Social business : guerre ou bons sentiments ?

Anthony Poncier nous montrait il y peu que malgré les apparences les projets de réseaux sociaux d’entreprise ne ressemblaient pas – ou de moins en moins – au monde de Bisounours qu’on décrit et dénonce souvent. Il n’empêche que l’image a la vie dure.

Il est vrai que la manière dont on explique les choses et le vocabulaire employé peut parfois surprendre voire rendre dubitatifs des décideurs à  l’orientation business un peu trop exclusive et les plus rationnels / sceptiques d’entre nous. On parle en effet de volonté et de besoin naturel de « faire ensemble », de bienveillance, de passion pour son travail, et finalement d’une sorte de main invisible vertueuse qui serait la nature humaine. D’autres vous diraient d’ailleurs que jalousie et méfiance sont également le propre de l’homme.

Bref, les outils de réseaux sociaux et les démarches de social business serviraient donc à  permettre l’expression de comportements positifs naturels pour arriver à  un monde ou tous, salariés entre eux, salariés et entreprises, entreprises compétitrices ou non, entreprises et clients, clients entre eux rentreraient dans une démarche business « gagnant-gagnant », emprunte d’attention et de bienveillance réciproque.

L’illusion d’un business pacifié

Résumé en une phrase lors d’une conversation récente par mon interlocuteur du moment. « Avant le business c’était la guerre, demain ce sera la collaboration pacifique ».

Si l’analogie avec la guerre m’a semblé pertinente je reformulerai plutôt les choses à  selon ma perception : « avant c’était la guerre rangée, demain ce sera la guerilla ».

Et ce sont les outils et les stratégies de la guérilla économique qui se mettent peu à  peu en place. Une idée qu’on retrouve d’ailleurs dans les nombreuses déclinaisons du concept de guérilla marketing qu’on trouve aujourd’hui pour expliquer comment développer les meilleures stratégies et tactiques sur ce terrain nouveau qu’est l’internet des médias sociaux.

Car c’est le terrain qui a changé. Des plaines dégagées des batailles napoléoniennes aux plages du débarquement on est passé à  une jungle protéiforme, hostile, où la visibilité est faible, les embuscades faciles et où l’adaptation au terrain est déjà  une première bataille qu’il faut gagner (parfois contre soi-même).

Après les tactiques de masse, des masses de tactiques

A nouveau terrain nouvelles stratégies et tactiques. On n’aligne plus des milliers d’hommes face à  face. On est dans l’ère du commando, de la petite équipe réactive et autonome, capable de survivre et s’organiser loin du quartier général (quand bien même celui-ci détermine la stratégie globale). Ou plutôt l’ère des petites équipes capables de se coordonner également entre elles lorsque la tête est trop éloignée du champ bataille, ne connait pas assez le contexte pour décider voire n’est plus en état de commander.

Le terrain peut être le pire ennemi ou le meilleur allié à  condition de le comprendre, d’en comprendre les codes. Inutile de revenir sur les échecs cuisants qu’ont subi les entreprises essayant de s’approprier Facebook, Twitter et le web en général avec des généraux formés aux stratégies de masse, descendantes.

Sur ce terrain la population locale (employés et internautes) est partie prenante de la bataille. Parfois neutre, parfois alliée d’un camp ou d’un autre, parfois fourbe et traitresse, parfois capable de retourner sa veste en cours de conflit. Il faut la connaitre, la comprendre, l’amadouer, montrer patte blanche pour la faire basculer de son coté. Tout en sachant qu’à  la première promesse non tenue ou s’il lui semble que votre adversaire a de meilleures armes, si elle perd confiance en votre leadership ou ne croit plus en votre succès elle se htera de se désengager voire de rejoindre l’autre camp. Oui le leadership, l’engagement et la confiance n’ont jamais été si importants car si collaboration il y a elle se base sur la confiance et est à  durée limitée. Il faut en recréer les conditions par l’exemple jour après jour. L’autre est plus important que jamais car sans lui votre stratégie tombe à  l’eau.

Forger des alliances en gagnant la guerre des valeurs

Et la guerre ne se gagne pas qu’avec les armes. Elle se gagne aussi à  force de conviction, en poussant le plus grand nombre à  rejoindre vos rangs. Sur ce point ce sont justement les populations locales qui seront vos ambassadeurs auprès de leurs pairs. Raison de plus de les considérer comme vos partenaires. Ces guerres nouvelles sont aussi des guerres de valeurs.

Sur ce terrain la visibilité est faible et le renseignement prend toute son importance. Les informations viendront des liens tissés avec les populations concernées et des signaux envoyés par le terrain à  condition qu’on sache les analyser et comprendre le dit terrain. Qui a dit big data et informatique cognitive ?

Qui dit autonomie sur un terrain hostile dit capacité à  gérer les exceptions. Donner les bonnes informations aux hommes de terrain et développer leur capacité créative et d’innovation est essentiel à  leur survie et à  celle de votre armée.

Fini également, dans ce contexte, les armes de frappe massive, intranets et médias de masse. Bienvenu dans l’ère des outils spécialisés. Une foule d’outils qui s’utilisent d’une manière spécifique dans un contexte donné pour une mission précise.

Partage et collaboration : une question de survie

Et qu’on ne se trompe pas sur les nouveaux comportements observés sur et à  la périphérie du champ de bataille. Ce que l’on prend souvent pour du partage pleins de bonnes intentions n’est que de l’optimisation de l’usage fait de ressources rares.  On ne partage pas l’information, on ne consomme pas collaborativement : on optimise l’usage et la valeur de ce qu’on a. Question de survie.

Comme le disait fort justement Esteban Kolsky après la conférence IBM Connect

Second, this is not about being social €“ it is about business done at the intersection with collaboration, in a way like never before

Que ceux qui trouvaient le monde parfait des réseaux sociaux et du social business peu réaliste et peu en phase avec le monde qu’ils voyaient se rassurent. Cela reste une compétition, une guerre, surement la plus dure et la plus exigeante de toutes celles qui ont mené avant. Une guerre qui demande de connaitre parfaitement le terrain, de tisser des alliances, de manager des alliances changeantes et réversibles.  Leur objectif restera toujours de l’emporter sur l’adversaire, gagner du terrain, capter les meilleurs ressources, l’expulser de ses bastions. Mais d’une autre manière.

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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