Pour les RH le social business ne doit pas débuter par l’adoption d’une technologie

Résumé : Quoi qu’on dise les RH restent le plus souvent désemparés devant les projets « 2.0 » ou « social » qui se déploient dans l’entreprise. Le potentiel pour eux est évident, tout autant que leur importance dans le dispositif. Et pourtant, rien ne semble y faire. En fait il y a une énorme différence entre avoir une approche « social RH » dans l’entreprise et faire rentrer les RH dans un moule 2.0 qu’ils n’ont pas chois, le plus souvent à  l’occasion de l’adoption d’un outil dont on leur demande de servir plutôt que de s’en servir. Pour les RH le vrai début du 2.0 n’est pas la facilitation de logiques généralistes mais une réflexion sur leur métier qui pourra s’outiller de diverses manières ensuite, pas seulement par l’utilisation d’un réseau social.

Ah les RH et le 2.0/social ! Une véritable histoire d’amour pour le moins compliquée qui finit en « je t’aime moi non plus » permanent. Au final et quoi qu’on veuille en dire, la situation n’a guère évolué au cours des dernières années, les rares contre-exemples n’étant que les arbres qui cachent une forêt qui n’est pas près de perdre en densité.

Bon…que leur demande t’on le plus souvent aux RH ?

– prendre le projet « social » global en main. En dehors du fait qu’il s’agit d’un sujet plutôt transversal, il faut bien se dire que s’ils ne l’ont pas fait naturellement en étant à  son origine il doit bien y avoir des raisons qu’il convient de prendre en compte avant de les parachuter ainsi dans un rôle dans lequel ils ne sont pas à  l’aise.

– utiliser le fameux réseau social qu’on est en train de déployer. En effet mais ça n’est pas une manière de régler leurs enjeux métier propres. C’est simplement traiter les RH comme un service comme les autres et essayer de voir comment ils pourraient utiliser un outil nouveau pour leur fonctionnement interne. Utile pour une RH en tant que service qui veut optimiser organisation, pas trop d’impact sur la fonction RH en tant que telle.

– utiliser le réseau social à  leur bénéfice parce que, l’air de rien, avec les informations contenues et les possibilités fonctionnelles qu’il offre, il doit vraiment permettre de changer la manière dont on fait des RH.

Malheureusement l’histoire se finit souvent de la même manière : l’adoption de ce bel outil flambant neuf par la fonction RH reste souvent lettre morte (ou sous respiration artificielle).

Pourquoi ? Parce qu’on prend le problème par le mauvais bout.

Que les choses soient claires. Les RH ont un rôle essentiel à  jouer dans un projet de type social business ou entreprise 2.0. Parfois en tant que contributeurs du système, rôle qu’on essaie naturellement d’essayer de leur faire jouer, mais également en tant qu’utilisateurs, fournisseurs et « enablers ».

– contributeurs : c’est l’utilisation de l’outil social à  des fins de collaboration interne au département, éventuellement dans le cadre de communautés métier.

– utilisateurs : c’est le fait de mettre à  profit l’activité de la plateforme dans une optique RH. C’est se reposer sur une analyse des données, des relations, pour détecter profils, expertises, besoins et réconcilier le tout au profit du rôle de mise en adéquation des besoins et ressources internes qui est un des rôles de la fonction RH. C’est également recourir au sentiment analysis pour mesurer le climat interne, anticiper des départs ou velléités d’évolution professionnelle etc. C’est aussi recourir aux intéractions, votes etc, dans une optique de « social performance management ». Liste non exhaustive.

– Fournisseurs : c’est la mise à  disposition de l’offre RH via un canal socialisé. On visera spécialement ici tout ce qui touche à  la formation, notamment dans sa dimension social learning.

– Enablers : c’est l’action indispensable des RH pour rendre possible les nouvelles manières de fonctionner que l’on désire voir émerger au travers de la mise en place des plateformes sociales en question. Parce qu’on ne parle de rien d’autre que de changer la manière dont on mobilise savoirs et personnes dans le cadre du travail quotidien et dont on développe les dits savoirs, un changement qui ne peut s’opérer si de l’autre coté les règles qui encadrent ces activités ne sont pas cohérentes. Ca n’est pas l’utilisation aussi massive soit-elle de réseaux sociaux internes qui rendront la fonction RH plus moderne ou efficace si, de son coté, elle ne rend pas le système cohérent avec ce qu’on voudrait voire émerger. Et il est illusoire de croire qu’elle le fera sous pression, en réaction. Par contre l’inverse est possible : voire la fonction RH favoriser ces nouveaux modes de fonctionnement parce que cela correspond à  un modèle nouveau dont elle a compris la nécessité et qu’elle a décidé d’implementer dans le cadre de son rôle de « business partner ». Lorsque les RH ne jouent pas ce rôle d’enabler, le social est voué à  rester à  la périphérie du travail…une situation qui vous rappellera certainement quelque chose.

