Qui doit s’occuper de la transformation digitale ? Il n’y a pas de modèle magique qui ait fait ses preuve de manière universelle mais on commence tout de même à voir se dégager quelques principes de bon sens auxquels on ne peut déroger.
En premier lieu, la transformation digitale ne doit pas être la propriété de quelqu’un, d’un département en particulier. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir un leader, Chief Digital Officer ou autre, en charge de la vision globale et de la coordination, mais c’est un processus qui doit impliquer toute l’entreprise des fonctions centrales aux métiers. Un leader oui, un propriétaire sans partage non.
Le leadership du marketing et de la DSI sur la transformation digitale est une norme de fait
En second lieu, qui est ce leader. On peut émettre une foule de propositions mais les chiffres parlent d’eux-même. Peu importe l’étude à laquelle on se réfère, les résultats sont les mêmes partout. La transformation digitale est quasi systématiquement du ressort de la direction marketing, de la DSI ou d’un Chief Digital Officer, voire d’un Chief Transformation officer, qui dans de nombreux cas vient soit….du marketing ou de la DSI.
Plus intéressante encore, les logiques d’alliance. On voit bien que les entreprises sont non seulement conscientes qu’il s’agit d’un sujet qui concerne tout le monde mais plus encore, qu’il est utile de partager également le leadership. On implique tout le monde mais si tout le monde ne répond pas on veut au moins un attelage capable de mener le changement au sommet. Un attelage légitime et à même d’actionner le plus grand nombre de leviers possible même en cas d’inertie ou d’attentisme des autres. Et, sans surprise, l’attelage leader est le plus souvent le duo marketing/DSI.
Cela s’explique très simplement. Comme j’ai pu le dire à de nombreuses reprises, le marketing est le propriétaire du client – et donc du revenu – tandis le que DSI est le propriétaire des moyens digitaux. Ajoutons à cela, comme le faisait remarquer Fréderic Charles dans son interview ici même, que ces deux fonctions ont été créés dans un contexte et pour des besoins qui n’existent plus aujourd’hui et sont une quasi anomalie dans l’organigramme de l’entreprise. Ils sont donc concernés au premier chef par la nécessaire recomposition du paysage de l’entreprise et voient dans le digital une manière logique, évidente, pertinente, de mener à bien leur repositionnement.
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— Forrester (@forrester) January 11, 2015
Le duo marketing-DSI a un « trou dans la raquette »
Une solution évidente mais qui n’est pas pour autant satisfaisante. Même si toute analyse est à prendre avec des pincettes car chaque entreprise a son histoire, sa culture, avec des métiers qui ont des rôles et des poids historiques variables en raison du secteur d’activité ou des personnes qui ont occupé ou occupent les postes de direction, on peut sans grand risque de se tromper avancer que le duo marketing-DSI a comme « un trou dans la raquette ». Il manque une variable à l’équation digitale.
Ca n’est une nouveauté pour personne : la technologie n’est pas aujourd’hui le facteur bloquant de la transformation digitale. Peu d’entreprises sont en fait capables d’en tirer le meilleur. On parle de changement de « mindset », d’exécution de son métier, de leadership, de rapports à l’autre, de rapport au changement. C’est une question de culture et de compétences autant que de technologie et le principal frein à la mise en œuvre efficace, productive et réussie des technologies digitales « modernes » se situe au niveau de l’interface entre la chaise et le clavier. Au niveau du collaborateur.
Du coté marketing, puisque l’objectif n’est autre que concevoir et délivrer de nouvelles expériences, on a beaucoup de similarités avec une discipline plus ancienne et connue – quoique pas nécessairement maitrisée – qui est le management et surtout le marketing des services. Là encore les grands principes et la technologie qui les supporte ne sont d’aucune aide si on n’a pas le bon « mindset » qui permet de penser le marketing en général et l’expérience en particulier autrement. Un saut de compétences nécessaire qui n’est par définition du ressort d’aucune des deux fonctions dont nous avons parlé jusqu’à présent. Ajoutons à cela un élément fondateur du marketing des services : la symétrie des attentions qui veut que la qualité de la relation entre l’entreprise et le client soit au mieux égale à la qualité de la relation entre l’entreprise et ses collaborateurs.
Le DRH doit il être le nouveau DSI ?
Frédéric Cavazza l’avait dit dans ses prédictions pour 2015 : le DRH est le nouveau DSI. Dans la lignée de ce je disais l’an dernier sur la notion de « service employé » puis plus récemment d’expérience employé le DRH apparait souvent comme le chainon manquant de la transformation digitale des organisations. Même si on peut craindre qu’ils laissent une fois de plus passer le train, les opportunités pour eux en la matière (lire ici et là) ne manquent pas et elles sont bel et bien légitimes. Après tout, tout le monde n’a-t-il pas applaudi lorsque Vineet Nayar a transformé HCL en proclamant « les employés d’abord, les clients ensuite« .
Si le marketing donne du sens et tire l’entreprise dans l’économie digitale ce sont les collaborateurs qui la propulseront au moins autant que la technologie et sont, avant elle, le facteur limitant de la transformation digitale. Cela changera peut être, voire surement, une fois que le digital sera pleinement intégré à la culture des entreprises, des collaborateurs, des managers, mais pour l’instant les moyens digitaux, mais aujourd’hui où tout reste encore à construire, les moyens digitaux sont essentiellement humains. Sans eux rien n’arrivera. Il n’y aura pas d’expérience client sans expérience employé.
Si RH et marketing sont habitués à travailler avec l’informatique – comme prestataire à défaut d’être encore souvent de vrais partenaires – les attelages marketing-DRH sont plus rares, pour ne pas dire inexistants alors qu’ils ont on ne peut plus de sens. Chacun tient un une partie de l’expérience client et s’ils n’arrivent pas à agir de manière concertée et cohérente c’est toute la proposition de valeur de l’entreprise qui s’en trouvera affectée. La réussite du projet marketing qui tire la transformation digitale tiendra davantage à des facteurs humains que technologiques.
Les DRH propriétaire de la marque et de l’expérience client.
Sur le sujet je vous incite fortement à lire ce billet de Benoit Meyronin sur l’orientation client comme futur de la fonction RH qui m’incite à aller plus loin. Si votre marque et votre service sont logiquement incarnés par vos collaborateurs ont peut même aller jusqu’à promettre au DRH un futur radieux dans la fonction marketing, dans la relation client, à condition qu’il prenne la mesure de l’enjeu et de son propre potentiel. L’article nous cite en effet deux cas (Toyota Belgique et MediaMrkt) d’entreprises ayant transformé leur DRH en directeur de l’expérience client.
Acteur légitime des transformations, propriétaire de l’expérience employé et de nombreux process support, garant de l’alignement entre le projet d’entreprise, les talents et la culture d’entreprise, elle même métier de service au service du collaborateur et de l’entreprise, la fonction RH est légitime à collaborer avec le marketing et prendre le leadership de la transformation digitale.
Si l’on regarde les choses avec un œil nouveau on peut donc prétendre que le DRH est le premier acteur de la relation client ! Si le marketing décide in fine de ce qui est fait, il le fait en effet – souvent inconsciemment – sous contrainte des talents et de la culture d’entreprise.
Les entreprises souffrent de leurs silos et le plus handicapant d’entre eux est celui qui existe entre la gestion du client et celui du collaborateur. Certainement un des premiers à abattre si l’on entend réellement adapter une entreprise aux enjeux de l’ère digitale.
Marketing et RH le mariage gagnant de la transformation digitale ? En termes de création de valeur je suis convaincu que l’expérience gagnerait à être tentée.
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