Comme de nombreux autres secteurs d’activité, le monde des taxis est aujourd’hui challengé par des acteurs nouveaux qui essaient de réinventer le modèle et l’offre de service en s’appuyant – entre autres – sur les outils et principes de l’économie digitale.
Ces acteurs, en France, ont pour nom notamment Uber, Chauffeur Privé, Snapcar…
Quelques mots avant d’aller plus loin pour éviter certains malentendus qui, par le passé, ont transformé un débat qui aurait pu être constructif en bataille de chiffonniers qui n’a pas mené à grand chose.
La question de la transformation « digitale » des taxis n’est pas un débat sur les VTC et leur statut. Si tous les chauffeurs des sociétés mentionnés ci-dessus sont effectivement des VTC, tous les VTC ne passent pas par elles pour trouver des clients et les comportements éventuellement répréhensibles de certains ne sont pas à mettre sur le compte des Uber et consorts. A la limite on pourrait même avancer que ceux qui passent par ces acteurs nouveaux sont davantage contrôlés et soumis à un charte de qualité que ceux qui agissent en solo.
Second point, si on va parler ici de la situation précise de la France, il n’est pas question non plus de tomber dans le french bashing et le « ça va bien partout, y’a qu’en France qu’on tue les pauvres innovateur ». Qu’il s’agisse des taxis mais également du logement (avec AirBnb) il n’est pas une ville ou un pays où ces acteurs nouveaux ne sont pas attaqués. Voire, dans certains cas, tout simplement interdits d’exercice. Ca ne veut pas dire que nous apporterons la réponse la plus brillante mais cela prouve bien qu’il n’y a pas qu’ici que la nouveauté indispose.
Mais revenons à nous moutons.
Soucieux de pacifier le débat et de trouver une solution qui satisfasse tout le monde, le gouvernement a demandé la rédaction d’un rapport supposé fixer des règles nouvelles pour ce marché. Et les propositions du rapport Thévenoud sont pour le moins intéressantes.
Pour n’en retenir que la substance, il imposerait aux taxis une certaine montée en qualité de service. Il leur demande également de se rendre géolocalisables…chose qu’il interdit désormais strictement aux VTC.
A priori le client y gagne. Au moins un peu.
Le taxi, lui, voit de nouvelles obligations peser sur lui mais s’y retrouvera certainement au niveau de la satisfaction de sa clientèle. Il voit surtout la concurrence affaiblie par l’interdiction du « maraudage électronique » pour les VTC.
Du coté VTC ceux qui travaillaient avec leur propre clientèle, à l’ancienne et respectaient la loi ne verront pas de grand changement. Ceux qui ne respectaient pas las loi seront – théoriquement – plus contrôlés. Et ceux qui se reposaient sur des services comme Uber, Chauffeur Privé et autres pour trouver des clients perdent très gros.
Les vrais perdants, en fait, sont justement les services mettant en rapport VTC et client, ce service d’intermédiation devenant de facto illégal avec l’interdiction du maraudage électronique.
En somme on demande aux Taxis de s’organiser comme Uber, Chauffeur Privé, Snapcar & co…et on interdit à ces derniers de poursuivre leur activité. La prime à l’immobilisme.
Avant d’aller plus loin il faut se demander comment on a pu en arriver là ? Comme je le disais auparavant ça n’est pas le numérique qui a fait mal au taxi mais l’absence de vision. Les grandes sociétés de taxi bénéficiaient de la géolocalisation depuis des lustres, leurs chauffeurs étaient supposés accepter le paiement par carte bancaire, elles avaient d’ailleurs des services spécifiques permettant de facturer certains clients au lieu d’encaisser directement. Elles avaient tout pour mettre en place ce que Uber et autres ont amené, leur couper l’herbe sous le pied et ainsi occuper de fait ce marché naissant. Il n’y avait qu’à …. Mais cela n’a pas été fait.
Ca n’est pas un problème de startup, de technologie, de Taxi ou de VTC. C’est simplement un problème de vision. C’est un problème d’aveuglement devant la transformation numérique de l’économie. Et chercher les gagnants et les perdants du coté des taxis et des VTC serait une erreur : c’est du coté des grandes sociétés de taxis et de ceux qui proposent un modèle alternatif au leur qu’il faut regarder. Les chauffeurs ne sont que victimes collatérales d’un combat qui se passe ailleurs.
Maintenant quel est le message que nous envoie le rapport Thévenoud ?
Il dit aux entreprises : « Ne vous inquiétez pas, si votre secteur d’activité se transforme et que de nouveaux acteurs tirent parti de votre immobilisme, laissez les essuyer les pltres et créer un marché nouveau. Une fois qu’il sera mur on leur interdira d’exercer et vous n’aurez qu’à les copier ».
Sur ce point la guéguerre Taxi-VTC est anecdotique et passe au second plan. Par contre le message envoyé aux entrepreneurs et aux entreprises innovantes et même dans une certaine mesure aux entreprises « installées » est catastrophique. N’essayez pas. Ne vous remettez pas en cause. Cela ne sert à rien : on remettra les compteurs à zéro dès que quelqu’un prendra l’avantage.
Si les préconisations du rapport Thévenoud sont suivies la France aura simplement inventé l’assurance contre le manque de vision à l’attention d’entreprises peu innovantes et soucieuses de préserver le status quo dans un monde qui change.
Dormez tranquiles.