En deux phrases : les réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS)sont un moyen intéressant d’articuler formation de pair à pair et nécessité d’encadrement et de pilotage. Un livre nous raconte pourquoi et comment le groupe La Poste a mis en place son RERS depuis 5 ans.
On a récemment parlé des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS) en entreprise comme complément aux dispositifs de formation traditionnels. Ce billet est l’occasion de détailler ces dispositifs au travers d’un livre et d’une expérience. Ce livre est Echanges réciproques de savoirs en entreprise : Un réseau au service de l’entreprise responsable par Maryannick et Michel Van Den Abeele qui nous racontent ce qu’ils ont mis en place depuis plus de 5 ans au sein de la direction du courrier du groupe La Poste.
Une expérience réellement intéressante dans la mesure où elle nous montre la nécessité de trouver le juste milieu entre organisation et laisser faire. En effet alors qu’il est communément admis qu’une bonne diffusion des savoirs passe aujourd’hui par la mise en relation directe d’un sachant et d’un apprenant, le plus souvent sur un besoin de niche, il existe une croyance dominante selon laquelle il suffit de créer les conditions technologiques de la rencontre et de l’échange pour le le dispositif fonctionne spontanément. Et, au pire, qu’avec une bonne dose d’animation il fonctionnera. Ce que la pratique peine à confirmer.
Réseaux d’échanges réciproques de savoirs et responsabilité sociale.
Mais avant d’aller plus loin, rappelons l’intérêt de telles démarches. Pour ce qui est de la partie concernant la transmission et les échanges de savoir, elle a déjà été largement traitée dans le billet mentionné plus haut. Plus intéressant, et c’est un point rarement mis en avant, elles s’inscrivent également dans le cadre d’une démarche de responsabilité sociale de l’entreprise. Les enjeux d’employabilité d’une part et le risque de générer de l’exclusion dans une économie de la connaissance ou le savoir devrait être considéré comme un bien commun sont autant de bénéfices sociétaux qu’amène une démarche dont l’intérêt purement économique/productif ne pose guère de questions.
Comme son nom l’indique, les réseaux d’échanges réciproques de savoirs sont des réseaux dont les membres s’engagent à la fois à être offreurs d’un savoir qu’ils détiennent et à apprendre des autres. Entre autres choses la notion de réciprocité est essentielle au fonctionnement du dispositif. Chacun formule offres et demandes, la mise en relation se fait et l’échange a lieu. Mais personne ne peut rentrer dans le réseau en disant n’avoir que des savoirs à donner et rien à apprendre ou, à l’inverse, rien à donner et tout à apprendre.
Rien de plus « 2.0 » ou « Social » a priori. Et bien pas exactement. La démarche mise en œuvre par Maryannick Van Den Abeele au sein du groupe La Poste nous donne au contraire des pistes pour pallier aux dysfonctionnements de dispositifs où la facilitation par la technologie ne suffit que rarement. Autrement dit : la réunion des individus sur des plateformes aussi simples d’utilisation soit elle, le foisonnement communautaire et une animation intensive ne suffisent pas à arriver au résultat escompté. Et contrairement à la vision idéaliste selon laquelle les réseaux sociaux dispensent l’entreprise de mettre en place une démarche structurée, l’expérience de réseau d’échanges réciproques de savoirs à La Poste montre que c’est la rencontre entre l’outil et une démarche structurée qui fait que les choses se passent.
Une initiative qui couple l’autonomie « 2.0 » et le besoin de structure.
Car les réseaux d’échanges réciproques de savoirs sont des initiatives structurées. Inscription, formalisation d’une offre et d’une demande, mise en relation, échange et évaluation a posteriori suivent un processus outillé et encadré. Et si une animation est nécessaire elle concerne davantage l’accompagnement des individus dans le dispositif qu’une exhortation forcenée à générer du contenu comme on le voit encore trop souvent. S’il y a du management ici c’est le management d’un dispositif, pas le traditionnel marronnier du community management.
Et cela fonctionne. De manière mesurée et mesurable de plus (encore un mythe qui se fait tordre le cou). Qu’il s’agisse du taux de satisfaction des membres, du pilotage des risques liés au dispositif (car il y en a) et des résultats obtenus au global, tout est suivi, observé, analysé. On valide ainsi en permanence le caractère très opérationnel et directement utilisable des savoirs transmis.
Et quid de la technologie ? On pourrait imaginer un réseau social du dernier cri mais il n’en n’est rien. Le dispositif fonctionne davantage comme un site de mise en relation. Des offreurs et des demandeurs, des demandes et des offres. Une fois qu’ils se sont trouvés, un rendez vous est pris et le reste se passe « dans la vraie vie ».
La technologie est secondaire derrière l’adhésion au système et ses valeurs.
Tout cela semble donc bien valider le fait que pour la plupart des salariés
– l’utilisation d’une technologie n’a du sens que pour un but précis
– il est plus facile de s’engager dans un échange de vive voix à deux que de rentrer dans une discussion publique avec et devant des inconnus
– plus il existe un dispositif leur garantissant un résultat et les accompagnant tout au long du processus nécessaire pour l’atteindre plus ils seront enclins à expérimenter des pratiques nouvelles.
D’ailleurs le retour d’expérience est éloquent : au delà d’un dispositif construit qui rassure et facilite, l’essentiel du travail est relatif à l’humain et la confiance. Confiance dans les contenus, dans les autres, dans un système qui sort des chemins balisés de la formation traditionnelle. Indispensable à la mise à l’échelle du dispositif, la technologie n’arrive qu’après.
Et devenez quoi ? A la poste les formations qui ont lieu dans le cadre réseau d’échanges réciproque de savoirs sont comptabilisées comme formations de proximité. Pas un système « à part » comme trop de dispositifs sociaux, mais une modalité du dispositif global de formation. Quand on dit qu’il faut les dynamiques « sociales » deviennent officielles, structutelles…
En somme un ouvrage très complet sur le rôle économique et social du savoir dans notre société, l’utilité de trouver des manières appropriées pour le transmettre et l’échanger, illustré par un cas pratique très bien documenté de mise en application du principe dans une grande entreprise.