La conduite du changement par la viralité est plus que de la communication

La conduite du changement par la viralité est très utilisée dans le cadre de projets de réseaux sociaux d’entreprise. D’une part parce que la nature même de l’outil, proche des médias sociaux grand public, s’y prête. D’autre part parce que ça permet de faire porter le changement par les salariés auprès des salariés ce qui n’est pas sans intérêt non plus.

Viralité = pertinence, proximité, crédibilité et coût moindre

Faire porter le projet par les salariés auprès de leurs collègues permet en effet de bénéficier d’intéressants leviers. La proximité tout d’abord : le message est porté par quelqu’un qu’on connait. Ce qui génère aussi de la crédibilité : s’il n’a aucun intérêt dans l’affaire et qu’il conseille un nouvel outil ou une nouvelle pratique c’est vraiment parce qu’objectivement il y a trouvé de réels bénéfices. S’il n’a rien à  gagner à  vendre la chose c’est qu’il veut vraiment m’aider. Pertinence ensuite : le collègue proche étant présent au quotidien au coté de ses pairs, il peut intervenir au moment exact où ils font état d’un besoin. La solution qu’il apporte n’en sera que perçue comme plus pertinente et l’écoute en sera renforcée. Et puis, chose non négligeable, avoir une armée de salariés ambassadeurs qui grossit au fil de temps renforce l’engagement de ces derniers car on leur fait confiance…et diminue les coûts de déploiement.

Les programmes de salariés « ambassadeurs » du changement fonctionnent ont donc beaucoup de sens et fonctionnent d’ailleurs bien dans les programmes de conduite du changement. Dans les mythes liés aux réseaux sociaux d’entreprise c’est un peut être un des seuls, d’ailleurs qui se vérifie de manière quasi-systématique. Sauf dans quelques cas, et c’est justement de cela que nous allons parler.

Les cas d’usages comptent plus que les salariés

Identifier les bons ambassadeurs – car c’est ainsi qu’on les appelle – n’est pas compliqué. En général on en connait une partie, d’autres se manifestent volontairement ou sont identifiés au gré d’une enquête interne, on peut aussi regarder lesquels sont actifs sur les médias sociaux grand public – quoi que cela ne laisse présumer de rien.

Ensuite on les implique, on les forme, on les entraine, on leur donne le discours et les matériaux nécessaire à  leur mission. On construit éventuellement un programme de reconnaissance pour les remercier et les valoriser. Et c’est à  ce moment qu’il faut éviter – même s’il s’agit de vendre le projet – d’avoir une approche trop « com' » du projet.

La conduite du changement implique un résultat factuel, pas seulement la diffusion du message

Car on peut penser qu’a priori, dans de telles conditions, les salariés ambassadeurs vont porter le message et qu’il faut donc qu’ils le connaissent, le comprennent et soient capables de parfaitement l’expliquer et le délivrer. Ce qui est une erreur. En procédant ainsi on risque souvent soit de perdre leur engagement soit de leur faire perdre leur crédibilité en les transformant en « hommes sandwiches » du projet.

L’ambassadeur ne vend pas un message ni un projet. Il vend un cas d’usage, une proposition de valeur. Il ne porte pas la bonne parole à  ses collègues, il les aide à  résoudre un problème, se simplifier la vie. Si on lui demande de dire que « le réseau social c’est bien » non seulement il risque de ne pas le faire mais, s’il le fait, il ne sera pas écouté, ennuiera les autres et perdra sa crédibilité. Si on lui demande de dire « si tu veux faire ça fais le de cette manière c’est mieux pour toi pour telle et telle raison…et éventuellement pour les autres » cela fonctionnera mieux. Il apportera quelque chose et verra même son image s’améliorer. Il ne sera pas le porte parole de l’entreprise mais celui qui aide ses collègues.

Ca n’est pas le message qui se diffuse mais les bonnes pratiquent qui se dupliquent

Ca n’est donc pas tant sur le message à  convoyer qu’il faut insister mais sur les cas d’usages. On parle de conduite du changement, pas de diffusion d’un message : la première demande une contrepartie active, pas le second. Sur ce que le collaborateur peut faire pour réaliser plus facilement une tche du quotidien, pour répondre à  un de ses besoins. Les salariés ne relayent pas un message mais se partagent des pratiques, des trucs et astuces. Ce qui suppose une connaissance approfondie des besoins terrain. Non pas de ce qu’on pense qu’ils sont mais de ce qu’en disent les futurs utilisateurs eux-même. Il arrive en effet très souvent que le fossé entre ce que l’entreprise et le management pensent qu’ils ont besoin et ce qu’ils expriment eux-même soit abyssal.

On se retrouve alors derrière une sorte de pyramide de Maslow des besoins : si on ne satisfait pas les besoins vitaux il y a peu de chance qu’on embarque les collaborateurs dans des usages plus avancés. C’est à  savoir lorsqu’on travaille sur les cas d’usages en question : démarrer par les plus vitaux d’une part et bien s’assurer qu’on est en mesure d’y répondre avec l’outil en question. Un outil qui n’est pas même de supporter des besoins basiques ne sera pas utilisé pour des besoins avancés même s’il y excelle. Et c’est souvent le problème : les outils sont souvent excellents pour faire de nouvelles choses complexes mais rendent les actions basiques du quotidien plus compliquées.

Je dis souvent que l’adoption est un mauvais substitut au duo « sens et alignement » et je persiste. Le sens c’est le pourquoi des choses. L’alignement c’est leur utilité immédiate et leur cohérence par rapport au contexte.

Bon si le contexte ne s’y prête pas c’est un autre problème. Malheureusement beaucoup plus profond mais pas si rare. Mais c’est un autre sujet.

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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