Qu’est ce que l’expérience ? (et ça n’est ni digital ni orienté client)

En matière de digital l’expérience est un concept central, mais finalement encore mal défini qui reste nébuleux pour beaucoup de monde. Suite à mon billet précédent, et avant d’aller plus loin dans l’exploration du sujet j’aimerai qu’on se pose un peu la question de savoir ce qu’est l’expérience.

L’expérience ne se réduit ni au client ni au digital

Avant toute chose vous avez remarqué que contrairement aux tendances actuelles je n’ai pas parlé d’expérience client ni d’expérience digitale. Cela pour une bonne raison : je ne pense pas qu’on puisse réussir dans l’économie de l’expérience (car c’est l’expérience en tant que moteur d’un modèle économique qui nous intéresse ici) en se focalisant sur l’expérience client ou sur l’expérience digitale.

J’en veux pour preuve cette excellente tribune de Manuel Diaz où il nous disait que l’expérience se concevait sur 5 axes. Les clients (ils sont l’objectif de l’entreprise), les partenaires (indispensables dans une économie qui va créer de plus en plus de valeur en réseau), les collaborateurs (en vertu de la symétrie des attention, le facteur limitant de l’expérience client est l’expérience employé), le cycle de vie (l’expérience n’est pas une one-shot mais une histoire vécue et co-construite dans la durée) et l’articulation entre le digital et le physique.

Parlons justement de ce dernier point. L’articulation digital/physique. Le problème de l’expérience aujourd’hui n’est bizarrement pas le digital, beaucoup y ont investi alors même qu’elles se soucient peu de l’expérience « physique ». Le problème est la cohérence entre les deux : une expérience digitale hors norme doublée d’une expérience catastrophique en magasin est une catastrophe au niveau du ressenti. A la limite mieux vaut être « juste bon » dans chaque qu’exceptionnel dans l’un et catastrophique dans l’autre. Le fossé se sentira moins. Et si on part du principe que l’expérience employé compte on doit en tirer les conséquences : si on peut avoir une relation 100% digitale avec ses clients, ça n’est pas le cas avec ses collaborateurs. La « workplace experience », pour ne citer qu’elle, ne peut être laissée de coté.

Venons en donc à la notion d’expérience et sa définition. Si je m’intéresse à cela avant de décliner le sujet c’est pour une bonne raison. Tout d’abord parce qu’on trouve peu de choses sur la notion d’expérience en tant que telle. Beaucoup de choses sur l’expérience client mais rien sur l’expérience en général alors qu’il serait utile d’avoir des lignes directrices à décliner tant coté client qu’employé que partenaires. Ensuite parce que rien de ce que j’ai pu lire ne m’a totalement convaincu.

A défaut de définition générique, allons voir ce que est dit dans l’excellent « Outside In« , livre de chevet indispensable de quiconque voudrait mettre l’expérience client au cœur de son modèle économique.

L’expérience est une question de perception et d’interactions.

« L’expérience client est la manière dont vos clients perçoivent leurs interactions avec votre entreprise »

[Customer expérience is howyour customers percevie their interactions with your company] nous dit on. D’accord cette définition est orientée client mais on peut en retirer certaines choses pas inintéressante.

• C’est une question de perception. Un point qu’il ne faut pas négliger. Beaucoup d’entreprises font bien mais n’en retirent aucun bénéfice car le client ne le perçoit pas. Si l’expérience demande un savoir faire elle requiert également un faire-savoir ou un faire ressentir. Quitte à rendre inconfortables les plus rationnels d’entre nous : le client ne valorise pas ce que vous faites mais ce qu’il perçoit de ce que vous faites, ce qui peut amener à certaines surprises, bonnes ou mauvaises.

• On parle d’interactions. De toutes les interactions. Peu importe le canal, la personne, le motif. D’où un besoin de cohérence globale entre les canaux, les services, les fonctions etc.

Plus important, « outside in » nous dit ce que l’expérience n’est pas.

Ca n’est pas une question de posture et de bons sentiments. Il ne s’agit pas de paraitre, d’être « gentil et agréable » mais d’agir. Conséquence : des process certainement revisités, une nouvelle manière de travailler dans certains cas.

Ca n’est pas non plus une question de service client. Recourir au service client signifie qu’il y a un problème alors qu’une bonne expérience signifie qu’il n’y a pas de problèmes. Je mettrai un bémol sur ce point : le zéro défaut n’existe pas donc le service client fait partie d’une bonne expérience. Par contre tout doit être fait pour éviter d’arriver à ce stade. Je reformulerai en disant que « ça n’est pas qu’une question de service client ». Par ailleurs j’ai souvent entendu qu’un client qui avait eu un problème qui avait été résolu est souvent plus satisfait qu’un client qui n’a pas eu de problème et n’a pu voir comment on s’occupait de lui. J’y souscrit pour partie : quand tout est lisse, parfait, on a paradoxalement moins l’occasion de percevoir ou ressentir quoi que ce soit. Le problème de la perfection c’est qu’elle ne se remarque pas.

Il n’y a pas d’expérience sans promesse

Regardons également ce que nous dit wikipedia

D’un point de vue très théorique, une expérience est un engagement dans une situation de mise à l’épreuve d’un élément d’ordre spéculatif, souvent appelé hypothèse lorsqu’il s’inscrit dans un système logique.

Une définition indigeste qui s’applique à la notion d’expérience en général et donc va au delà de notre sujet ici. Pour autant j’en retire la notion de mise à l’épreuve. On ne juge ni ne valorise une expérience en elle-même mais en fonction d’une attente, laquelle attente vient d’une promesse. Promesse de marque, promesse de marque employeur etc. Une expérience doit être unique et différenciante car elle dépend de l’ADN, de la culture, de la mission de l’entreprise. Deux concurrents directs n’auront souvent pas intérêt à proposer la même expérience pour ces raisons.

En mettant tout cela bout à bout on pourrait dire que :

« L’expérience est le processus au travers duquel l’entreprise crée de la valeur au travers de ses interactions avec ses clients, employés et partenaires. Liée à la manière dont l’entreprise exprime sa mission et à sa culture elle est unique et différenciante. Sa valorisation ne dépend pas de ce qui est mis en œuvre mais de la manière dont les intéressés perçoivent ce qui est mis en œuvre ».

Tout cela est très bien mais pour avancer il faut des axes permettant de piloter et mesurer les choses. Autrement dit, quelles sont dimensions constitutives d’une expérience réussie.

Ce sera l’objet d’un futur billet.

Crédit Image : Experience via Shutterstock

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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