réseaux sociaux, digital, numérique ne sont que des compétences secondaires (mais nécessaires) à mettre en perspective de la connaissance et de la pratique d’un métier. Demain cela sera remplacé par autre chose alors que les fondamentaux resteront, et on recommencera le travail de déclinaison. Les fonctions de l’entreprise se transforment, les rôles évoluent…mais les objectifs et une partie des contraintes reste invariable.
Qu’on s’assure donc bien, pour les nouveaux entrants sur le marché, que cette compétence est bien couplée, appliquée à un domaine connu et maitrisé. Et que ceux qui sont déjà en place ne s’endorment pas sur leurs lauriers, ne perdent pas leur technicité acquise, se souviennent d’où ils viennent.