Il est communément admis que la « digital workplace » est l’avenir du poste de travail et dans cette perspective on la présente souvent sous un angle technologique : plateforme, outils, intégration, intéropérabilité, mobilité etc. Mais qui dit poste de travail dit environnement de travail et l’environnement de travail c’est également les autres.
Dans The Digital Workplace: How Technology Is Liberating Work, Paul Miller nous présente la Digital Workplace comme étant également – voire surtout – une expérience de vie nouvelle dans notre rapport avec notre travail, avec les autres, impactant les règles de vie et l’environnement social du travail. Pour mémoire, Paul Miller est le fondateur de l’IBF (intranet benchmarking forum) et du Digital Workplace Group. Il s’agit donc d’un sujet sur lequel il a été précurseur et dispose d’une expérience et d’un recul quasi uniques.
Le travail n’est pas un lieu mais un état d’esprit.
On peut s’attendre à une liste de best practices en termes de déploiement d’intranets mais il n’en n’est rien. Ce dont Paul Miller nous parle c’est d’une expérience, d’un mode de vie, d’un rapport au travail et à la productivité.
Attention : ne mélangeons pas les concepts. La Digital Workplace c’est l’environnement de travail dématérialisé, ça n’est pas uniquement une approche orientée « télétravail » beaucoup trop réductrice. C’est travailler de là où on est, là où on en a envie, là où on doit. De chez soi, des transports, de chez le client, d’un tiers lieu, espace de coworking…
Son livre est donc orienté sur les changements qu’un espace de travail dématérialisé a sur les modes de travail (et leur efficacité donc) d’une part et les rapports humains de l’autre. Toutes les questions qu’on se pose en général à la périphérie ou idéalement en amont d’un projet de ce type (car se les poser après est en général mauvais signe). Il ne prétend pas vendre un mode de vie et de travail qui constituerait une quelconque panacée mais pose des questions, apporte des éclairages, son expérience et laisse chacun en tirer ses propres conclusions en fonction de son propre contexte.
La Digital Workplace : une reconstruction des rapports humains avant tout
Au départ il y a un postulat difficilement contestable : la fin de l’environnement de travail physique. Pour de multiples raisons on travaille de moins en moins au bureau et c’est une tendance qui se renforce (même si sur ce point on peut ne pas avoir la même impression vue de France…une expression de plus de la fameuse « exception culturelle »…). Certains sont souvent chez les clients, d’autres recherchent un nouvel équilibre travail/vie privée, les prix des bureaux se renchérissent , les temps de transport ont un impact dramatique sur le temps de travail et l’impact environnemental….
A coté de cela notre environnement se numérise à tel point qu’il est capable de « vivre » l’entreprise totalement en ligne que ce soit pour la dimension productive ou relationnelle du travail.
Mais ça ne va pas sans poser un certain nombre de questions que Paul Miller aborde sans détour, avec transparence, reconnaissant les dangers et abus qu’il s’agit d’éviter d’abord.
Lien entre les équipes : la présence physique non seulement ne génère pas davantage de lien mais est source de davantage de problèmes, frictions, frustrations. On peut être à distance tout en ayant des intéractions régulières synchrones et asynchrones (vidéo conférence, espaces de discussion). Le fait qu’on ne passe pas tout le temps ensemble fait justement de ces moments des moments d’une plus grande qualité, dont l’impact est beaucoup plus important.
Attractivité : il est nécessaire aujourd’hui de donner aux salariés des outils de travail correspondant à leurs besoins et à leur expérience dans leur vie personnelle. Question de marque employeur mais également de productivité : comment imaginer dans un seul secteur d’activité que les outils de travail fournis par l’entreprise soient largement en deçà de ce qu’on a chez soi. Impensable…sauf en matière d’informatique.
La digital workplace refonde le contrat social de l’entreprise
Vie privée et temps de travail : cela pose nécessairement des questions. Cela fait peut être « branché et moderne » de prétendre le contraire mais, même si une certaine flexibilité est nécessaire, il faut savoir séparer les uns et les autres. Et comme le dit Paul Miller lui-même : on ne doit pas avoir à se connecter à son outil de travail hors des heures normales de travail. C’est à la fois une problématique individuelle (je me mets « off ») et collective (mon manager ne m’envoie pas un email urgent un vendredi soir en s’attendant à ce qu’il soit traité le samedi midi). Ce qui nous amène à réfléchir à ce qui est urgent et/ou important ou ni l’un ni l’autre.
La digital workplace est une culture et une manière de travailler
Vie privée (bis) : témoins de présence et géolocalisation peuvent avoir du sens dans le travail, pendant les heures de travail pour aider à travailler mieux, pas pour surveiller. Mais en aucun cas en dehors.
Leadership : un manager peut il être démuni de tout leadership digital, incapable de se comporter en leader dès lors qu’il est devant un écran ? Ce type de lacune devrait être rédhibitoire
Confiance : bizarrement elle est encore au cœur du sujet.
Vous l’aurez compris, Paul Miller aborde la digital workplace sous l’angle des questions que se posent RH et managers à l’heure d’embrasser cette évolution inéluctable des rapports sociaux au travail, du contenu du travail et des modes de leadership. A lire absolument pour prendre les bonnes décisions et comprendre où on va….avant que la technologie ne fasse faire des bêtises.
La Digital workplace est plus qu’un outil : c’est une culture et une manière de travailler.