Et si les réseaux sociaux d’entreprise avaient vocation à devenir gratuits ? Une idée que beaucoup – surtout chez les éditeurs – trouveront saugrenue mais qui m’est venue à l’esprit après quelques réflexions et constats.
Tout d’abord un réseau social d’entreprise n’a qu’une valeur propre faible. Je ne dis pas qu’il n’en a pas mais je dis que sa valeur intrinsèque est largement inférieure à sa valeur extrinsèque. Qu’est ce que cela veut dire ? Que la valeur, justement, se crée à l’intersection des interactions sociales et des activités métier et qu’un réseau social qui n’est qu’une bulle fermée sans connexion avec des outils tiers perd une grande partie de son potentiel. La valeur du réseau social d’entreprise est à sa périphérie. Sans connexion avec les outils tiers on ne fait que du conversationnel et du communautaire. C’est bien mais largement moins puissant, utile, simple et productif que de le faire autour d’un événement, d’un « objet » métier.
Ce qui m’avait justement amené à évoquer la notion de plateforme sociale et non plus de réseau. Pour tirer le meilleur parti de la collaboration sociale il importe d’en déporter les fonctionnalités vers les outils tiers, vers les applications métier, vers les outils spécialisés (gestion documentaire etc…). Cela se fait de deux manières : soit en déportant les fonctionnalités du réseau social ailleurs grâce aux APIs soit en socialisant chaque applicatif pris indépendamment.
La première solution est la plus cohérente et la plus élégante mais demande un travail d’intégration et d’urbanisation de la part de l’entreprise. Elle donne un environnement de travail collaboratif et social cohérent : au final toutes les actions ont lieu dans les outils tiers ou dans le réseau social mais tout est ramené dans le réseau qui en donne une vue globale, exhaustive et permet de s’affranchir des silos constitués par les outils.
La seconde est plus simple : les éditeurs socialisent tous peu à peu leurs applications. C’est « dans la boite », c’est standard mais cela crée autant d’environnements de collaboration qu’il y a d’outils alors qu’une bonne expérience utilisateur et la préservation de la continuité du flux de travail et de l’attention du collaborateur demanderait que tout se passe dans un environnement intégré et cohérent.
Quand on voit la facilité d’adoption d’un outil socialisé vs. un réseau social déconnecté du reste du SI on se demande lequel, du réseau social ou de l’applicatif métier, a le plus besoin de l’autre pour survivre. A l’heure ou tout le SI se socialise, le réseau social d’entreprise a une valeur ajoutée à faire valoir, un critère différenciant : il devient le hub qui permet de tout centraliser dans un environnement unique, indépendamment des silos/outils où se passent les choses.
Le réseau social apporte aux autres outils mais ils peuvent vivre sans lui alors que la réciproque n’est pas vraie. A moins de se contenter d’une machine à café virtuelle bien sur…
Continuons le raisonnement.
Suite aux récents déboires de Jive Software je me suis posé, comme beaucoup, la question suivante : si cet outil, le meilleur pure player du domaine, n’arrive pas à s’en sortir qui le peut ? Alors bien sur il reste des pur players qui s’en sortent mais sur des marchés locaux ou de niche et pas avec la volonté, comme Jive, de continuer la course à l’armement pour devenir une plateforme social de référence. Et les non pur players ? Ils ont assez de produits pour « financer » leur activité réseau social et offrent d’ailleurs parfois ce dernier en complément. Si elle est bénéficiaire, la division réseau social ne doit pas être excessivement rentable pour l’instant. Elle a vocation, surement, à le devenir mais elle a aussi un intérêt : elle donne de la valeur au reste de la gamme qu’elle accompagne, enrichit les autres produits. Donc à la question « qui gagne vraiment beaucoup d’argent avec du réseau social d’entreprise » la réponse de tous les observateurs interrogés a été « personne ou pas grand monde. Avec le reste de la gamme par contre….« . En somme plus on a de produits plus le social rapporte, mais être mono-produit dans le réseau social c’est compliqué.
D’où une supposition, tirée par les cheveux ou pas. Si la plateforme sociale devient le système d’exploitation du collaboratif en entreprise et sert à faire tourner le collaboratif dans tous les applicatifs et mettre tout cela en cohérence, quel est son business model ? Ne va-t-il pas tendre vers la gratuité dans la mesure où il permet de faire ensuite des résultats confortables sur d’autres produits et les services d’intégration ? N’oublions pas que nombre d’éditeurs ont connu le succès en offrant du logiciel (ou en le faisant payer une misère) pour ensuite s’en servir pour imposer le reste de leurs produits ainsi que leurs services.
D’ailleurs si de plus en plus mettent leur réseau social en « bundle », en « cadeau bonus » d’autres solutions c’est peut être parce que, par contrainte ou par vision, c’est le modèle qui s’impose à eux.
Je vais peut être un peu vite en besogne mais le business model du réseau social d’entreprise me semble voué à évoluer dans un avenir proche.
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