Entreprise 2.0 & Social Business : vers la fin du déni ?

A l’heure où on se pose beaucoup de questions sur l’impact réel des projets entreprise 2.0 ou social business, où on semble être à  la croisée des chemins, le Social Business Forum de Milan auquel j’ai participé il y a quelques semaines a été l’occasion de constater une nette inflexion des discours. Ce qui n’est pas surprenant en soi dans la mesure où cela fait quelques années qu’on entend, dans les coulisses, des discours qui convergent vers un besoin de reprise en main et un retour à  une vision davantage « business » et un peu moins bisounours pour reprendre une image à  la mode.

Ce qui a changé, comme l’ont confirmé certains orateurs, est que le public semble désormais prêt à  entendre certaines vérités qui étaient encore dérangeantes il y a peu. Une situation qu’on imputera au nombre d’études croissant qui montrent la réalité des choses et qui, sans remettre en cause le principe même, montrent que la manière dont il a été appliqué n’était pas pertinente.

Ceci n’est bien sur qu’un rapide survol des moments qui m’ont semblé clé…

Entreprise, salarié et management d’hier et d’aujourd’hui

Je commencerai par la présentation de Jacob Morgan sur le futur du travail (je vous rappelle à  l’occasion l’excellent livre de Jacob sur l’organisation collaborative). Rien de nouveau me direz vous mais c’est une excellente introduction à  ce qui va suivre. Si, comme je le répète à  l’envi en faisant mienne cette citation de Goldratt :

We should not expect an application to work in environments for which its assumptions are not valid

il nous faut reconnaitre que l’environnement actuel qui est celui de l’entreprise et du travail rend invalide toute initiative visant à  adapter le travail et nos structures au contexte et au marché qui sont aujourd’hui les nôtres.

Le réseau social est la nouvelle chaine de production de l’entreprise

Vint ensuite la présentation de Sandy Carter sur les tendances en matière de Social Business.

Sans m’étendre sur la totalité de la présentation je retiendrai principalement deux points. Le premier tient en une phrase : « Social Networks are the new production line ». Si certains trouveront l’analogie imparfaite car rappelant l’image taylorienne, il n’en reste pas moins que le message est clair : le « social » n’est pas quelque chose qu’on fait, n’est pas une tche en plus mais est la manière dont on fait les choses. Dont acte. De ma perspective purement française, cela me conforte dans l’idée qu’il faut à  tout pris se débarrasser de cette exception culturelle qui nous fait voir la chose comme un moyen de réunir les gens pour le plaisir de les réunir et créer du lien et avoir une approche plus productive de la chose. La seconde est l’importance croissante des données : au delà  des intéractions et des conversations il faut réussir à  transformer l’intangible en éléments tangibles, rationnels et factuels permettant de prendre des décisions. Là  encore cette nécessité de transformer un potentiel en « outcomes », en éléments productifs.
C’est ensuite Sameer Patel qui comme a son habitude a enfoncé le clou avec une approche très orientée performance opérationnelle.

Social Business et l’art de boucler les boucles

Sameer nous rappelle que le Social Business est un enjeu majeur, gigantesque. A la fois en  termes de marché pour ses acteurs mais également en termes de potentiel pour les entreprises qui arriveront à  se l’approprier. Mais il nous ramène également à  la réalité : aussi prometteur le sujet soit il, cela ne fonctionne pas. Ou pas à  la mesure des attentes. Et pose la question : « Où est le business dans Social Business ? ».
A cela il nous apporte une réponse à  laquelle je souscrit totalement : il s’agit d’apprendre à  « boucler les boucles ». Qu’entend il par là  ? L’entreprise a des activités, des process et il est hors de propos de changer ce que fait l’entreprise, mais d’améliorer la manière dont elle le fait. Aujourd’hui nos processus sont incomplets et s’exécutent donc imparfaitement : inadaptés à  un monde où l’exception devient la règle et où il importe de mobiliser son capital social pour pallier aux imperfections, les exécuter convenablement et, donc, « boucler la boucle ». Nombreux exemples à  l’appui. Et, sa présentation est d’ailleurs très instructive puisqu’il nous montre comment à  chaque business process traditionnel correspond un pendant social qui n’a pas vocation à  le remplacer mais à  le compléter, l’améliorer voire le transformer. On ne parle pas là  d’activités traditionnelles et sociales menées en parallèle comme c’est trop souvent le cas mais d’une seule activité tirant partie des synergies entre les deux mondes qui finalement n’en font qu’un.
J’y retrouve ma conviction selon laquelle une activité sociale qui n’est pas ancrée à  un business process identifié tourne en rond et ne fait que créer une boucle infinie dont on ne sort pas et, surtout, dont il ne sort rien.
Dernière chose, évidente, mais encore faut il le rappeler. Pourquoi s’épuiser à  trouver des idées, approches, concepts nouveau que de toute manière la direction d’une entreprise ne comprend pas. Le Social Business doit apprendre à  parler le vocabulaire de l’entreprise car, quelque soit la nature de la réponse apportée, l’objectif et les préoccupations restent les mêmes : augmenter le revenu, diminuer les coûts et limiter les risques. Point.

