Le problème n’est pas le marché mais la complexité interne des entreprises

Devant les difficultés auxquelles elles font face, les entreprises évoquent souvent la difficulté des marchés pour expliquer leurs déconvenues alors que le vrai problème est leur complexité interne. Cette découverte, finalement peu surprenante mais qui a le mérite d’être énoncée clairement, vient d’une récente étude du cabinet Bain & Company.

Le marché existe, il faut juste savoir l’exploiter

Première idée qui va donc à  contre courant des poncifs actuels : il n’y a pas de problème de marché. Surprenant quand on entend les lamentations des entreprises ? Non, pas tant que cela. Le problème n’est pas tant que les marchés sont difficiles mais qu’ils bougent vite, transformant ce que d’aucuns voient comme un problème économique en un problème d’agilité ou de résilience. Les marchés bougent vite, donc, naissent dans des zones inexplorées, croissent à  grande vitesse, arrivent à  maturité et disparaissent dans un temps record et tout le problème de l’entreprise est d’être au bon endroit au bon moment avec la bonne offre. Les leaders, qui tireront le plus de la vache à  lait sont ceux qui arriveront les premiers, ceux qui se plaignent de la dureté des marchés n’étant que ceux qui arrivent en retard.

Le raccourcissement extrême des cycles change en effet la donne : alors qu’avant on pouvait se permettre d’être quelque peu en retard, la phase de maturité ayant une durée conséquence, il n’y a plus de place aujourd’hui que pour les « leaders » et les « fast followers ». La « late majortity » et, pire, les vrais attardés, ne trouvera plus que quelques miettes et sera encore occupée à  se battre pour les obtenir que les autres seront déjà  repartis vers des marchés émergents et des gisements de valeur non exploités.

La complexité interne empêche de s’adapter à  des marchés mouvants

On en revient à  un sujet déjà  traité ici : la mort de l’avantage compétitif durable et l’avènement de l’avantage adaptatif.

Le problème majeur des entreprises en panne de croissance se situe donc dans leur complexité interne et leur incapacité à  s’adapter rapidement, à  « attraper les transitions de marché » comme le disait John Chambers et ce, justement, en raison de sa complexité interne.

Ce que l’étude de Bain & Company met en évidence c’est le besoin d’un « excellent modèle répétable » (ou Great Repeatable Model) qu’une entreprise peut réutiliser de marché en marché afin d’être rapidement efficace et opérationnel. Cette élément de « répétabilité » n’est-il pas en contradiction avec le besoin d’adaptabilité ? Pas le moins du monde.

Ce que l’étude dit d’ailleurs c’est qu’il faut un modèle que l’on puisse adapter à  chaque situation. On parle donc davantage, comme dans le billet mentionné plus haut, d’un corpus de pratiques et de principes qui imprègnent l’ADN de l’entreprise que de processus rigides et spécifiques à  appliquer tels quels. C’est d’ailleurs un des principes dégagé par l’étude : un ensemble de valeurs non négociables qui s’imposent à  tous. De manière plus générale on en revient à  l’idée de la nécessité de mettre effectivement en œuvre  ces principes au quotidien de manière obligatoire, ce qui est loin d’être le cas dans le domaine de la transformation digitale et sociale de l’entreprise où l’on se contente souvent de prêcher et prier sans aller plus loin.

Pas d’adaptabilité sans dispositifs d’apprentissage à  grande échelle

Dernier point et non des moindres, les organisations qui ont réussi à  s’affranchir de la barrière de la complexité interne sont celles qui ont développé des processus d’apprentissage qui leurs permettent de s’adapter plus vite que leurs concurrents. Preuve s’il s’en est que des dispositifs d’apprentissage souples, capables de facilement opérer à  grande échelle sont un facteur de compétitivité.

Preuve en tout cas, s’il en est, qu’il est impossible de penser la transformation de l’entreprise du coté extérieur, vers le marché et les clients, de manière dissociée de la transformation interne. Et un argument de poids pour ceux qui cherchent à  justifier et argumenter pour leurs projets en voyant des budgets colossaux partir du coté de la relation client digitale alors qu’ils n’ont pas les moyens de faire avancer les choses sur l’interne.

Ceci dit on peut discuter la pertinence du terme complexité ainsi incriminé. La complexité est une chose naturelle qu’on ne peut que constater et n’est pas un problème en soi pourvu que l’on sache y apporter une réponse systémique. Là  encore tout est question de volonté. C’est davantage la complication des structures et des processus que je vois comme étant un frein majeur à  l’adaptabilité et à  la résilience. Et la complication est quelque chose de beaucoup plus dur à  traiter que la complexité car elle résulte non pas de la nature des choses mais de la volonté et des actions de l’Homme qui a souvent bien du mal à  admettre qu’il doit déconstruire ce qu’il a mis des décennies  à  empiler de manière chaotique mais qui n’en est pas moins de résultat de son œuvre, œuvre pour laquelle il a même surement été récompensé en son temps.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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