Toutes les études le montrent, mobile et mobilité sont des enjeux majeurs auxquels les entreprises sont confrontées aujourd’hui et auxquelles elles vont devoir trouver des réponses très vite. Un enjeu aux facettes multiples :
– marque employeur : un employeur de référence se doit de donner des outils de travail au moins d’un niveau équivalent à celui que le salarié a chez lui. Vous imaginez la cuisine d’un grand restaurant moins bien équipé que la votre ou un chauffeur de taxi dans une carriole bringuebalante des années 60 ? Et bien il en va de même pour l’outil de travail informatique.
– productivité : l’exemple du cuisinier et du taxi s’appliquerait encore très bien ici. Lorsqu’on sait que le temps passé hors du bureau ne cesse de s’accroitre (en raison de la nature du travail, d’imprévus, des temps de transport) et l’impératif de réactivité existe aujourd’hui, comment envisager qu’un salarié ne puisse accéder à l’outil dont il a besoin quand il a besoin ? Sauf à trouver logique de le laisser les bras ballants, sans réponse devant un client, improductif jusqu’à son retour au bureau où il trouvera devant lui une liste de tches dont il aurait pu s’occuper plus vite, la réponse est non !
Remarquez qu’il en va de même pour le client obligé de rentrer chez lui pour se renseigner sur votre produit ou l’acheter.
– humain : rien de pire que de devoir faire quelque chose et se sentir les mains liées. L’impossibilité d’agir quand et où nécessaire est facteur de stress et de frustration et génère des temps morts qui, en plus, poussent à des journées à rallonge alors que les temps faibles de la journée (transports, attente, chez le client) sont improductifs.
– sécurité : empêchez vos salariés d’utiliser leurs outils de travail en mobilité et ils utiliseront/détourneront des outils grand public pour arriver au même résultat. J’ai vu récemment toute une équipe qui avait monté un système de gestion de projet et de tches « pirate » faute de pouvoir utiliser celui de l’entreprise hors de locaux…où ils ne passent que très peu de temps. Idem pour le CRM : ils utilisent entre eux une application gratuite sans prétention et ne remplissent plus celui de l’entreprise (qui a donc coûté assez cher pour un besoin réel mais une utilisation marginale).
Le « mobile » : on en parle beaucoup sans trop connaitre son besoin.
Fortes de cette prise de conscience les entreprises avancent donc vers la mobilité. Et, comme souvent, elles appliquent de vieilles recettes à de nouveaux enjeux, quitte à passer à coté du sujet. Elles appliquent, de fait, un raisonnement d’une logique et d’une rationalité implacable : un outil au travail = une application mobile (voire un accès en mode web ce qui, l’expérience le montre, donne une expérience relativement dégradée). Et, ce faisant, elles ne répondent en rien à la question qui leur est posée.
Le besoin « mobile » n’a rien à voir avec le besoin « poste de travail bureau ». Répliquer l’un sur l’autre, application par application, outil par outil n’a donc aucun sens.
Parce que la nature même de l’interface fait que certaines fonctionnalités seront plus ou moins exploitables et qu’il faut donc revoir toute l’interface utilisateur pour la rendre vraiment adaptée.
Parce que, inversement, il est des besoins qui existent en mobilité qui n’existent pas au bureau. Notamment en terme de « mash-ups » et de présentation de l’information. Même si ça reste un système imparfait on peut, pour un besoin donné, avoir deux ou trois onglets ou fenêtres ouverts sur son PC, ce qui est beaucoup moins agréable et opérationnel sur un écran mobile. Une application mobile doit donc être capable de présenter sur un même écran des informations provenant de plusieurs applications distinctes du poste de travail…et permettre d’agir sur ces applications également.
Parce qu’en mobilité on a souvent un besoin de contextualisation immédiate : on est face au client et par rapport à lui, à son cas, il faut être en mesure d’avoir des réponses immédiates sans avoir à les chercher dans x outils différents. Les données présentées seront géolocalisées, contextualisées voire agrégées peu importe leur application source.
Le poste de travail mobile n’est donc pas une « app-ification » du SI de l’entreprise, outil par outil, mais un remix de celui ci.
But, contexte, intéropérabilité et expérience utilisateur.
Le succès d’une stratégie mobile repose donc sur le quatuor contexte, interopérabilité, but, expérience utilisateur.
But : quel est le but que cherche à atteindre le collaborateur ? Quelle(s) tches doit il exécuter ? Dès le premier écran et au fil de l’enchainement des pages et des informations poussées au collaborateur, tout doit être organisé par rapport à ce but. C’est une raison pour laquelle on pensera la mobilité avant tout en termes de services et besoins métiers avec un focus sur les tches et les activités.
Contexte : les informations poussées et les actions permises doivent être contextuelles. Cela se traduit possiblement à différents niveaux. En fonction de la localisation, du client, de la situation, du process concerné, de l’étape du process en question.
Intéropérabilité et transversalité : informations et actions dépendent du contexte et non de l’application hôte. L’outil mobile doit donc être capable de puiser des informations dans différentes sources, les mettre en contexte, les traiter pour les présenter d’une manière qui a du sens dans le contexte en question et permettre à l’utilisateur d’opérer des actions dans plusieurs systèmes depuis une interface unique.
Expérience utilisateur : elle dépend pour partie des points précédents et de la capacité a proposer une interface qui tire au mieux partie des contraintes et des opportunités des terminaux mobiles. Mais souvenez vous qu’expérience utilisateur ne veut pas dire interface utilisateur.
Remix du poste de travail et design thinking
Paradoxal ou non, les applications d’entreprise mobiles ont à faire face aux mêmes challenges que l’intranet mais avec un avantage. Là où l’intranet et demain la digital workplace souffrent du poids du passé, de l’existant, des empilements successifs et des guerres de clocher, l’outil de travail mobile, lui, part d’une page blanche et serait bien inspiré de ne pas reproduire les erreurs du passé. Il peut même être l’occasion de finalement présenter de manière cohérente un portefeuille d’applications qui sur le poste de travail « bureau » ne le sont pas.
Le meilleur moyen d’y parvenir n’est surement pas transformer une à une ses applications en « apps » mais de partir de l’utilisateur et d’adopter une démarche proche du design thinking. Pour ceux que le Design Thinking intéresse je vous conseille d’ailleurs cet excellent article de Fabien Grenet.