Où en est on en matière d’entreprise collaborative et sociale ? On sent bien un double sentiment chez les observateurs et les acteurs du secteur. D’un coté « ça patine un peu – voire beaucoup – » et de l’autre « on sent en même temps qu’il se passe quelque chose ».
Ce qui pourrait s’expliquer de cette manière : après avoir hésité, tatonné et parfois construit des projets sur des hypothèses qui se sont avérées fausses (mais pouvait il en être autrement sur un marché neuf), les entreprises sont arrivées au bout de leur logique ce qui leur permet de tirer les enseignements et repartir avec des approches plus mures. Une sorte non pas de nouvelle ère mais plutôt de seconde vague.
Un certain nombre d’hypothèses qu’on croyait justes et qui ont pu s’avérer parfois blocantes ou ont aiguillé les entreprises sur de mauvaises pistes ont ainsi été challengées et la résultante est une période que l’on peut qualifier de :
1°) Post Adoption
Que ceux que la fameuse « adoption » des nouvelles formes d’entreprise n’a pas empêché de dormir ou énervé lèvent le doigt. En fait d’adoption on pensait souvent aux outils et son caractère volontaire, partant des utilisateurs, s’est souvent accompagné de la croyance que si les employés changeaient d’eux-même les entreprises n’auraient pas à le faire.
Aujourd’hui on se rend compte que tout n’est pas affaire d’adoption mais de sens et d’alignement. On a compris que les employés ne changeraient pas dans une entreprise qui ne change pas structurellement, managérialement, culturellement.
2°) Post communauté
Changer l’entreprise revenait à tout transformer en une agrégation de communautés. Tout était communautés et la communauté était la réponse à tous les problèmes. L’objectif était de lancer des communautés. Combien de fois a-t-on entendu deux professionnels se demander « alors…tu as trouvé des communautés dans ton entreprise ? Tu en as lancé combien ? ». Ridicule. Si l’on s’en tient à une définition stricte de la communauté elle ne pouvait répondre à tous les besoins.
Aujourd’hui on a compris que le mot communauté avait été largement dévoyé pour devenir un synonyme de groupe. Certains de ces groupes sont des vraies communautés, d’autres des équipes projet, des départements etc. Et a chaque type correspond un mode de recrutement, de management et un caractère facultatif ou obligatoire. On ne part plus à la chasse aux communautés mais aux « business problems », on identifie des « business activities » et on met en place un dispositif les facilitant. La communauté n’est plus l’objectif mais le nom donné aux personnes impliquées dans un scénario donné.
3°) Post conversations
Le web était conversations, l’entreprise devait devenir conversations. Les entreprises se sont échinées à faire discuter les collaborateurs, la conversation était devenue l’objectif. D’où un recours forcené à des community managers chargés de faire parler et réagir les collaborateurs.
Aujourd’hui le nouveau focus sur des scénarios métier change la donne. La conversation ne peut arriver sans un déclencheur qui a du sens dans le contexte du travail. On ne cherche plus la conversation mais l’intéraction autour d’une problématique métier, une étape d’un projet, d’un process. La conversation est devenue opérationnelle.
4°) Post Sharepoint (ou Sharepoint Only)
Dire que Sharepoint a trusté le rôle de plateforme de choix pour un grand nombre d’initiatives majeures n’est pas peu dire. Par contre la philosophie de l’outil a souvent limité le spectre collaboratif en raison d’un léger retard au démarrage sur les « pure players » du marché et parce nombre d’entreprises ne suivaient pas les montées de version aussi vite que Microsoft l’aurait aimé.
Aujourd’hui, avec du recul, beaucoup admettent que Sharepoint était insuffisant et ne convenait pas à l’ensemble du spectre collaboratif et social. D’ailleurs malgré des avancées récentes intéressantes le rachat de Yammer a montré que l’éditeur était conscient de ses lacunes. Quoi qu’il en soit, une fois acté que Sharepoint (ou en tout cas Sharepoint seul) ne faisait pas le travail, la recherche de solutions alternatives ou de complément ouvre la porte à de nouveaux cas d’usages et d’autres types d’expériences pour les entreprises et les utilisateurs finaux.
