L’innovation participative mène à l’intrapreneuriat au Crédit Agricole

Credits : Julien Lutt : Crédit Agricole S.A. / CAPA Pictures / Julien Lutt
Credits : Julien Lutt : Crédit Agricole S.A. / CAPA Pictures / Julien Lutt

J’avais déjà eu l’occasion de vous parler du livre blanc réalisé par le Crédit Agricole sur l’intrapreneuriat. Curieux d’en savoir plus sur leurs motivations et sur la manière dont ils passaient du discours à l’acte, j’ai eu la chance de rencontrer Claire Bussac, responsable du marketing et de la communication RH en charge de ce projet pour une rapide interview.

Vous avez décidé de lancer une démarche d’intrapreneuriat. Mais qu’est ce que cela recouvre exactement pour vous ?

Claire Bussac : Pour ce qui est de notre définition de l’intrapreneuriat on a repris des définis déjà émises dans les années 80, il n’y a donc rien de neuf ou spécifique.. De manière imagée nous disons c’est une boite dans la boite. Donner les conditions de mises en oeuvre à un salarié pour que son idée se transforme en application opérationnelle et devienne une activité. On laisse le salarié créer tout un écosystème. Différents niveau d’autonomie sont possibles qui peuvent aller de l’innovation participative à la refonte de l’organisation comme chez Poult.

L’intrapreneuriat : « une boite dans une boite« 

Nous avons également mis en place uns structure nouvelle, le Village de l’Innovation, rue de la Boétie.Ce lieu a vocation à accueillir des startups mais également des entités du groupe afin de permettre les échanges entre startups, entre les startups et le groupe sur les nouvelles manière de travailler. Pourquoi pas y incuber les nouvelles startups du groupe ? On incube même des intrapreneurs d’autres entreprises. Nous expérimentons et apprenons tous les jours, on verra où cela va mener, ce qui va en sortir.

A quels enjeux cet initiative correspond-elle ?
CB : Au niveau du Crédit Agricole il y  un enjeu d’innovation et de communication autour. Au niveau RH nous avons clairement un enjeu de participation à l’innovation avec l’intention d’aller au delà de la boite à idée. Avoir des idées finalement c’est simple. Mais si on ne crée pas les conditions de leur mise en œuvre cela ne sert pas à grand chose. Pire, c’est démotivant pour ceux qui ont participé. C’est dans ce sens que s’inscrit l’intrapreneuriat pour nous : identifier des collaborateurs intéressés par ce type de démarche que ce soit en tant qu’intrapreneurs ou ambassadeurs de l’innovation.

L’intrapreneuriat, conséquence logique de l’innovation participative

BUSSAC CLAIRE
Claire Bussac

C’est d’ailleurs pour cela que nous avons produit un livre blanc. Afin de se poser les bonnes questions d’abord puis de partager notre ambition, notre volonté aussi bien en interne que vers l’externe.

Et quels sont les premiers résultats ?

CB : Il faut être très humbles quand on se lance de ce type de démarche. C’est un processus de sensibilisation qui prend beaucoup de temps. C’est également la raison pour laquelle nous avons organisé un afterwork créatif avec nos collaborateurs à l’occasion de la sortie du livre blanc. Cet afterwork nous a permis d’identifier deux projets portés par nos collaborateurs. Maintenant c’est à nous de ne pas être déceptifs et de bien vendre les projets à la direction.

Justement…la direction. Qu’attend-elle d’une démarche d’intrapreneuriat ?

CB :La direction attend déjà qu’on lui pousse les signaux faibles de l’innovation en matière de RH. Pour ce qui est de l’intrapreneuriat elle n’en attend pas forcément quelque chose en tant que tel : par définition on ne peut prédire ce qui va en sortir mais on fait tout pour que des bonnes surprises arrivent. Par contre il y a une forte attente quant à la responsabilisation et l’autonomie des collaborateurs et l’intrapreneuriat est clairement une manière de travailler sur ces points. Cela mène aussi à l’engagement qui est un de nos autres grands chantiers. Pour que les collaborateurs soient autonomes et engagés il faut des moyens, des idées, des mises en en situation.

Et pratiquement parlant comment cela se concrétise ?

CB :Déjà il y a la piste du Village de l’innovation qui est un levier de premier choix et qu’on compte bien valoriser autant que possible.

Nous avons également les deux projets identifiés lors de l’afterwork créatif : il faut les pousser et trouver des volontaires pour les mettre en place.

