Se faire uberiser : qu’est ce que cela veut dire ?

C’est le grand terme à la mode grâce à Maurice Levy : se faire uberiser. Depuis que le PDG de Publicis a utilisé ce terme devant des journalistes il ne se passe pas une semaine sans  que le terme ne soit repris dans une publication.

Mais qu’est-ce que « se faire ubériser » signifie vraiment ? Quelques mythes et réalités de l’ubérisation passés en revue.

1°) Un nouvel entrant arrive sur votre marché : vrai

Jusqu’à présent tous les cas d’ubérisation sont le fait d’un nouvel entrant. Mais est-ce une condition sine qua non ? Je ne le pense pas. La nature a horreur du vide et face à l’inertie des acteurs du marché ce vide est nécessairement rempli par un acteur nouveau. Mais on peut également imaginer qu’un jour un dirigeant visionnaire décide de s’ubériser lui-même. Peut, être existe-t-il d’ailleurs des cas d’ubérisation qui ne sont pas remarqués car étant le fait d’un acteur existant. Peut être certains marchés ne s’ubériseront ils pas car la barrière à l’entrée est élevée et qu’entre temps les acteurs existants auront le temps de comprendre comment évoluer, coupant l’herbe sous le pied des nouveaux entrants.

Bref, on ne se fait ubériser que parce qu’on ne s’est pas ubérisé soi-même.

 

2°) Le nouvel entrant est un pure player techno : vrai

N’oublions pas que les entreprises dont nous parlons ne sont que des plateformes d’intermédiation. Uber n’est pas une entreprise de VTC et AirBnb n’est pas une chaîne d’hôtels. Ils ont simplement appliqué un modèle à deux cibles différentes.
D’ailleurs le rapport annuel PWC sur les priorités des dirigeants le montre bien : ces derniers s’attendent à ce que leurs nouveaux concurrents viennent d’autres secteurs et, dans la plupart des cas, ils s’attendent à ce qu’il vienne du secteur des technologies.
3°) Le nouvel entrant pense transverse et se positionne comme intégrateur de services : vrai
C’est l’intégration de services différents qui crée de l’expérience et il est plus simple pour ceux qui ont une culture de l’expérience de passer d’un secteur d’activité à un autre.
4°) Le nouvel entrant mise tout sur la multitude et les effets d’échelle : vrai
Le digital apporte deux choses au monde que nous connaissions avant : la vitesse et l’échelle. Tout va plus vite – voire devient instantané – et le nombre de personnes que l’on touche (ou qui nous touchent ou qui sont capables de se coaliser) est potentiellement illimité. Nous parlons ici d' »Hyperscale Businesses » qui ont un effet de levier opérationnel (operating leverage) immense.
A l’inverse, un des enjeux des  « anciennes entreprises » est justement de se doter de cette capacité d’opérer à grande vitesse et à grande échelle. Un sujet que John Chambers martelait déjà en 2009 quand il parlait de la transformation interne de CISCO.
5°) Le nouvel entrant désintermédie le marché : faux
Contrairement aux idées reçues les marchés ne sont pas désintermédiés. Les nouveaux entrants remplacent le plus souvent des intermédiaires existants grâce à leur capacité à opérer globalement et donc atteindre une taille critique. Ce qui n’empêche pas qu’ils se positionnent parfois ailleurs dans la chaine de valeur, soit plus haut, soit plus bas.
6°) Le nouvel entrant fait tomber les monopoles : faux
Il remplace des monopoles existants par un monopole nouveau. Il crée d’ailleurs, grâce à sa capacité à opérer globalement, des monopoles plus globaux et…monopolistiques. Jusqu’à présent les taxis étaient des monopoles locaux, demain uber peut devenir un monopole global.
Une dimension très bien expliquée par Olivier Ezratty : à la différence des startups des années 90-2000, celles de 2015 sont saturées en cash. La raison : la volonté de créer un monopole dès le début de l’activité de l’entreprise. Si le marché est viable à terme alors elle y sera quasiment seule, et seule globale dominante.
7°) Le nouvel entrant « commoditise » le travail : vrai
Nous avons affaire à des plateformes d’intermédiation à gros effet de levier donc à coût marginal quasi nul. Le seul moyen d’y parvenir est de variabiliser le travail pour le sortir des coûts fixes. Le travail devient donc « contingent », « à la demande » : le lien salarial disparait bien évidemment et on n’est payé à la tâche que lorsqu’on a quelque chose à faire. Enfin, lorsque c’est nécessaire. Le modèle économique de ces entreprises, poussé à son paroxysme amène à supprimer autant que faire se peut la variable travail de l’équation économique.
8°) Le nouvel entrant n’a pas d’actif tangible : vrai
Uber ne possède pas de voitures, AirBnb pas de chambres, maisons ou hôtel. Leurs actifs sont leurs algorithmes, leurs données, leurs clients, leur plateforme et leur expérience.
Alors on peut légitimement se demander à quoi ressemblera l’étape suivante. La vraie désintermédiation au travers des plateformes coopératives ?

Crédit photo : ChameleonsEye / Shutterstock.com

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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