S’il est une compétence ou une attitude que chacun se doit de développer car elle est devenue essentielle pour survivre à l’heure du web et des médias sociaux c’est bien la pensée critique. Combien de Hoax circulent de bonne fois sur Twitter, Facebook ou ailleurs ? Vous me direz qu’avant c’était déjà le cas par mail et c’est vrai. Ce qui change c’est la viralité, la visibilité et de ce fait la puissance du message.
Information erronée n’est pas toujours désinformation
La possibilité donnée à chacun d’émettre une information et la vitesse à laquelle celle-ci se propage inquiète. Elle inquiète ceux qui ont grandi dans un système top-down et dont l’esprit ne peut se faire à l’idée que ce qui est dit n’ait pas été validé par une autorité compétente. Elle inquiète ceux qui comprennent totalement ce nouveau paradigme mais sont conscients des dangers qui l’accompagnent et se lamentent devant l’incapacité des foules à gérer cette situation nouvelle. C’est un sujet qui touche à la fois l’entreprise avec la multiplication des espaces collaboratifs, réseaux sociaux et espaces de libre prise de parole internes et la société civile qui a encore eu récemment de mesurer concrètement l’impact d’un tweet malveillant qui a failli déclencher un crack boursier.
Avant d’aller plus loin il faut quand même apporter une précision. Une fausse information n’est pas toujours diffusée avec de mauvaises intentions. Parfois cela résulte d’une mauvaise compréhension, parfois c’est de l’humour (même si les conséquences peuvent être dramatiques) et parfois il s’agit effectivement d’une volonté de désinformer. Ensuite il existe effectivement des domaines où la diffusion d’information peut être encadrée et un certain niveau de validation requis. C’est évident dans le monde de l’entreprise et ça l’est aussi en dehors pour certains sujets.
Ne pas contrôler l’émission de l’information mais renforcer la maturité du récepteur
Alors, au vu des conséquences parfois dramatiques du phénomène, beaucoup suggèrent de réglementer, même à contre cœur. Bien sur il a des choses qu’il faut interdire et sanctionner, mais contrôler la publication n’est pas la bonne solution. Déjà parce que c’est techniquement impossible. Ensuite parce qu’un point de vue plus moral on sait bien que les sociétés qui commencent à décider de ce qui est vrai ou non et de qui le décide s’engagent rarement dans la bonne direction.
Non, la solution ne se trouve pas au niveau de l’émetteur mais du récepteur. Devant la masse croissante d’information mise en circulation et à laquelle chacun est inévitablement exposé il s’agit d’apprendre à séparer le bon grain de l’ivraie. Vérifier les sources, se questionner sur la crédibilité de l’information, croiser et recouper. Bref faire preuve de pensée critique. Evident ? Théoriquement oui, pratiquement la maturité du plus grand nombre sur le sujet est pour le moins inquiétante.
La pensée critique est une compétence vitale dans la société de l’information
Pour certain c’est une attitude naturelle. Mais pour beaucoup il s’agit de réflexes, de comportements et pratiques nouvelles à assimiler. Mais où et quand ? Comme dans d’autres domaines comme la collaboration, les bonnes pratiques s’apprennent à l’école. Mais pour l’expérience que j’en ai, le système a davantage vocation a asséner des vérités qu’à apprendre à questionner. Je me souviens même d’enseignants (heureusement minoritaires) pour qui la moindre question sur un cours était prise comme une mise en cause personnelle. Et plus on attend plus les mauvaises habitudes s’ancrent. Souvenez de ce professeur qui a ainsi piégé ses élèves en créant de faux contenus sur wikipedia. La grande majorité est tombée dans le panneau sans se poser la moindre question. Quant à s’attendre à ce que cette compétence s’acquière en entreprise il ne faut pas trop rêver non plus. On n’y aime pas trop non plus les gens qui (se) posent trop de questions, doutent, vérifient que ce qu’on leur dit est bien exact.
C’est à ceux qui ont le savoir d’apprendre aux autres à le questionner
A la critique de l’information on assimile trop souvent celle de l’émetteur. Dans un système hiérarchique comme l’entreprise ou l’école celui qui devrait enseigner la pensée critique est également celui qui délivre l’information, le savoir et, de fait, apprendre aux autres à questionner l’information peut être vu comme leur apprendre à les remettre eux-même en cause. Problème d’égo, problème de compréhension peut être mais problème quand même.
Il n’empêche que la pensée critique devient vitale pour le bon fonctionnement de notre société et de nos entreprises et qu’il s’agit d’une compétence majeure à l’heure de la civilisation de l’information en réseau. Pour, demain, avoir confiance dans la capacité de nos équipes, enfants, élèves à vivre et faire les bons choix dans ce contexte, il faut commencer à leur apprendre à questionner ce qu’on peut leur dire nous même. Paradoxal mais vital.