La révolution digitale va profondément changer nos vie dans les années à venir. La manière dont nous vivons, travaillons. Les changements qu’elle permet et implique sont attendu par les uns, craints par les autres mais on sait qu’on y va tout droit et qu’il nous appartient de trouver notre propre équilibre dans cet environnement nouveau.
Maintenant il ne faut pas avoir la vue courte. Si le digital va nous apporter des choses formidables il aura aussi des conséquences terribles si on ne prend pas les dispositions nécessaires avant, si on ne se prépare pas. Et, pour ce que j’en vois, j’ai l’impression qu’il y a un coté sombre du digital que beaucoup ne veulent ou ne peuvent pas voir. Un coté pas nécessairement sombre par nature mais qui peut le devenir si on laisse les choses venir sans avoir anticipé toutes les implications de la révolution digitale.
Quand je dis que « les humains c’est compliqué alors passons aux données et au robot » on me regarde souvent d’un air interloqué. « Mais non, l’entreprise c’est des Hommes« . Il faut prendre conscience de ce qui va passer et intégrer le fait que la société c’est effectivement des Hommes. L’entreprise….ça le sera de moins en moins. L’enjeu ? Reconstruire une société pour des Hommes sans emploi, ce qui ne veut pas dire sans activité et ne doit pas vouloir dire sans revenu.
Tout cela est fort bien expliqué dans cette vidéo que je vais résumer et commenter ensuite.
Les humains ont toujours réussi à inventer des outils, des machines, des technologies pour s’épargner les tâches laborieuses. Dans tous les métiers les machines ont peu a pris remplacé l’homme pour ce qui est des tâches physiques. Meilleure productivité, possibilité de se spécialiser dans des métiers nouveaux plus riches et valorisants : voici comment le progrès technologique a accompagné celui de la société depuis la nuit des temps.
On s’est ensuite attaché aux tâches intellectuelles laborieuses. Après le muscle physique, les machines ont peu à peu remplacé les humains pour ce qui est du muscle intellectuel. Pas pour des activités de réflexion avancées, non. Mais pour tout ce qui est mécanique, laborieux et demande d’avantage d’énergie que d’intelligence, pour les tâches routinières et répétitives.
Jusqu’à présent les robots étaient dédiés à des tâches spécialisées. Une sorte de « force stupide ». Ils faisaient ce qu’on leur avait appris à faire, inlassablement, mais sans capacité de sortir de leur périmètre. Cette époque est révolue. Aujourd’hui nous disposons de robots capables d’apprendre des humains en observant ce qu’ils font pour, ensuite le répliquer. Ils ne sont pas programmés pour faire quelque chose mais peuvent faire tout ce qu’on leur montrer. Les robots suivent la voie des ordinateurs : auparavant énormes et dédiés à une tâche ils ont envahi nos vies en se miniaturisant et devenant capables d’exécuter n’importe quel type de programme.
Ces robots n’en sont qu’à leur débuts. Encore gauches et lourds ils sont désormais capables de remplacer les humains sur des emplois non qualifiés. On en trouve déjà dans les cuisines des restaurants.
Les robots remplacent déjà les humains sur les emplois non qualifiés et ça va s’accélérer.
Logiquement, imparablement, ces « cerveaux mécaniques » vont faire qu’il y aura de moins en moins de travail pour les humains. Cela peut être un énorme problème si nous ne sommes pas préparés. Et quand je voit le discours de nos politiques – car c’est au niveau de la société que cela se joue – une chose est sure : nous ne sommes pas préparés et nous ne sommes pas prêts de l’être. L’enjeu n’est pas de faire renaitre artificiellement les quelques milliers d’emplois qui n’ont plus aucun sens économique mais de savoir quoi faire des dizaines de millions qui vont disparaitre demain.
Quelques exemples :
• Automobile.