Alors, qu’est ce qui coince dans cette love story programmée ?

Les raisons du malentendu entre social/2.0 et RH sont dès lors entendues. Hors les cas d’une RH visionnaire et clairvoyante que la DG ne cantonne pas à  un simple rôle d’administration du personnel, la recontre RH/2.0 se passe comme suit : on vient chercher les RH pour leur demander d’entrer dans le moule dans le cadre de la mise en place d’un outil. Ce qui pose deux problèmes :

– comme je l’ai dit plus haut, la RH ne rentrera pas dans le moule parce qu’on lui demande. Elle est garante de la conformité du moule par rapport au légal d’abord et au risque social ensuite. Deux considérations sur lesquelles il faut longuement réfléchir et qui ne permettent pas une implication à  l’emporte-pièce. Faire rentrer les RH dans le moule 2.0 parce qu’il est là  et qu’il faut y aller est donc contre productif. La contrainte n’est pas et ne doit pas être l’outil mais le cadre de fonctionnement RH de l’entreprise comme défini par la DRH.

– ensuite parce, ce faisant, on ne leur demande pas de contribuer, avec leurs leviers, à  la création d’un système plus compétitif mais de faire en sorte que les collaborateurs utilisent un outil. Ce qui est une première erreur car les RH ont l’impression qu’on leur force la main, qu’on les mets en situation de risque avec un bénéfice guère évident pour elles. La seconde erreur est que l’outil en question est souvent un réseau social. Non qu’il soit inintéressant mais faire rentrer la problématique RH dans un outil générique est souvent facteur d’insatisfaction. Soit il faut l’enrichir de manière conséquente par des applications connexes pour qu’il joue vraiment et de manière productive le rôle que les RH aimeraient lui voir jouer, soit le « social rh » va aller trouver sa place dans des applications RH socialisée totalement adaptées, les RH fuyant une plateforme trop standard qui ne correspond pas à  leurs enjeux. On voit cette tendance poindre dans le domaine de la formation…ça n’est qu’un début. Il est d’ailleurs intéressante de voir que dans un certain nombre de cas les personnes en charge du réseau social se plaignent de l’absence des RH, les dites RH travaillant dans leur coin sur du social learning avec « leurs » éditeurs métier favoris, des programmes de cooptation etc. Logique dans une certaine mesure : dans ce cas les RH ont bien compris les enjeux relatifs à  leur métier mais veulent une approche spécialisée et non aller se noyer dans une approche fourre tout qui ne fera, fonctionnellement parlant, que leur compliquer la vie.

Conclusion de tout cela : pour les RH le point de départ n’est pas le choix ou l’adoption d’un logiciel tel qu’il soit contrairement à  ce qu’on voit trop souvent. Le point de départ doit être une réflexion sur la manière de recruter, mobiliser, gérer la mobilité interne, former, assurer faire en sorte que la bonne personne et la bonne information seront disponibles et mobilisables au bon moment, au bon endroit, mesurer l’impact des activités « sociales’ sur le business, tirer le meilleur de toutes les informations non structurées disponibles pour en faire des indicateurs fiables adaptés à  leur mission et au contexte du travail d’aujourd’hui. En somme assurer la bonne combinaison des ressources autours du business dans une logique de quasi-temps réel.

Ensuite il sera temps d’outiller le tout de manière spécifique et le positionner dans une logique de convergence avec les outils sociaux mis à  disposition par ailleurs.

Si le sujet vous intéresse, c’est justement le thème de mon intervention lors de la prochaine conférence HR Tech Europe qui se déroulera à  Amsterdam les 25 et 26 octobre prochains. La conférence comporte en effet cette année une piste « social enterprise » et mon propos sera justement de dire aux HR que si le social est une nécessité, il part pour eux d’une réflexion sur leurs propres logiques métier plutôt que d’une démarche contre nature rendue nécessaire par le déploiement d’un outil ici ou là  qui les mets face à  une situation inconnue, non maitrisée entrainant naturellement une réaction de protection de leur part. Bref, qu’il s’agit d’un sujet RH avant de devenir un sujet IT, sauf à  vouloir voir le scénario habituel se répêter.

En bref les RH 2.0 sont les RH d’une entreprise réactive, apprenante et qui s’adapte en permanence, pas des RH qui utilisent des outils sociaux. RH 2.0 ne veut pas dire RH qui utilise des médias sociaux.

D’ailleurs vos réflexions sur le sujet sont bienvenues et viendront volontiers enrichir ou illustrer mon discours. Les commentaires vous sont ouverts ! (Si vous voulez venir vous êtes également les bienvenus, en plus il aura 3 speakers français).

 

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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