2013 : début de la 3e ère des stratégies social business

En deux phrases : le social business a connu deux époques : une première où on attendait une appropriation autonome de l’utilisateur, une seconde avec une approche orientée métier qui a permis de commencer à  remettre en cause certaines pratiques en même temps qu’elle était davantage porteuse de sens dans un contexte de travail. S’annonce une troisième, conséquence du plafond de verre auquel on se heurte quand on initie le changement par la technologie :  elle va concerner les « couches basses » de l’entreprise, ce qui fait qu’une manière de faire est pertinente et cohérente dans un contexte donné.

Pas de prédiction à  proprement parler cette année. Notamment parce que je les ai faites en septembre dans deux billets, l’un sur les usages l’autre sur la technologie. Par contre, à  un niveau plus macro, je pense que les stratégies Social Business vont s’infléchir et changer de nature. Ce qui se traduira par une nouvelle manière d’appréhender les projets dans quelques entreprises clairvoyantes avant de devenir une tendance majeure…en 2014. Mais ne nous trompons pas, si les effets se verront dans un an c’est par là  qu’il conviendra de mettre l’énergie dès demain.

Nous allons donc rentrer dans la troisième ère du Social Business ou, pour être plus précis, de la convergence entre modes de travail et technologies sociales.

Avant tout quelles ont été les deux premières ?

Limite des approches Social Business centrées sur les utilisateurs et les métiers

1ere ère : l’ère de l’adoption

Vous vous en souvenez surement, c’est l’époque 2005-2009. Au départ on ne parle même pas d’entreprise 2.0 ou de social business, c’est des outils issus du web, implémentés de manière un peu désordonnée, souvent à  l’initiative des collaborateurs et dont le succès est largement remarqué. S’en suit une période ou l’entreprise se met en tête de déployer ces outils « par le haut » tout en gardant comme leitmotiv qu’il importe de ne se mêler de rien. On commencera par la fameuse période du « build it and they will come » (installez les outils et les utilisateurs feront le reste) pour connaitre ensuite les programmes dits d’adoption. On ne change absolument rien au travail en lui-même et on demande aux salariés d' »adopter » les outils et de nouvelles manières de faire. Effort demandé aux utilisateurs pour rentrer dans une « bulle » déconnectée des pratiques officielles de l’entreprise qui, elles, ne changent surtout pas.

Du coté « externe » rien de spécial. On bricole des blogs, on attend de l’audience et des commentaires.

2nde ère : ère des métiers

Demander aux utilisateurs de faire seuls 100% du chemin pour, au final, voir l’outil utilisé à  la périphérie du travail pas pas pour des activités « productives » en tant que tel montre ses limites, alors s’en suit l’approche métier. Là  encore cette ère a connu deux étapes. La première a été de construire l’usage des plateformes sociales autour des routines métier. Un grand pas en avant en termes de sens et qui amène, un peu, à  se questionner sur la manière dont on travaille et non plus seulement sur l’usage de l’outil.  La seconde phase a démarré il y un an ou deux et commence à  porter ces fruits aujourd’hui : c’est l’inclusion des activités et outils métiers dans la plateforme sociale là  où, auparavant, c’était à  l’utilisateur de servir de pont entre les deux.

Sur la dimension externe on se professionalise également. On comprend que l’internaute / client n’attend pas qu’on se service d’outils dits sociaux pour adopter les mêmes comportements que sur les anciens médias en ligne. On comprend également que le canal social est un canal partagé qui n’est pas l’apanage exclusif des communicants mais peut être utilisé par n’importe quelle fonction de l’entreprise dès lors qu’elle doit créer dynamiques et synergies avec l’extérieur : service client, RH, innovation…

Maintenant que cette dynamique est lancée elle va se déployer peu à  peu et on va en arriver d’une certaine manière à  la fin de la problématique « outil ». On aura intégré ce qu’il sera possible d’intégré, le réseau social disparaitra dans un environnement plus global et complet et on pourra s’attaquer à  la dernière phase. Puisqu’il sera de plus en plus difficile de blamer des outils dans des processus de transformation qui restent encore perfectibles, c’est que la question est ailleurs : dans leur contexte d’utilisation.