La voiture intelligente qui se conduit seule n’est pas un rêve mais une réalité. Elle existe et elle roule. Ne se pose plus que la question de savoir à quelle vitesse elle va remplacer la voiture traditionnelle. A ce titre le combat des taxis contre les VTC me semble largement dépassé : tous seront au chômage dans 10 ans. Vous avez peur d’une voiture sans chauffeur ? Comme le dit la vidéo, une voiture sans chauffeur n’a pas besoin d’être parfaite, elle doit juste être meilleure que nous. Et ça n’est pas compliqué… 40 000 morts par an aux Etats-Unis, plus de 3000 en France. Une voiture intelligente ne s’endort pas, ne téléphone pas en conduisant, ne se laisse pas distraire par une passante, n’est pas éblouie par le soleil et ne surestime pas son temps de réaction.
Ces véhicules automatiques remplaceront bien sur hommes, chariots etc. dans les entrepôts et dans toutes les activités qui consistent à transporter quelque chose ou quelqu’un d’un point A à un point B.
Rien que dans l’industrie des transports cela fait 70 millions d’emplois au niveau mondial. Et ne croyez pas une seule seconde que quelqu’un les sauvera et les défendra : l’histoire prouve que les travailleurs ont toujours perdu contre la modernisation. L’économie l’emporte toujours. Moins dangereux, moins cher : entreprises et compagnies d’assurances vont adorer.
• Les cols blancs
Les professions dites « intellectuellement supérieures » ne se sont jamais senties concernées par l’automatisation : cela n’impacte que les professions faiblement qualifiées. Eux sont à l’abri. Et bien c’est faux. Vous et moi risquons aussi de nous retrouver à la porte un de ces jours.
Les « robots logiciels » (ou software bots) sont encore plus présents et se développent plus vite que les robots « mécaniques ». Ces robots, nouvelle incarnation de l’intelligence artificielle, n’ont même plus besoins de programmeurs pour leur apprendre à faire quelque chose : ils sont capables d’apprendre par eux-même et entre eux des choses qu’un humain n’aurait pas été capable de leur enseigner.
Cols blancs et professions intellectuelles bientôt remplaçables par des robots
Les bourses sont déjà quasi entièrement opérées par des robots. Des robots qui ont appris eux-même quoi faire, comment le faire et créé leurs propres algorithmes en fonction de leur analyse du fonctionnement du marché. De nombreux articles de presse sont désormais également écrits par des robots. Les robots peuvent écrire sur n’importe quel sujet et même faire vos comptes rendus de réunion ou rapports trimestriels.
• Robots professionnels
Si vous pensez que certaines professions hautement spécialisées sont protégées vous vous trompez également. Meilleur exemple : les avocats dont une grande partie du travail peut être confié à des robots risquent de se retrouver sur le pavé par centaines de milliers. Tout le travail d’analyse, d’évaluation des risques, d’étude d’opportunité de poursuivre ou non, de recherche va leur échapper.
Tout ce qui est recherche documentaire, « discovery » n’est déjà plus du ressort des humains dans de nombreux cabinets. Lire, comprendre et trouver des corrélations parmi des centaines de milliers de documents est une activité où la machine dépassera toujours l’homme. Pas de pause, pas de perte d’attention, pas de fatigue, pas de biais. Le robot n’oubliera jamais la petite ligne en bas de la 500e page d’un dossier.
Le plus célèbre de ces robots professionnels est sans doute IBM Watson. Aujourd’hui Watson (et plus généralement ce qu’on appelle les systèmes cognitifs) ont déjà de multiples utilités. Aider à diagnostiquer les malades du cancer et trouver le bon traitement. Une telle machine peut comprendre les intéractions entre tous les médicaments et leur fonctionnement dans chaque cas particulier. Les humains non. Les humains n’apprennent que de leur propre expérience, des « robots docteurs » de celle de tous les « robots docteurs ». Ils peuvent suivre tout ce qui s’écrit, se dit, de tous les cas de patients traités, de tous les exemples d’interactions médicamenteuses.
