Le télétravail est un sujet d’actualité dans de plus en plus en plus d’entreprises. Au départ popularisé par des entreprises jeunes dans leur âge et leurs pratiques managériale, il a touché au fil des années tous les secteurs d’activité, peu importe la taille de l’organisation. Aujourd’hui il y a les entreprises qui y sont déjà passées, avec des modalités de mise en place assez variées, celles qui expérimentent, celles qui y réfléchissent mais le sujet est là et la liste des bénéfices, attendus et constatés, connue, tout autant que la liste des points de vigilance.
La vague du télétravail se retire par où elle est arrivée
Pour autant et de manière assez surprenante, on voit des entreprises qui avaient adopté le modèle avec succès et étaient même citées en exemple faire machine arrière et demander à leurs collaborateurs de revenir au bureau. Et aussi bizarrement que cela puisse paraitre, ce sont le plus souvent des entreprises du secteur technologique, secteur qui a été le premier à pousser au télétravail, qui ont enclenché le mouvement. Ainsi Yahoo, IBM, Reddit, Best Buy, Honeywell, ont dit stop après des années de pratique. Si Facebook continue à l’autoriser, l’entreprise donne une prime à ses collaborateurs qui viennent habiter près du bureau. Quant à Google, au niveau des conditions de travail, tout est fait pour que le collaborateur ait envie d’aller au bureau.
S’agit il d’un épiphénomène ou d’une tendance de fond ?
Avant d’aller plus loin il convient de faire une précision. Il y a une différence fondamentale entre le collaborateurs qui travaille à distance deux jours par semaine et vient au bureau le reste du temps et celui qui vit à des centaines ou des milliers de kilomètres des gens avec qui il travaille et ne les rencontrent que très rarement. Toutes les politiques de télétravail ne s’apprécient donc pas de la même manière.
Ensuite si l’on regarde les entreprises concernées, pour les cas les plus notables qui sont ceux de Yahoo et IBM le contexte de l’entreprise peut expliquer des choses. On a affaire à deux entreprises en transformation profonde, que l’on parle de business ou d’organisation et on peut penser que, pour opérer ces mouvements, elles ont jugé indispensable de ramener les collaborateurs ensemble afin d’insuffler des dynamiques nouvelles.
Toutes les activités ne sont pas égales devant le travail à distance
Un fait est certain, si le travail à distance fonctionne (et on en a la preuve) il ne me semble pas aussi adapté à certaines tâches qu’à d’autres (tout cela dépendant aussi de la culture et de la maturité managériale de l’entreprise par rapport au sujet). Mais pour une entreprise « moyenne » :
- Il est facile pour n’importe qui d’exécuter des tâches en solo à distance, quand on est sur un mode de « delivery » très individuel.
- Il est un peu moins facile de se coordonner à distance (intéragir pour coordonner la production individuelle de chacun) mais on y arrive de mieux en mieux.
- la collaboration à distance n’est pas un sujet simple. Ici on ne parle plus de coordination mais de travail simultané et conjoint de plusieurs personnes sur un livrable unique.
- Il est compliqué d’être collaborativement créatif à distance.
- Il est très compliqué de conduire une transformation organisationnelle sur des populations distantes (encore plus compliqué que sur les populations physiquement présentes, cela s’entend)
Or le fait est qu’on demande de plus en plus aux équipes d’être créatives et innovantes d’une part, et de plus en plus d’entreprises font face à des enjeux de transformation culturelle dont il semble qu’elle se conduise et se diffuse mieux quand les gens sont en contact physique.
Le management agile va-t-il renforcer la culture du présentiel ?
Autre facteur soulevé par cet article : ce serait l’adoption chez IBM du management agile qui aurait déclenché le rapatriement des collaborateurs dans les bureaux au motif qu’il nécessite des intéractions fréquentes et en présentielles. Un argument qui pourrait bien sonner le glas du télétravail dans la mesure où l’agilité se répand comme une trainée de poudre dans les entreprises.
Mais un argument qui surprend quand même. L’agilité fonctionne dans nombre d’entreprises depuis des années et avec des personnes à distance sans ce que cela impacte le bon fonctionnement des équipes. On a aujourd’hui tous les outils de communication nécessaires pour interagir dans une logique agile à distance (surtout quand on s’appelle IBM) et je n’ai jamais vu personne se plaindre d’un tel fonctionnement. Ou alors IBM a des indicateurs montrant un gain de performance significatif lorsque l’agile est présentiel mais à ce moment d’autres entreprises qui ont adopté ce mode de fonctionnement avant Big Blue et on plus de recul devraient arriver aux mêmes conclusions.
Pas de raz de marée anti-télétravail
Au final il semble davantage que nous sommes en face de cas très particuliers et pas d’un mouvement de masse même s’il est incontestable que certaines tâches et activités se prêtent moins au travail à distance que d’autres. Je garde toutefois l’oeil ouvert sur la question du management agile : on sait que cela fonctionne sur des équipes projet mais on peut admettre que l’adoption de l’agilité à toutes les étages d’une entreprise et dans le management quotidien peut avoir des effets de bords et être plus exigeant que dans le fonctionnement des seules équipes projet.
Mais a contrario on peut aussi penser que le management agile et les interactions qu’il demande est une très bonne manière de lutter contre l’isolement et le sentiment de manque de contrôle qui va avec le télétravail. En poussant plus loin on pourrait même dire aux entreprises qui ont peur de passer au télétravail en raison d’une culture forte de « management visuel » que l’agilité peut être un très bon mode de fonctionnement pour des équipes à distance.
A cela s’ajoute une contrainte matérielle : les entreprises qui ont redimensionné leurs locaux en fonction d’une force de travail distante n’ont souvent pas les moyens de facilement récupérer des mètres carrés si tant est qu’elles en aient l’envie. Ou alors c’est qu’elles espèrent qu’une telle décision entrainera un dégraissage à moindre frais de leurs effectifs.
Au final on en revient à la seule question qui vaille avant de se lancer dans une telle démarche : le télétravail n’est pas le sujet mais plutôt de savoir pour qui, pour quelles activité et dans quelle logique organisationnelle. Il y a très peu de chances qu’il existe une réponse universelle.