Le digital constitue également un terrain que nous allons explorer avec intérêt. On a déjà une expérience avec le CA Store qui permet de proposer des applications innovantes pour accéder à ses données bancaires. Il s’est bâti avec des « digiculteurs » externes et des clients qui émettaient des idées. Pourquoi ne pas pendre la même voie en interne, notamment par rapport aux applications et données RH qui sont au cœur de la vie des collaborateurs et qu’on pourrait simplifier, rendre plus accessibles, plus agréables à utiliser.

Pour les dirigeants cela s’inscrit dans une logique d’amélioration de notre image, de notre marque employeur et de modernisation des RH tout à la fois.

Vous avez certainement du faire face à certains écueils non ?

CB : Oui bien sur. Il faut déjà que notre culture l’accepte.Mais en parallèle il y a la génération Y qui veut pousser les murs et exploiter son potentiel créatif.

Notre premier besoin était l’innovation participative et l’intrapreneuriat vient du besoin de ne pas frustrer, d’être d’emblée dans une logique de mise en œuvre. Les idées c’est simple…ensuite il faut des gens motivés pour les mettre en œuvre. Nous n’avons pas forcément des entrepreneurs mais des « intras » qui veulent un cadre sécurise pour faire des choses.

La mise à disposition des ressources : un enjeu majeur pour l’intranpreneuriat.

Le point capital, du point de vue de l’entreprise, c’est de créer les conditions : il faut du temps, des locaux (d’où le village de l’innovation), et des ressources. Ce qui pose d’ailleurs la question essentielle de la mise à disposition de ressources par les managers. Là encore on va essayer de construire sur l’existant. On a en effet un programme interne qui permet à un collaborateur qui veut une expérience dans une autre entité ou un autre pays d’être mis à disposition par son manager pour une durée donnée. On pourrait reprendre le concept pour mettre des gens à disposition pour pousser nos projets après avoir, bien sur, validé les motivations.
Une chose est sure c’est qu’on avance, qu’on apprend en marchant. On apprend aussi beaucoup en regardant les autres  et en échangeant avec eux

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Quelques mots en guise de conclusion. Je voudrais d’abord remercier Claire Bussac pour s’être rendue disponible et pour le temps qu’elle m’a consacré ainsi que ses équipes pour le suivi et les équipes de We Are Social pour avoir fait le « go between ». Ensuite cet entretien m’inspire également quelques réflexions que je vous livre ici en vrac.

• Il faut prendre de telles démarches avec à la fois une vision et des convictions solides et beaucoup d’humilité, ce qui me semble être le cas au Crédit Agricole. Comme je le dis souvent « on ne peut mettre l’humain et la créativité en équation » : il faut accepter de faire des efforts pour rendre les choses possibles sans savoir à l’avance ce qu’il en sortira.  On est également sur des approches qui, même si on en parle beaucoup, sont relativement neuves, surtout dans une culture bancaire. Il n’y a pas de sachant ou de vérité absolue : il faut essayer, apprendre et accepter parfois d’échouer ou d’être imparfait afin de pouvoir s’améliorer.

• L’intrapreneuriat est présenté de manière intéressante non pas comme une fin en soi mais comme le vecteur d’autres initiatives. Ici on parle de rendre l’innovation opérationnelle, de responsabiliser les collaborateurs, les rendre autonomes, améliorer l’image de marque, la marque employeur et faire évoluer la fonction RH. La démarche d’intrapreneuriat sert à donner du corps à différents dispositifs, à les mettre en œuvre au travail d’une réalité palpable dont les collaborateurs sont les premiers acteurs. En plus la démarche aura ses résultats propres qui seront en quelque sorte la cerise sur le gâteau. On peut d’ailleurs penser que les bénéfices collatéraux de l’intrepreneuriat sont assez significatifs pour qu’il n’y ait pas de pression sur les résultats de la démarche elle-même. Il est plus simple de dire « on verra, on apprend » quand on sait qu’il y aura nécessairement des bénéfices indirects.

• Le concept d’incubateur semble à la mode. On en reparlera certainement à la rentrée avec quelque chose de plus approfondi sur le Village de L’Innovation.

• On voit beaucoup trop de projets d’innovation participative ou d’intrapreneuriat déceptifs en raison d’une problématique d’exécution pour finalement se limiter à de l’incantation et des bonnes intentions. Ici – et même si tout reste à construire – cela a été anticipé. D’abord, justement, par l’intrapreneuriat qui permet la réalisation des idées et la question de la mobilisation des ressources qui est posée dès le début. Dès qu’on parle de participatif on a trop tendance à oublier que la durée d’une journée est limitée et que le manager est comptable de la production de ses équipes par rapport aux ressources dont il dispose.

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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