Ces robots ne remplaceront pas les docteurs – enfin pas tous – mais seront des assistants précieux. Mais, conséquence logique, on aura besoin de moins de docteurs.
Aujourd’hui Watson est également utilisé en centre d’appels, demain pour aider les dirigeants à prendre des décisions lors de leurs réunions.
Ailleurs, un fonds d’investissement a également « engagé » une machine à son board.
• Les robots créatifs.
Dernière catégorie de professionnels qui se croient intouchables : les créatifs. Les « vrais » créatifs, ce qui vivent de leur talent, seront toujours une part ridiculement petite de la population et ne sont pas concernés. Mais ceux qui ont besoin d’un peu de créativité dans le cadre de leur activité peuvent déjà commencer à s’inquiéter.
Des robots arrivent déjà à composer des mélodies simples de manière à ce qu’un humain ne voit pas la différence avec le fruit du cerveau humain. Watson – encore lui – est, à défaut de cuisiner, capable de créer des recettes très inventives.
Tout cela n’est pas de la science fiction : on parle de choses qui fonctionnent vraiment aujourd’hui mais sans, visiblement, que tout le monde et spécialement le grand public n’en ait conscience. Maintenant projetons à un un horizon de 10, 20 ans et imaginons ou cela peut nous emmener.
Si on est un peu lucide il y a deux manières d’envisager l’avenir.
La première est de faire le même constat que l’auteur de cette vidéo et se dire que demain une grande partie d’entre nous sera inemployable.
La seconde est de prendre le parti d’Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson dans leur livre « Race Againts the Machine ». Des métiers vont disparaitre mais d’autres vont se créer et on retrouvera une croissance de l’emploi durable. Ceci dit cela me semble plus une histoire d’auto-conviction qu’autre chose : nous devons croire car sinon nous nous préparons à des heures très sombres si notre société ne se prépare pas. D’ailleurs McAfee et Brynjolfsson mettent une condition à cette issue bénéfique : il faut que la société et l’entreprise se transforment pour tirer parti de l’innovation sinon la rencontre entre une économie « computerisée » et robotisée bien réelle et un modèle de société et d’entreprise dépassé risque de faire beaucoup de mal.
La robotisation : un enjeu de société davantage qu’économique
Je mettrai simplement un bémol à cette vision idyllique : si de nouveaux métiers se créent liés à la révolution digitale en général et à celle des machines en particulier ils ne concerne qu’une infime portion de la population et ont – à mon avis – vocation à continuer ainsi. Un des fondamentaux de l’économie digitale est la notion de levier : faire levier sur davantage de personnes, de savoirs, de connaissances, de ressources avec moins de ressources. Logiquement cela ne peut pas ne pas pas avoir d’impact sur l’emploi.
Ce qui m’inquiète le plus dans cette affaire n’est pas la direction que l’on prend. C’est inéluctable et les bénéfices pour nous tous seront incommensurables. Maintenant il faut aussi anticiper les points négatifs et quand je regarde du coté de l’Elysée et de Bercy j’ai davantage l’impression que l’on essaie de ressusciter 1970 que de préparer 2030.
Parce que – pour une fois – je ne m’inquiète pas pour l’entreprise. Si la partie collaborative, humaine, la dimension intelligence collective du digital lui ont posé beaucoup de problèmes et de cas de conscience là je suis certain qu’un simple calcul de base du niveau d’un élève de collège leur montrera de manière indiscutable la voie à suivre. Et elles la suivront. Selon Oxford, rien qu’aux Etats- Unis, 47% des emplois sont en danger.
Et vous qu’en pensez vous ? Quoi faire, comment se préparer ? Avant de creuser le sujet dans un prochain billet je serais curieux d’avoir votre avis. C’est un enjeu majeur de la révolution digitale et je suis loin d’être convaincu qu’il ait la place qu’il mérite dans les préoccupations et discussions.
Crédit image : robot revolution via Shutterstock