C’est une tendance indéniable : un nombre croissant d’entreprises essaient de faire en sorte qu’un maximum de leurs salariés soient présents sur les médias sociaux. Les raisons sont diverses (modernité, marque employeur, utilisation de la voix des salariés à des logiques promotionnelles), différents niveaux de l’entreprise sont concernés (les salariés, les dirigeants de manière spécifique) mais le résultat est le même.
On voit donc de plus en plus d’entreprises se féliciter d’avoir x employés sur twitter, de montrer l’exemple d’un dirigeant qui a créé son compte la semaine dernière etc. Bonne chose pour les personnes concernées qui ont droit à leur minute sinon de célébrité, au moins de reconnaissance. Mais à coté de ça certains se demandent tout de même si tout ce tintamarre a du sens, si c’est vraiment sérieux.
Je ne discuterai pas ici de l’intérêt d’avoir une présence active de ses salariés sur les médias sociaux. Les bénéfices sont connus, les risques également.
« Mon boss est sur Twitter ! ». Et alors ?
Ce qui me semble le plus problématique est qu’il semble qu’une présence d’un maximum de personnes et, surtout, des dirigeants semble souvent être une fin en soi. On veut des chiffres, des profils et finalement on se préoccupe plus de ce que cela veut dire en termes d’image que de l’intérêt pour les uns et les autres d’y être.
Comme pour les médias sociaux internes où le nombre de communautés et d’utilisateurs ne veut rien dire à part que le dispositif existe et est branché, on semble oublier totalement la notion d’impact. La seule présence sur les médias sociaux ne veut absolument rien dire. D’ailleurs lorsque des campagnes de sensibilisation massives ont été menées dans les entreprises il est intéressant de regarder où on en est 6 mois ou un ans après. Profils vides, abandonnés ou comptes maladroitement utilisés. Pas certain que ça aide ni l’employé ni l’entreprise. Les résultats sont meilleurs pour celles qui ont menées des campagnes ciblées.
La campagne ciblée ça n’est pas dire « tous sur twitter » mais « voilà comment ceux qui le désirent peuvent utiliser twitter pour avoir un impact ». Impact sur leur carrière, sur l’image de l’entreprise, sur leur performance lorsque veille et réseautage est critique dans leur travail. Peu importe qu’ils ne soient que 2% : ils feront bien et auront des résultats.
On valorise le sculpteur de talent, pas l’utilisation du burin
Et si on part du principe que tout le monde, en raison de sa nature, de son caractère, de ses besoins n’a pas un besoin vital d’utiliser Twitter – en tout cas pas dans le contexte de son travail – cette survalorisation peut entrainer deux effets de bord.
Le premier est une démotivation de ceux qui n’y sont pas, ne se sentent pas prêts, ne sont pas faits pour ça. Ceux là vous diront qu’être mis en évidence et cité comme exemple simplement parce qu’on utilise un outil, qu’on est sur un réseau, c’est peut être un peu beaucoup. Le second est que ces mêmes personnes se lancent pour ne pas avoir l’air de ne pas jouer le jeu et le fassent dans des mauvaises conditions car, répétons le encore une fois – tout le monde n’est pas nécessairement fait pour ce type de communication, ou pas aussi naturellement.
Ce qui mérite récompense et reconnaissance n’est pas l’utilisation d’un média social mais ce qu’on a fait grâce à lui. Trouver un client, diffuser un message de manière ciblée et efficace, identifier une opportunité. Ce sont les success stories, l’impact, qui doivent avoir leur place sur scène, pas l’outil.
D’ailleurs un responsable commercial me disait dernièrement « avec cette logique je dis « bravo » à celui qui trouve un client sur twitter et « c’est normal » à celui qui en trouve deux avec des approches plus conventionnelles ? Moi je compte le nombre de clients. On me demande de valoriser les succès grâce aux médias sociaux…je trouve plus juste de valoriser les résultats tout court ».
Il faudrait se rappeler que si on admire certains artistes c’est en fonction de leur production, pas parce qu’ils utilisaient un burin ou un pinceau.