Résumé : la bonne volonté et la passion sont utiles mais ne font pas tout. Plus que des initiatives individuelles à la marge et parfois contre le système, l’entreprise a besoin de développer une nouvelle manière de fonctionner, officielle celle-ci. Cela sa traduit en capacités nouvelles à développer. Depuis 7 ans que le sujet « entreprise 2.0 » ou « social business » est abordé par de plus en plus d’entreprises, où en est on de ce coté ? Quasiment nulle part. Sauf à vraiment prendre la question du bon coté il est prévisible qu’on ne progresse pas davantage à l’avenir.
Je vous parlais dernièrement de « the conductive organization« . Un des points majeurs que j’en ai retenu est la nécessité de développer de nouvelles capacités (traduction pas nécessairement joyeuse de « capabilities » je l’avoue). On peut fluidifier et améliorer la circulation de l’information, mais pour que cette information devienne connaissance, pour qu’on soit en mesure d’agir sur et d’après l’information en la vivant comme une contrainte qui va à l’encontre de ce que demande le travail prescrit, il faut travailler différemment.
Ici deux écoles s’opposent. L’une, volontairement ou non mais c’est le résultat final qui compte, revient à dire « surtout ne touchez pas au système, laissez les salariés développer, par l’envie, des modes opératoires nouveaux, en plus voire en contradiction avec ce que le système prescrit ». On verra bien ce qu’il adviendra mais je suis prêt à parier qu’on ne risque pas d’aller loin de manière durable en persistant dans cette voie.
L’autre, au contraire, dit qu’il faut faire évoluer le système. Et pas de manière vague mais sur des points précis. Ce sont les fameuses « capabilities » qu’évoquent Hubert Saint-Onge et Charles Armstrong dans leur livre. Je ne vais pas détailler ici tout qu’ils préconisent de mettre en place et je vous conseille plutôt de lire ce qui me semble être un des meilleurs livres écrits sur l’entreprise 2.0 ou le social business…avant l’heure….et qui plaira à tous ceux qui veulent autre chose que des logiques fumeuses d’adoption par l’envie et la passion mais des axes de transformation précis de l’organisation. Croyez moi, dans de tels cas l’adoption des outils nouveaux, si c’est vraiment ce qui vous préoccupe, suivra sans qu’on ait à se poser trop de questions.
Ceci dit, justement, cela fait, l’air de rien, 7 ans qu’on parle de ces sujets. C’est une durée qui, a mon avis, fait qu’on est sorti de la tendance émergente pour passer à la tendance majeure, même si l’avantage de prétendre le contraire est qu’on peut continuer à justifier les ttonnements. Mais, en 7 ans, quels progrès fondamentaux, quels changements réels (je ne parle pas de ceux qui, individuellement, ont décidé de changer leur manière de faire quitte à se mettre en position difficile) sont apparus, à l’initiative d’une réflexion structurée et volontariste de l’entreprise sur, entre autres, les sujets suivants ?
– la prise de décision. En général, au niveau d’une équipe, dans un projet… doit on décider différemment dans certains cas, avec une prise d’information différente, avec, selon les cas, quel niveau d’implication des parties prenantes ?
– subsidiarité : terme que je préfère à autonomie. Dans quelles circonstances doit on escalader ou assumer ses propres problèmes à son propre niveau pour que l’échelon supérieur puisse se concentrer sur sa mission spécifique ?
– reporting : quel niveau d’information doit être visible de tous pour faciliter la collaboration et l’auto-organisation (et jusqu’à quel point dans une équipe) mais également pour donner au management assez de visibilité pour voir sans interrompre ni s’immiscer et garder le chronophage reporting formel pour les étapes clé uniquement. Ce qui nous ramène à la question de l' »observable work« .
– leadership : en parler c’est bien, le développer c’est mieux. Quel forme de leadership est il nécessaire, comment accompagner les leaders actuels, doit on en faire emerger d’autres en plus ou à leur place ? Et, enfin l’inclure, de la même manière que des questions culturelles et comportementales dans les processus de recrutement pour aligner le capital humain de l’entreprise avec ses besoins réels et enfin sortir du « on veut des gens comme ça mais on recrute l’inverse parce que tu comprends…avec un tel CV, même si ce type est un sale c… qui détruit ses équipes, sur le court terme il a quand même de sacrés résultats ».
– gestion et allocation du temps : apprendre pendant qu’on travaille, partager, participer…autant d’activités clé de l’entreprise vers laquelle on veut évoluer mais qui ne résistent pas à un système reposant sur l’allocation stricte des coûts qui fait que toute activité hors de la stricte mission et fiche de poste est vue comme un gaspillage même si au global son impact, à un moment donné, génère davantage de valeur pour l’entreprise. Comme je le disais, l’économie du savoir n’existe pas en tant que telle. C’est tout un système de mesure qui est à réinventer dans une entreprise dont le principal actif est vu comme un coût à banir.
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La liste serait longue mais les faits sont là : quasiment aucun progrès n’a été fait en la matière. Et rien de manière organisée, volontaire. Les seuls « glissements » observés l’ont été à la marge, souvent pour essayer de faire passer un outil mais en aucun cas dans le cadre d’une réflexion organisationnelle globale. Et qu’advient il lorsque le « leader social » change de poste, d’entreprise ou s’essouffle ? Le soufflé retombe tout a été monté comme une surcouche de l’existant qui reste inchangé. Bref une réflexion sur le système s’impose.
J’aime beaucoup cette diapo issue d’une présentation de Rawn Shah.
D’accord pour le « connect » on a pas mal avancé mais sans avoir été encore au bout des choses. Mais ça viendra. Mais alors pour le reste…en termes organisationnels, structurels, en allant au delà des effets de surface et du « donnons envie sans rien changer et laissons les découvrir les limites de ce qui est acceptable ou pas, risqué ou pas« ….néant. Notons tout même que ces points sont très bien traités dans le livre de Saint-Onge et Armstrong alors même qu’ils ne disposaient pas à l’époque des outils qui sont les notres aujourd’hui. Ce qui prouve que la question est bel et bien ailleurs.
La chose chose qu’on ait finalement appris c’est le management de communautés. Et encore…il reste désormais à apprendre que tout problème n’a pas de solution dans la communauté et qu’à vouloir tout faire rentrer dans le modèle on va finir par lui faire perdre toute crédibilité.
Comme le l’expliquait, témoignage d’entreprises à l’appui, Susan Scrupksi , fini le temps de l’évangélisation où on se reposait sur l’envie, la passion et la bonne volonté, il va falloir désormais exécuter à grande échelle. Ce qui, à mon avis, va demander une approche radicalement différente et s’attaquer enfin aux sujets de fonds.