Une citation et un principe qu’on aime citer mais sur laquelle tout le monde s’assied généreusement. Elle ne nous dit ni plus ni moins qu’à l’exception d’un seul cas d’irrationalité largement partagé fondé sur des convictions personnelles, on ne doit rien croire qui ne soit appuyé et prouvé par des données, des faits. Exactement l’inverse de ce qui se passe en entreprise.
Si vous pensiez que tous les outils, méthodologies, indicateurs, tableaux de bords et autres KPIs assurent que l’entreprise ne prenne que des décisions rationnelles vous vous trompez à un point que ne vous ne pouvez même pas imaginer. Et certaines tendances de fonds risquent de profondément chambouler un grand nombre de certitudes et habitudes managériales.
Par exemple, en dépit des nombreux tests et méthodologies de recrutement mis en œuvre pour s’assurer que c’est bien le « bon » candidat qui sera choisit, entre 85% et 97% des recrutements sont effectués sur la seule base de l’intuition. Tout un process optimisé et parfaitement huilé réduit à néant lors de l’ultime phase de décision. De manière générale, pour reprendre les termes d’Andrew McAfee, le modèle prédominant de prise de décision est le « HiPPO » pour Highest Paid Person Opinion, autrement dit c’est l’opinion de la personne la mieux payée autour de la table qui l’emporte. Ou, pour reprendre également une expression connue : « Puisque que nous n’avons pas de chiffres, autant suivre mon opinion ».
La plupart des décisions sont prises de manière irrationnelle
Pas de données. Données non pertinentes. C’était peut être le cas jusqu’à présent mais les choses changent. Aujourd’hui on a quasiment toutes les données imaginables et la possibilité de les traiter de manière adéquate, descriptive, prédictive ou prescriptive pourvu qu’on sache ce qu’on cherche. Les données vont l’emporter sur l’HiPPO et si, sur le papier, tout le monde ne peut que s’en réjouir, les choses risquent d’être plus traumatisantes dans les faits.
On avait déjà vu le même phénomène poindre dans les entreprises où les réseaux sociaux avaient permis l’éclosion de vraies dynamiques autour des communautés de pratiques ou la mobilisation d’experts de manière adhoc pour résoudre un problème précis. Dans les premiers temps celui qui impose son opinion est la « highest paid person », le chef. Et au fur et à mesure que la dynamique s’installe, que les pratiques changent, on a vu la prise de pouvoir de l’expert. A un moment donné, où qu’il soit dans l’échelle de l’entreprise, c’est lui qu’on écoute. Une situation pas nécessairement facile pour celui qui avait l’habitude d’imposer sa vision parce qu’il était le chef et qui se voyait répondre tout d’un coup « attend, il faut l’avis d’untel », « silence…untel va parler ».
Avec la montée en puissance du big data dans le décisionnel on va passer à l’étape suivante. L’intuition du chef – ou de quiconque – ne tiendra plus face à une analyse prédictive de qualité. Un des nombreux aléas de l’évolution des rôles de leader ou de manager.
La fin de la présomption d’infaillibilité du chef
Aujourd’hui et encore plus demain il ne sera plus possible d’être manager pour les mêmes raisons qu’on l’a été par le passé. Pendant des années le manager a été celui qui avait la réponse et, quand il ne l’avait pas, qui avait l’intuition nécessaire. A tel point que l’essentiel de ses décisions étaient – consciemment ou non – biaisées par son intuition. Demain il sera celui qui saura trouver les réponses chez les autres ou dans les données même si elles vont contre son intuition et ses certitudes.
Nous rentrons simplement dans un monde ou le rang, le statut, ne vaut plus présomption de justesse. Qu’il s’agisse de problèmes d’égo ou de la capacité à faire confiance à une machine contre sa propre intuition, la dimension humaine du changement du aux données est tout sauf à négliger.