Le pourquoi de la transformation digitale expliquée à  votre direction

Les programmes de transformation digitale fleurissent dans les entreprises, peu importe le nom qu’on leur donne et l’angle de démarrage. Qu’on parte d’une logique de collaboration, de relation client, d’organisation apprenante ou que sais-je, on en finit toujours au même point à  force de tirer la pelote. Et à  ce moment les avis convergent : les moyens sont rarement à  la hauteur des ambitions et des enjeux.

Cela est moins criant du coté du digital « externe » qu' »interne ».  Parce que l’externe est visible, que c’est une question d’image et qu’on finit toujours par se rappeler que c’est le client qui fait vivre l’entreprise. Alors si tout le monde n’a pas passé le pas de la réinvention de l’expérience client et du service on voit tout de même des choses intéressantes qui, mêmes timides, sont un premier pas avant d’aller plus loin. Par contre pour ce qui est de l’interne on est encore trop souvent dans le superficiel, l’embellissement de façade ou le repltrage plus que dans la réinvention. Pas illogique tant le terrain est sensible mais pas rassurant non plus quand on voit depuis combien de temps la situation dure. Si les moyens – le courage diront certains – sont proportionnels aux enjeux le moins qu’on puise dire est que les enjeux sont encore mal compris.

A quoi la transformation digitale de l’entreprise est elle donc la réponse ?

Nouveaux comportements de consommateurs ? Génération Y et Digital Natives ? Consumérisation des outils et pratiques de l’entreprise ? Image de l’entreprise et marque employeur ? Mode ? Besoin de collaboration ? D’innovation ? Il y a un peu de tout ça mais rien de suffisamment important pour mettre l’entreprise sens dessus dessous. Assez pour justifier des initiative tactiques, pas assez pour réinventer. Et de toute manière entre vieux poncifs et besoin de toilettage, votre comité de direction vous répondra souvent que « ce genre de sujets c’est votre problème, pas le sien ».

On remarque par contre quelques accroches arrivent à  vraiment à  capter leur attention.

1°) Des raisons liés au marché

On assiste à  une servicisation de l’économie. Rien à  voir avec la tertiarisation qui était un mouvent de l’emploi vers les activités tertiaires. Ici c’est de l’offre qu’il s’agit, de ce qu’on vend et produit : entreprises et particuliers consomment désormais des services, plus des produits. Attention : rien à  voir avec le discours sur la dématérialisation et la digitalisation de l’économie qui fait bien rire ceux qui ont compris qu’on ne pouvait imaginer une économie sans biens matériels.

Quand les produits deviennent des services

Les produits matériels, physiques ne sont pas morts. Ils sont simplement inclus dans une offre qui mêle produit et services. On le voit par exemple avec les téléphones mobiles, les offres logicielles en mode Saas, des entreprises qui n’achètent plus de chariots élévateurs mais un service de manutention. Même le secteur des services est impacté : on parle désormais d’intégration de services, ce qui n’est ni plus ni moins qu’une logique d’offre adhoc mêlant des services préexistants mais jusque là  vendus séparément.

Cela a bien sur un impact sur la manière dont le client consomme ce qu’il achète, la manière dont on le met en œuvre, la nature et l’étendue de l’engagement du fournisseur etc. Ce qui nous intéresse ici est que cela impacte fortement la manière dont l’offre est conçue, vendue et délivrée. Il y a besoin :

D’une collaboration renforcée avec le client lors de la phase de pré-vente car il s’agit souvent d’une offre adhoc/spécifique/unique

D’une collaboration renforcée en interne car il faut identifier des offres, savoir-faire et expériences souvent enfermés dans des silos et, le cas échéant, faire collaborer les personnes concernées. Il en va de même lorsqu’il faudra délivrer l’offre.

Sans bien sur mentionner le fait que tout ou partie du service peut être sous forme digitale.

2°) Des raisons liées à  la valorisation de l’offre

Deux grandes évolutions ici : valeur d’usage et expérience.

