L’individualisation de la relation client est la nouvelle préoccupation des directions marketing. Après le mass marketing, après la segmentation, nous voici donc à l’ultime niveau de granularité. Mais comme pour toute nouvelle tendance qui d’un seul coup se voit propulsée au firmament des incontournables « must have » on ne pourra s’empêcher de se demander si c’est vraiment si essentiel que ça, s’il ne s’agit pas du nouveau miroir aux alouettes et, le cas échéant, comment s’y prendre.
D’un simple point de vue conceptuel l’individualisation de la relation client n’est pas une révolution. Si on ne l’a pas fait avant c’est d’une part qu’on n’en avait pas les moyens et, d’autre part, que le client n’avait pas tant les moyens d’exister en tant qu’individu et faire savoir à tous qu’il ne reçoit pas l’attention demandée.
Répondre à tout le monde en même temps ne satisfait personne en particulier
Le problème, lorsqu’on traite des groupes et pas des individus est qu’à vouloir satisfaire tout le monde on ne satisfait personne car le plus petit dénominateur commun entre chacun (même s’il est élevé) n’est en général pleinement satisfaisant pour aucune personne prise individuellement. D’où l’intérêt de segmentations et de maillages de plus en plus fins qui, poussés à l’extrême, mènent à l’individualisation.
Un deuxième aspect est la servicisation de l’économie. On achète de moins en moins de produits et de plus en plus de services ou, dit autrement, le service prend une part de plus en plus importante dans la valorisation d’un produit. Si le « on demand », l’individualisé n’est pas applicable à tous les produits il est par contre une exigence de base pour le service. Il est inconcevable aujourd’hui qu’un client ne soit pas reconnu avec son historique, son contexte, ses attentes, ses goûts lorsqu’il intéragit avec une entreprise. Vous ne toléreriez pas que le serveur du café du coin ne sache pas après 2 semaines que vous prenez votre café quotidien avec deux sucres ? Et bien c’est pareil pour toutes les entreprises. Si l’on considère qu’on est dans une économie de l’expérience il s’agit là d’un des leviers de création de valeur les plus puissants.
L’expérience client au cœur de la valeur
Qu’on soit dans une phase de service ou dans une phase de vente, en B2B comme en B2C on ne peut plus ne pas individualiser la relation. Les données existant, leur non utilisation relève de la faute professionnelle. Et qu’en est il du client qu’on ne connait pas ? Sans tomber dans l’excès et prêter à la technologie des qualités qu’elle n’a pas et promettre des bénéfices irréalistes, il devient pour certains clients et certains produits possible d’en apprendre beaucoup sur eux via une analyse de leurs échanges, actions et comportements sur les médias sociaux ou même sur le site internet de votre entreprise.
L’analyse des données sociales, parlons en. Elle procède également d’une certaine manière de l’individualisation de la relation client. Big data et informatique cognitive nous permettent en effet, par corrélation, de présumer un comportement individuel de l’analyse de données de masse. Mais alors c’est le retour à la segmentation et au traitement par groupe ? Pas du tout. En effet dans ce type d’approche le groupe ne précède pas l’analyse, il ressort de l’analyse, il en est un des résultats. De plus on n’est plus dans une logique de déduction (j’écoute et je déduis) mais d’induction (j’observe et je présume). Plus approximatif ? Non. Complémentaire et au moins aussi fiable tant qu’on a les bonnes données et qu’on sait les exploiter. Appliquée au marketing et à la relation client, l’informatique cognitive permet donc une sorte d’individualisation prédictive quand bien même on en sait peu sur le client en question.
A partir du moment où la chose est à la fois nécessaire et possible, qu’est ce que cela suppose ?
La technologie seule ne permet pas une relation client individualisée
Bien sur de se doter de l’outillage adéquat. On ne règle pas des problèmes organisationnels par la technologie mais force est de reconnaitre qu’en la matière c’est justement elle qui fait la différence entre ce qu’on aurait aimé faire dans le passé et ce qu’on peut faire maintenant. Bien sur on parle du croisement entre informatique cognitive et CRM. Mais avant même de penser à la nouveauté il faut être en mesure d’exploiter l’existant et ça n’est pas le moindre des challenges : rompre les silos applicatifs qui détiennent les données client et font qu’aujourd’hui personne n’a une vision complète du client. Si on veut corréler et analyser cet historique on aura d’autant plus de valeur qu’on aura des données variées.
Mais croire que la solution ne sera que technologique est également une erreur gravissime. Elle est humaine et organisationnelle. Organisationnelle parce qu’une bonne relation client dépend d’un certain nombre de choses sous la responsabilité de départements de l’entreprise qui concurrent à un but commun sans jamais se parler. Ensuite parce que mettre l’expérience client au centre de son modèle de création de valeur c’est davantage que traiter des données et les donner à la bonne personne. C’est mettre en place deux dispositifs. L’un centré sur l’expérience client en termes d’offres, de services et capacité de l’organisation et des collaborateurs à délivrer cette expérience. C’est le rôle d’un « Chief Customer Officer« . Le second vise à donner au collaborateur, notamment en matière de service client, les moyens d’être autonome dans sa gestion de la relation client, de prendre en temps réél les décisions nécessaires à un service individualisé. Là c’est une logique d’empowerment qui est concernée.