Pas de mise en place d’outils sociaux et collaboratifs en entreprise sans que se pose la question d’une charte ou de règles d’utilisation. Préoccupation légitime tant le degré d’autonomie et de liberté nouveau que cela offre aux salariés dans des domaines autrefois très encadrés et « top-down » se heurte aux cultures en place. Même si le risque est surévalué à priori cela ne veut pas dire que rien ne doit être fait, tant en matière de montée en maturité de l’entreprise sur ces sujets que de sensibilisation et responsabilisation du salarié. Le tout accompagné des gardes fous nécessaires (mais seulement de ceux qui sont nécessaires).
Outils sociaux en entreprise : des risques qu’on ne peut ignorer
Car les risques liés à l’utilisation d’un réseau social d’entreprise ou de toute forme d’outil s’en approchant existent, et ce à différent niveaux.
Diffusion d’information sensible hors du périmètre autorisé (je parle d’information vraiment sensible, pas d’information que l’on retient pour montrer son pouvoir).
Débordements comportementaux (rassurez vous…l’email et le bouche à oreille restent les outils de prédilection pour ça).
Empiètement sur la vie personnelle des collaborateurs. Comme pour l’email, en effet se pose la question de l’utilisation de ces outils hors des heures et jours de travail « officiels ». Leur caractère « multi-usages », ubiquitaire et hautement « social » et le fait qu’ils sont souvent plus adaptés à une utilisation mobile que le reste des outils d’entreprise (email mis a part) font que, potentiellement, il s’y passe toujours quelque chose et que le quelque chose peut alerter d’autres collaborateurs qui vont (comme avec l’email) se demander s’ils sont ou non tenus de réagir. Ce qui peut sembler normal voire anodin à beaucoup interpelle les entreprises sur deux points. Le premier est légal et tient au respect du temps de travail. Le second touche davantage aux politiques RH et « Well Being At Work » (bien être au travail) qui sont de plus en plus soucieuses de l’équilibre vie pro/perso et de la non intrusion des signaux de l’entreprise dans des temps appartenant au salarié.
Productivité et performance. Un outil n’est qu’un outil. Bien utilisé il fait gagner du temps à tous, mal utilisé il est un instrument d’improductivité collective. Il est donc important d’aider le salarié à comprendre pourquoi et comment on doit s’en servir et dans quels cas et de quelles manières il est urgent de surtout ne pas l’utiliser.
Voilà pourquoi personne ne conteste que l’utilisation de ces outils nouveaux doit être non pas limitée mais encadrée et orientée.
Pendant qu’on encadre les réseaux sociaux on laisse emails et réunions produire leurs effets néfastes
Mais à l’heure où se pose la question de la gouvernance de ce qui n’est ni plus ni moins qu’un outil de travail, de collaboration, de communication, ne serait il pas temps de s’interroger sur la gouvernance totale des outils concurrents aux mêmes but et ainsi penser leur articulation plutôt que leur utilisation isolée, en silos. Car s’il est légitime de vouloir se protéger des effets néfastes d’un outil de collaboration sociale, monter un dispositif en ce sens a peu d’utilité quand on laisse à l’œuvre de manière incontrôlée deux armes de destruction massive que sont l’email et la réunion.
Parce que si on prenait autant de précaution avec l’email qu’avec les outils de collaboration sociale on arrêterait d’envoyer un message à 20 personnes avec une pièce jointe et faire des « reply all » à ce même message. On arrêterait aussi d’envoyer un email à 19h l’air de dire « je ne m’attends pas à ce que ce soit traité ce soir…mais si tu te sens obligé de le faire je n’y vois aucun inconvénient ». On ferait également attention à la manière dont on s’adresse aux autre (bien sur personne n’a jamais reçu un texte d’une ligne, lapidaire, tout en majuscule sans bonjour ni merci. « MERCI DE FAIRE CA »). On cesserait aussi d’utiliser la fonction « forward » pour passer la patate chaude et faire de la délégation de tches implicite.
Même chose pour ce qui est des réunions. Combien de réunions avec trop de sujets abordés, des objectifs mal définis, trop de personnes présentes sans être concernées, d’agendas peu clairs, démarrant en retard ou à des heures hautement improductives ou tardives avec ce qu’on peut imaginer comme impact sur l’équilibre de vie du salarié. (En passant il y a une très longue et très intéressante partie sur les réunions dans ‘processus et entreprise 2.0‘ que je vous conseille vivement).
La gouvernance des moyens de collaboration doit être pensée globalement
Il ne sert à rien de cadrer l’usage d’un outil (email et réunions sont des outils) si on ne propose pas une solution alternative et si on laisse les moyens de faire aussi mal ou pire avec d’autres outils. La réunion, bien organisée, peut être une excellente alternative et d’interminables discussions en ligne qui ne débouchent jamais sur aucune décision, la plateforme collaborative aux échanges en mode reply-all autour d’un lourd document et rien se sert de traiter du coté intrusif de l’email et du réseau social dans la vie privée quand on laisse des réunions débuter à 17h30 ou 18h00.
La gouvernance de ces outils, que ce soit dans une perspective productive, sécuritaire ou RH doit se faire de manière conjointe.