Le Business parle, l’IT écoute

Une transition qui nous amène à  la table ronde qui a rassemblé les éditeurs majeurs du secteur. J’ai nommé : IBM, SAP, Tibbr, Cisco, Telligent et Microsoft. Un exercice difficile tant, à  chaque fois que j’ai assisté à  des tables rondes similaires, le techno-centrisme des intervenants et leur propension à  n’être là  que pour vendre leur technologie faisait perdre tout son intérêt à  l’exercice et désespérait le public qui ne s’y retrouvait pas. Ici, et c’est une première, c’est la dimension business qui a prévalu. Des échanges sur la manière dont on organise la contribution du social business au business, la transformation des organisations et non sur les avantages comparés de tel ou tel outil. Avec des échanges responsables d’acteurs très lucides sur la situation à  l’exception près d’un qui persistait à  nous dire que le besoin en changement était minime tellement les salariés étaient habitués à  utiliser Facebook (et oui…on peut encore entendre cela en 2013).
Là  encore des choses qui peuvent sembler évidentes mais qu’il est bon d’entendre. Les KPIS ? Mais on les a déjà , ce sont ceux des activités de l’entreprise et s’il faut les changer ça n’est pas parce qu’on introduit une dimension sociale mais parce qu’ils sont éventuellement mal définis. Comme le rappelait Sameer Patel « on a confondu les indicateurs du programme social business avec les indicateurs de performance du business ». Le ROI ? S’il inclut une dimension nouvelle qu’on maitrise encore mal, une grande partie est largement identifiable par rapport, justement, aux indicateurs business traditionnels.

Le social business c’est l’entreprise, pas une réalité nébuleuse qu’on lui superpose

Une dimension d’autant plus facile à  mesurer qu’on adosse justement les programmes Social Business aux business process traditionnels. A l’inverse, comme je le rappelle souvent, une activité sociale qui ne repose sur rien n’est pas mesurable et n’apporte rien. Je vous renvoie à  ce vieil article si vous devez encore être convaincus qu’on ne tirera rien de ses actifs immatériels si on ne les couple pas à  un business process établi.
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L’impérative réconciliation du Social et du Business

Dernière intervention notable, un duo entre Esteban Kolsky et Ray Wang. Une mise en scène originale où l’un jouait le rôle d’un directeur marketing et l’autre d’un directeur informatique et qui avait vocation à  faire prendre conscience, bien sur,  du dialogue de sourd qui existait entre les deux dans l’entreprise mais surtout du caractère légitime des contraintes de l’un et de l’autre. Et de conclure à  la nécessité d’avancer ensemble car si le DSI gagne le business meurt de son inadaptation, si le marketing gagne l’entreprise s’effondrera faute de systèmes solides, fiables, scalables. Une nouvelle approche et un dialogue à  instaurer, peut être par l’entreprise d’un Chief Digital Officer les deux appellent de leurs vœux. Là  encore on voit bien ce besoin de réconciliation entre social et business au profit de l’entreprise et la vanité de ce qui ressemble encore trop à  une guerre des mondes.

Quant à  ma propre présentation sur la nécessité de transformer et adapter l’entreprise et ne pas se reposer sur des logiques d’adoption qui montrent leurs limites, j’en ai déjà  parlé il y a quelques temps.

Un dernier point : hasard du calendrier, au lendemain de ce Social Business Forum, cet article posait la question de savoir si le Social Business n’était pas autre chose que des palabres et un nuage de fumée. Quand je vous disait qu’il y avait urgence…

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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