La question de la valeur d’usage n’est pas le sujet principal ici. On retiendra juste que le client ne valorise plus la valeur « physique » du produit mais le bénéfice qu’il retire de sa mise en œuvre.

Plus intéressant est le mouvement vers ce qu’on appelle une économie de l’expérience qui par certains point se rapproche de la valeur d’usage. Cela signifie, pour faire court, que le client valorise l’ensemble de son expérience et plus seulement le produit/service. De sa relation avec l’entreprise avant d’être client au service post-achat en passant par la phase de vente et la mise en œuvre, il ne juge pas la valeur de l’offre selon des critères purement objectifs et quantifiables (prix/fonctionnalités/contenu) mais selon la manière dont il vit le parcours client et l’expérience qu’il en tire.

L’expérience client se valorise davantage que le produit

Ce qui explique que l’entreprise avec le meilleur produit n’est pas forcément celle qui réussit le mieux, et qu’une expérience de haut niveau permet à  produit égal voire inférieur de vendre plus cher.

3°) Des raisons de performance

Alors que la productivité n’a cessé d’augmenter ces 30 dernières années, le taux de rendement des actifs (ROA pour Return on Assets) s’est effondré sur la même période. Comme l’explique le « shift index » de Deloitte qui met en avant un certain nombre de paradoxes entre les chiffres et la réalité de l’économie et de la santé des entreprises, cet inquiétant croisement des courbes est principalement du à  l’incapacité des entreprises à  s’approprier les technologies digitales. A la fois d’un point de vue collectif (l’organisation) et individuel (les salariés).

Quand le salarié pédale plus vite et que l’entreprise avance moins vite

Dit autrement, consciente du déplacement de la création de valeur vers des logiques « immatérielles », l’entreprise a investi lourdement pour faire face à  ces enjeux nouveaux. Talents, compétences, relation client, réputation, logiciel etc. Mais elle  s’avère incapable d’en tirer le meilleur parti à  la fois parce qu’un nombre trop faible de salariés a les compétences pour travailler autrement et parce que l’entreprise ne sait adapter son fonctionnement, ses process, revoir son modèle de création de valeur dans ce contexte.

On ne crée pas de la valeur dans une économie à  haute intensité de savoirs (terme que je préfère à  économie du savoir car il permet de mieux comprendre que les savoirs sont clé même pour produire des biens physiques) avec un modèle optimisé pour une économie « physique » à  forte intensité capitalistique (machines).

De manière plus imagée : si les salariés pédalent de plus en plus vite et l’entreprise avance moins vite le problème est sur la chaine de transmission.

C’est à  mon avis le signal le plus alarmant, qui nécessite à  lui seul une réponse immédiate. Visible dans les chiffres, mesurable, exprimé en euros.

La transformation digitale c’est un nouveau modèle d’entreprise, pas seulement des technologies nouvelles

Alors vous me direz qu’on est pas directement dans le digital. Erreur. Avant d’être digitale la transformation est une transformation. On a évoqué ici

– la nature de l’offre et la manière dont elle est conçue est délivrée

– les éléments de différenciation valeur coté client

– la manière de rentabiliser au mieux les investissements réalisés en matière d’actifs immatériels.

La transformation touche donc à  l’ensemble de la chaine de valeur : du marché à  la ressource première en passant par le processus de production et les investissements. Le digital fait partie de la boite à  outil de mise en œuvre, par exemple :

– pour des dispositifs de collaboration et d’apprentissage à  grande échelle

– comme vecteur d’expérience et de relation client

comme « machine » de la ligne de production

Et comme élément de culture d’entreprise et philosophie managériale.

Maintenant qu’un point ou un autre, entre tranformations du marché, évolution de l’offre ou rentabilisation des investissements vous aura permis d’attirer leur attention il faut passer à  l’étape suivante : comment la réponse se concrétise-t-elle ?

Ce sera l’objet d’un nouveau billet.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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