A l’occasion de l’événement Vivatech qui s’est tenu du 30 juin au 2 juillet derniers à Paris et à réuni 5000 startups, des grands groupes, des investisseurs, 500 intervenants, 45 000 visiteurs j’ai pu passer un certain temps sur le stand d’AXA, une des entreprises françaises les plus volontaristes en matière de transformation digitale pu y rencontrer certaines des personnes qui portent le digital dans l’entreprise.
Le passage à l’ère digitale est crucial pour les DSI. Non seulement elles se doivent d’apporter des solutions nouvelles au métier mais en plus de le faire avec dans un timing et avec une agilité auxquelles elles ne sont pas habituées. Passer d’une culture de projets industriels longs et structurants à des logiques d’agilité, de droit à l’erreur et de collaboration avec les métiers est essentiel à la fois pour le futur de l’entreprise que pour celui de la fonction informatique en son sein. C’est ce dont j’ai parlé avec David Guillot de Suduiraut, DSI d’AXA France.
Bertrand Duperrin : Bonjour David. Quel est votre vision du rôle de DSI aujourd’hui ?
David Guillot de Suduiraut : D’abord il faut savoir une chose : je ne viens pas de la fonction IT mais du business, j’ai dirigé la région Sud Ouest pour AXA. Devenir DSI quand on a été en face du client cela change tout.
je n’ai donc pas de point de départ technologique dans mes projets mais une orientation client. Que recherche le client, quelles sont ses difficulté, qu’est ce qui a du sens pour lui.
Le sujet aujourd’hui pour une entreprise c’est « comment en tant qu’entreprise gagner la confiance du client ? ». Tout doit y concourir, l’IT aussi.
BD : La transformation de l’IT accompagne donc une nouvelle vision du métier…
DGdS : Aujourd’hui un assureur paie les factures en cas de sinistre. Demain on doit davantage accompagner en cas de coup dur, faire du « care ». Et en tant que DSI je dois faire du « care » pour le business.
BD : Et comment cela se traduit-il ?
DGdS : Déjà quelques chiffres pour se donner un ordre de grandeur. L’IT d’AXA France c’est 500 personnes pour 450 M€ de budget.
L’idée est de la rendre plus ramassée et agile. Ne plus être un paquebot de 500 personnes mais une trentaine d’unités très agiles qui fonctionnent comme et avec des startups.
Nous avons créé des « Feature teams ». On part de l’expérience client et on découpe en éléments de notre chaine de valeur. Chaque étape représente un process qui représente une expérience qui représente une « Feature Team ».
BD : Cela induit un nouveau fonctionnement par rapport à ce que vous connaissiez ?
DGdS : Bien sur car on a le fonctionnel, le développement et le test au sein d’une seule équipe, un peu comme le fait un Spotify. Et en plus on y ajoute le client, le métier. Il est essentiel d’avoir le métier dans ces équipes car son rôle est de prioriser par la valeur.
BD : Et quid des agents qui ont à la fois un rôle essentiel et un statut particulier dans votre modèle de distribution ?
DGdS : Nous croyons dur comme fer au mix entre physique et digital. Le sens de nos projets est de faire en sorte que l’expérience client soit sans coutures.
Par exemple les conseillers ont Salesforce, les fiches sortent avec des éléments de contexte. Bientôt les agents auront accès à la même fiche mais avec des éléments de contexte différents car l’utilité n’est pas la même, mais on aura réconcilié l’identité du client dans une base unique. Pour un client il n’est pas admissible que chaque interlocuteur n’ait pas le même niveau d’information sur lui.
BD : Le partage de la data est un élément clé de la transformation digitale de l’entreprise mais ça n’est pas dans la culture des entreprises. Vers l’externe mais déjà surtout en interne.
DGdS : On a une politique de protection de la data client très forte. Donc pas question de la partager vers l’extérieur.
A l’interne l’objectif est de construire un master data mart (MDM) pour avoir une vision unique du client.
Mais le plus important pour nous aujourd’hui c’est de sortir du Cycle en V. Le client veut tout tout de suite et ça n’est pas dans l’ADN de l’assurance.
Nous faisons aussi face à des changements réglementaires. Tout cela mis ensemble fait que nous devons nous adapter. Si on ne s’adapte pas cela peut faire très mal mais si par contre on s’adapte et qu’on s’occupe bien du client en même temps cela fera la différence.
Il n’y a qu’une manière d’y parvenir : bien utiliser la technologie et être plus agiles.
Car derrière tout cela il une ambition : se doter des capacités qui nous aideront à être l’Uber de notre marché.
BD : Quand on connait l’informatique du secteur banque/assurance on se dit que tout ne peut quand même pas fonctionner sur ce modèle non ?
DGdS : Effectivement on doit en permanence jongler avec ça et le legacy.
BD : Ca n’est pas dangereux ? Combien de temps ce jonglage va-t-il durer ?
DGdS : Il n’y a pas de problème par rapport à ça, le jonglage peut durer longtemps. On a appris à faire et ça n’est pas un problème. C’est même une donnée, un invariant de notre secteur, il faut savoir faire les deux en même temps.
On arrive à faire travailler les gens du mainframe avec des développeurs « modernes ». C’est un des éléments du succès.
BD : Merci David.
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