5°) Post Saas
Si la « collaboration sociale » est facilement arrivée dans l’entreprise par le Saas et que ce mode de mise en œuvre a permis une multiplication des initiatives qui ont permis de rapidement faire murir les entreprises et le marché, ce modèle a également constitué un frein à la mise en œuvre de programmes d’entreprise plus aboutis.
D’abord parce que la facilité de mise en œuvre a permis la multiplication de projets locaux au détriment de la cohérence globale et a permis de constituer de nouveaux silos. Ensuite parce que à tort ou à raison le modèle Saas effraie certaines entreprises en termes de confidentialité des données. A tort car les acteurs sérieux ont un niveau de sécurité convenable, à raison parce certaines données doivent rester à la maison que ce soit par simple bon sens ou en raison de contraintes légales. Enfin parce que, alors qu’on a compris que le réseau social n’était qu’une étape et que l‘avenir était aux plateformes sociales, aux digital workplace, le niveau d’intégration et de customisation requis n’est pas compatible avec ce que propose le Saas.
Alors oui au Saas pour des déploiements isolés et rapides. Pour le reste il reste le on premise bien sur mais également d’autres options en cloud, notamment le Paas qui permet d’avoir le beurre et l’argent du beurre et me semble être la meilleure alternative pour des environnements de travail de nouvelle génération, collaboratifs, sociaux, hautement customisés et intégrés.
Là encore comprendre que Cloud ne veut pas dire que Saas ouvre de nouvelles portes, fait tomber des barrières qui permettront de travailler sur des environnements de travails plus adaptés aux besoins des utilisateurs, avec une meilleure expérience, donc plus utiles, utilisables et utilisés.
6°) Post Search
Le problème avec la profusion des informations, des échanges, des contenus c’est le risque de s’y perdre, de ne pas trouver ce qu’on cherche voire de ne pas savoir que quelque chose existe donc de ne pas le chercher. Toute entreprise qui s’est aventurée dans le domaine de la collaboration digitale et sociale vous le dira : soit il ne passe rien soit ça avance bien et on est vite submergés.
Ces deux dernières années ont vu le développement du big data mais surtout des analytics chez les acteurs du marché. Conséquence ? Etre capable de filtrer le bon grain de l’ivraie, suggérer des contenus, prioriser l’affichage des données et information qui ont du sens dans le contexte précis de l’utilisateur (sur quoi travaille-t-il à ce moment précis, quel sont ses priorités du jour en fonction de sa to-do list voire de son emploi du temps…).
Etendue aux outils au delà des réseaux sociaux d’entreprise (bureautique, agenda, outils métier, bases documentaires etc…) cette sorte de « BI personnelle » va rendre l’utilisation des plateformes nouvelles et le travail en situations complexes plus simple, plus orienté sur le besoin de l’utilisateur qui passera plus de temps à travailler qu’à s’y retrouver dans un univers parfois confus.
7°) Post uniforme et égalitaire
Une des hypothèses de base de la transformation des entreprises était une hiérarchie aplanie et une sorte d’égalité entre les utilisateurs dans les usages, peu importe qu’ils soient simple collaborateur, manager, dirigeant. Cela a eu une conséquence : les managers, seuls capables de donner du sens, d’aligner le contexte du travail et le management avec les objectifs poursuivis, les usages attendus, se sont retrouvés perdus. Les managers n’ont pu jouer leur rôle dans le changement pour une raison : on leur a fait « adopter » la nouveauté en tant que simple utilisateur, pas en tant que managers.
Aujourd’hui les entreprises ont compris qu’il fallait que les managers adoptent « en tant que managers ». Les initiatives qui en sont la conséquence permettent aux managers de donner du sens aux nouveaux modèles et outils dans le contexte du travail de leurs équipes en en comprenant les bénéfices pour eux et pour les autres par rapport à la mission de chacun.
Une entreprise plate ne signifie pas pour autant nier les différences de rôles. Comprendre cela va permettre également de passer à une nouvelle étape.