Si l’internet des objets est annoncé comme la future grande révolution, il semble que comme souvent on doive s’attendre à faire face à un certain décalage temporel entre l’invasion annoncée et le succès réel. D’ailleurs les prévisions d’investissement IT le prouvent : tout le monde y réfléchit mais on n’en est pas encore à la phase ou le porte monnaie s’ouvre largement du coté des entreprises.
Il y a en effet nombre de choses à prendre en compte et, au moment de l’ouverture du robinet à données, mieux vaut avoir bien pensé ses impacts en termes de collecte et de stockage.
Prix des objets connectés et vie privée préoccupent les consommateurs
Coté consommateur, mis à part l’emballement logique des geeks de tout poil, il faut s’attendre à ce que Madame Michu soit beaucoup plus circonspect. Bien sur, elle est conquise par le potentiel de la chose dans sa vie quotidienne, tellement il lui semble que cela va simplifier les choses. Mais deux choses l’inquiètent.
Tout d’abord le prix. Un objet connecté oui mais un objet connecté abordable. Car si les Google Glass n’avaient vocation à ne toucher dans un premier temps qu’un public d’amateurs éclairés, triés sur le volet et au pouvoir d’achat certain, l’objet connecté grand public a vocation, à être…grand public. A la fois par ses usages et son prix. Alors bien sur avec le temps les prix vont s’effondrer mais il ne faut pas que la marche soit trop haute lors du lancement non plus.
Ensuite le respect de la vie privée. Même si elle ne comprend pas tout ce qui se dit sur le sujet ni comment ça fonctionne, elle sait au moins une chose : on va récupérer et traiter ses données personnelles. Consommation d’eau, habitudes quotidiennes, repas, poids, tension etc. Bien sur c’est pour l’aider mais quand même : elle voudrait savoir qui va y avoir accès, pourquoi et si le carrosse promis dans un premier temps ne risque pas de se transformer en citrouille. Autrement dit que la machine à services et à conseil ne devienne une machine à injonction, à contrainte voire à punition. Sans parler de la dimension monétisation.
Le service connecté avant l’objet connecté
En fait qu’on se place coté fournisseur ou client tout cela se résume simplement : personne n’achète ni n’achètera d »objet connecté mais des services connectés.
La valeur de l’objet n’est pas dans sa capacité à être connecté mais dans la valeur de la connexion. Pouvoir piloter un objet à distance c’est gentil, le voir envoyer des informations sur une application c’est bien, le voir renvoyer des conseils à valeur ajoutée issus du croisement des données des uns et des autres c’est beaucoup mieux et le voir prendre des actions préventives ou correctives en toute autonomie c’est encore mieux.
C’est le service et, bien sur, l’expérience qu’il permet qui décidera Madame Michu à payer plus cher son pèse personne et son frigo car sa logique sera simple : est-ce que le supplément, l’expérience en vaut la chandelle ?
Même logique du coté des fournisseurs et des grandes entreprises clientes qui n’ont pas pour préoccupation majeure la manière de connecter un objet mais son business model pour les uns et son ROI pour les autres.
On n’arrivera à rien en partant de l’objet (la technologie qui recherche un problème on connait depuis des lustres et ça ne fonctionne pas) mais au contraire en partant d’un problème :
– quel problème veut on résoudre
– de quelles données a-t-on besoin pour le résoudre
– quels sont les objets à même de fournir ces données voire, le cas échéant, d’exécuter les actions nécessaires
– comment créer l’écosystème de service entre ces objets pour fournir le service.
– comment monétiser le tout (on peut monétiser l’objet et pas le service, le service en bradant l’objet voire trouver un mix entre les deux).
Ce qui nous ramène peu ou prou à de l' »experience design ».
Alors bien sur cela semblera évident à la plupart d’entre vous. Mais j’en vois tellement réfléchir au produit d’abord et ensuite, éventuellement, essayer de lui trouver un service que je me suis dit que cela valait la peine de l’écrire.
Crédit Image : Internet of Things by Scott Bedford via Shutterstock