Le digital est partout et quand il est partout il n’est plus nulle part
Comme je le disais dans mon billet précédent la technologie n’est plus l’élément bloquant de la transformation du business et de sa performance. Elle est abondante, disponible, souvent abordable et facile à acquérir. Techniquement parlant, avec le cloud, elle est opérationnelle quasi-immédiatement après l’achat (disponible…pas intégrée, nuance).
Mais qu’est ce qui empêche donc les entreprises d’en tirer parti pour se transformer ? Même si heureusement les métiers ont de plus en plus leur mot à dire, voire mènent leurs propres projet dans leur coin, la vision technologique continue à primer. Comment cela se traduit-il ?
Beaucoup se digitalisent, peu se transforment
Ok pour installer un nouvel outil. Ok pour utiliser un nouvel outil. Pas question de mettre le foutoir partout à cause de ça. On digitalise l’existant (nouveaux outils pour faire comme avant) mais on ne transforme pas les modes opératoires.
Pourquoi ? Les raisons sont nombreuses. La transformation peut en effet signifier plusieurs choses.
• Transformer les process. Là on se heurte à la complexité de la tâche, à la lettre de mission du leader du projet (a-t-il carte blanche pour aller jusque là ?), à ses compétences (peut il le faire), à la mauvaise volonté de process owners qui ne veulent pas qu’on touche à leur bébé ou au refus habituel de changement dans les habitudes de travail.
• Se doter de nouvelles compétences. Certaines compétences ne seront plus utiles, d’autres vont manquer. Il faut former, recruter voire se séparer de certaines personnes. D’autant plus sensible que ça n’a pas été identifié en amont donc continuons à faire avec ceux qui sont là.
• Transformer les autres. Personne ne vit sur une île déconnectée du monde et encore moins déconnectée du reste de l’entreprise. Parfois les choses à transformer impactent d’autres départements voire sont dans d’autres départements. Si transformer l’organisation et les process qu’on a à sa main est déjà compliqué, aller voire un autre département pour lui dire « hé vous devez changer chez vous un truc qui a un impact chez moi » relève souvent de la mission impossible.
Vendre en ligne c’est finalement simple. S’assurer d’une logistique efficace pour la livraison est déjà compliqué. Jouer les synergies entre le online et les magasins relève souvent du cauchemar politico-organisationnel. A qui est attribuée la vente ? Le online est il un concurrent ? Mais ça change le protocole d’accueil/service client ? Mais je ne veux pas partager les données de MON point de contact, c’est MES clients et MES données.
Simplifier les tâches administratives d’une force de vente pour qu’elle soit davantage sur le terrain ? Tout le monde est pour jusqu’au jour où on se rend compte qu’une partie du process de déclaration des ventes avait été faite pour simplifier la vie de la compta et de la finance, qu’ils en sont les owners et ne veulent bien sur rien y changer.
Prolonger le présent ou construire l’avenir ?
Bref on peut se digitaliser pour gagner un peu de vitesse mais les gains sont logiquement moindres qu’espérés et ça n’a pas d’impact fondamental sur la compétitivité vu qu’on fait la même chose mais un peu plus vite. A la limite c’est même contreproductif car on va stresser tous les éléments dysfonctionnels où les frictions seront plus importantes et fréquente qu’avant. Bonne chose si on veut les changer car cela permet de les identifier, mauvaise idée si on ne peut/veut rien changer. Et comme je me plait à le rappeler : quand une organisation est dysfonctionnelle la digitalisation, amenant vitesse et capacité d’opérer à l’échelle, permet de créer des frictions et faire n’importe quoi plus vite et à plus grande échelle qu’avant.
Ou alors on peut prendre prétexte des possibilités nouvelles offertes par la technologie pour se transformer avec tous les écueils évoqués plus haut.
La première approche permet de prolonger le présent (jusqu’à quand ?), la seconde de construire l’avenir.
Il est donc indispensable de faire du digital un sujet métier. Pas au sens traditionnel de les informer et les impliquer (ce qui est le strict minimum) mais en leur donnant la possibilité et les moyens de se réinventer, de se demander comment ils se construiraient aujourd’hui si il n’y avait pas le poids du passé et de l’existant.
Le digital, sujet et matière généraliste appartenant à des experts à vécu du digital. C’est un sujet métier pour le marketing, les ventes, les RH, le service client, les métiers. Un peu comme pour les sciences : la recherche fondamentale c’est bien mais sans recherche appliquée on ne tire aucun bénéfice. Plutôt que demander à un généraliste d’appliquer la technologie à des métiers qu’il ne connait pas, demandez aux métiers comment ils voudraient fonctionner et opérer et vous trouverez toujours quelqu’un pour trouver la technologie qui va avec.
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