Pourquoi doter le collaborateur d’un outil de travail évolué et performant lorsqu’il n’est pas en mesure d’en tirer la quintessence parce que telle ou telle manière de faire n’est pas convenable ou tolérable ? L’histoire va donc se poursuivre là  où elle aurait d’ailleurs du commencer si on ne persévérait pas à  essayer de résoudre par la technologie des questions qui sont essentiellement humaines.

 

Point de salut hors d’une approche systémique

Et donc la 3e ère sera : l’ère du système.

Les collaborateurs sont au cœur du système entreprise. Indépendamment de leurs tendances et volontés propres, ce qu’ils peuvent décider ou faire à  un moment donné n’est pas que le fruit de leur volonté mais d’un certain nombre de paramètres qui rendent une action appropriée ou non appropriée à  un moment donné. Car l’action, en plus d’être appropriée par rapport à  son objectif, doit également l’être par rapport au système de l’entreprise.

D’ailleurs la réalité est même plus vicieuse. La conformité de l’action au système est souvent plus importante que son adaptation à  son but. Avec des conséquences qu’on voit chaque jour : une personne sait qu’elle doit faire une certaine chose d’une certaine manière pour obtenir le résultat désiré et fera exactement l’inverse pour rester « dans le cadre ».

Bref, si le Social Business a émergé, quoi qu’on en dise, autour de projets technologiques, il va se consolider et passer à  la vitesse supérieure par le biais d’actions portant entre autres sur :

– La stratégie : qu’est ce qu’un plan stratégique dans un contexte ou la disruption est la norme est l’adaptabilité et la capacité à  saisir les transitions de marché sont plus importantes que le plan lui même. Lorsque l’adaptabilité est le plan.

– Talents et compétences : quels sont les besoins, comment les recruter, les développer, assurer l’adéquation entre l’offre de talent interne et les besoins des métiers. Se posera aussi le mécanisme d’affectation du talent à  une activité donnée car rien ne sert d’avoir les bonnes personnes si on ne peut les utiliser où et quand il le faut. Quitte a aller vers un marché interne des talents en quasi-temps réel.

– Leadership ; « in real life » ou digital, quel est sa nature, comment l’incarner et comment opérer la transition.

– Comportements : quelles sont les qualités comportementales nécessaires dans un tel contexte, comment les identifier…et enfin arrêter de recruter sous le seul prétexte d’un CV exceptionnel des personnes qui ont des qualités aux antipodes de celles requises par le plan. Quelle posture également pour l’entreprise et ses composantes vis à  vis des salariés, des clients…

– Processus : comment les redéfinir, les rendre agiles et flexibles, construire des synergies entre processus et créativité humaine.

– Valeurs individuelles et collectives : quelles doivent être elles et, surtout, quelles conséquences en tirer.

– Structure : comment faire cohabiter hiérarchie et réseaux, adapter les structures de commandement et de reporting.

-…

Ce qui, entre nous, signifierait à  la fois la fin et le succès du « social business » au profit du business : retour aux fondamentaux et transformation de l’entreprise « parce que ça a du sens, que c’est cohérent et logique » et non pas sous la pression d’activistes technophiles ou de doux-reveurs.

Je ne crois pas qu’il y ait, en effet, une manière « sociale » ou « pas sociale » d’adresser les points ci-dessus. Il n’y a qu’une manière logique et des conclusions à  tirer par rapport à  un contexte donné. Et si la résultante, elle, est sociale, au moins on saura pourquoi.

Autre conséquence : l’évolution des actions d’accompagnement vers l’amont (conseil stratégique) là  où elles étaient en général positionnées sur l’acceptation des outils.

Bonne année !

 

 

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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