Quand trop d’engagement mène au désengagement

L’engagement. Tout le monde n’a que ce mot à  la bouche. Et pour cause. Dans une économie de la participation où l’on ne peut contraindre, le seul moyen de réussir est l’engagement des autres. Dans une économie du savoir c’est le principal levier de productivité. Et dans une économie en crise c’est ce qui permet de se serrer les coudes pour continuer à  avancer.

Maintenant l’engagement n’est pas chose aisée. A l’extérieur de l’entreprise le client est méfiant par nature (et on le serait à  moins). A l’intérieur, et quelle que soit l’étude à  laquelle on se réfère, les chiffres sont à  un niveau historiquement bas et continuent à  descendre.

On pourrait presque ironiser – si le sujet n’était pas si critique – en disant qu’il n’y a jamais eu aussi peu d’engagement que depuis qu’on en parle, et que plus on parle plus il diminue. Hé. Attendez une minute. Peut être que c’est justement là  que réside le problème : on en parle beaucoup mais on prend, coté entreprise, la question dans le mauvais sens.

L’engagement : un mot fourre-tout pour des pratiques désengageantes

Coté client tout d’abord où des efforts monstrueux sont déployés pour engager davantage le client. Et qu’est ce qu’un client engagé ? Un client qui achète, like, fait votre promotion et prend votre défense. Et on s’y prend comment ? Et bien avec des contenus…engageants. Rappelez moi de suggérer à  Larousse de mettre « hameçon » comme synonyme de « contenu » dans une prochaine édition.

Ensuite il y a l’engagement des collaborateurs. Et qu’entend on ? « Il faut que les collaborateurs s’engagent », « nous ne tolérerons pas de salariés désengagés », « nous voulons des employés engagés ». Comme si l’engagement était l’affaire des salariés. On reporte sur eux ce qui est le plus souvent un problème d’entreprise, de management. Le salarié veut s’engager, mais pas sans contrepartie, pas si les signaux qu’on lui envoie lui font peur, pas si le engagez vous signifie « donnez tout et voire plus…mais n’attendez rien, vous aurez une belle médaille à  titre posthume ». Ca n’est pas tant au salarié de s’engager qu’à  l’entreprise, au management, aux managers, d’être engageants.

Vient ensuite l’engagement de la ligne managériale. Logique. Si on veut que tout le monde s’engage pour l’entreprise, encore faut il que eux s’engagent pour engager les autres. « Vous pourrez compter sur l’engagement de toute la direction pour vous aider dans votre mission ». Comprenez : il va falloir faire plus avec moins, pas question qu’on débloque un budget alors…et bien on est de tout cœur avec vous. On ne peut rien faire mais on vous supportera par la pensée et par la voix.

Bref la notion d’engagement sert aujourd’hui de fourre-tout et a été dévoyée pour en faire un cocktail de choses…pas très engageante mais avec un emballage dans l’air du temps.

Trop parler d’engagement montre qu’on s’est mépris sur la nature du problème

Faut il s’offusquer de l’attitude des entreprises ? Non. Les pauvres font vraiment ce qu’elles peuvent avec ce qu’elles ont. Leur seul et unique tort étant de dévoyer un terme en faisant d’une idée très positive quelque chose de beaucoup plus difficile à  vivre.De tranformer le « tous ensemble » en un « débrouillez vous, c’est votre problème, on peut plus rien y faire ».

Alors pas étonnant qu’avec de tels programmes plus on parle d’engagement plus les salariés se désengagent. L’engagement on en parle mais dans les faits on fait exactement le contraire. Peut être d’ailleurs préféreraient ils « les temps sont durs, attendons nous à  souffrir, il n’y a pas de marge de manœuvre mais il faut tenir jusqu’à  la prochaine accalmie ». Un discours peu engageant ? Au contraire. Un discours qui a le mérite de la franchise. Car rien n’est plus désengageant que le mensonge ou le travestissement de la réalité derrière des bonnes intentions et des mots vendeurs.

A se demander presque si le niveau d’engagement des salariés n’est pas inversement proportionnel au nombre de fois ou le mot ressort de la bouche des dirigeants et managers.

L’engagement n’est pas le fruit de la seule décision d’un individu mais l’effet d’un grand nombre de facteurs périphériques. Occupons nous des facteurs et cessons de culpabiliser les individus.

L’engagement n’est pas ce que les autres doivent faire pour aider l’entreprise, c’est que que l’entreprise peut faire pour leur donner envie de se mobiliser.

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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