Aux débuts du web grand public les marques n’ont fait que digitaliser leur communication papier en construisant de beaux sites vitrines. Quelques années plus tard avec l’arrivée du « web 2.0 » et les débuts de la prise de parole de l’internaute elles ont freiné des quatre fers pour ne pas rentrer dans cette dynamique.
Il était hors de question qu’on puisse commenter un article de presse, les marque ne comprenaient ni ne toléraient qu’un blogueur puisse parler d’elles. Puis les réseaux sociaux sont arrivés et, là encore, elles refusaient de s’abaisser à rentrer dans la conversation avec leurs clients, avec le grand public.
Les marques ont fini par s’ouvrir aux interactions avec leurs clients
Cette époque est bel et bien révolue et les marques ont fini par comprendre que si elles ne rejoignaient pas conversation cette dernière aurait tout de même lieu sans elles. Elles ont compris que ce qu’elles prenaient pour un outil de communication pouvait également devenir un outil de service. Et elles ont globalement compris que ce qui se disait était la perception des clients, était leur image et qu’on ne faisait pas baisser la température refusant de regarder le thermomètre ou en le cassant.
Pire, elles ont compris que dans un monde où nous sommes tous sur-stimulés, l’attention du client était rare et qu’il fallait aller la chercher à force de brand content, pratique, on en reparlera dans un prochain post, où la recherche du décalage et du buzz les a parfois conduit à la frontière du hors sujet voire du mauvais goût.
Mais tout se passait plutôt bien pour le plus grand bénéfice de tous, marques et clients et dans un climat bon enfance de relative bienveillance.
Mais dix ans plus tard on ne peut que constater que le client a changé.
Plus mobilisé, moins tolérant, facilement irascible : le client a changé ?
Est-ce simplement parce maintenant que tout le monde ou presque est sur le web et les réseaux sociaux, on ne fait que reproduire en ligne la réalité de la société telle qu’elle est offline ? Globalement de plus en plus irritable et peu tolérante face à ce qui ne correspond pas aux convictions de chacun ?
Est-ce qu’à force d’être matraqué de publicité puis de brand content l’internaute est au bord de la crise de nerfs car on a atteint les limites de son attention bienveillante disponible ?
Est-ce que finalement, comme dans le « vrai monde » seuls parlent les mécontents ou intolérants de tout poil et que les autres ont laissé tombé ?
Est-ce pour une autre raison ?
Quoi qu’il en soit le client internaute devient de plus en plus vindicatif et irritable à l’égard des marques. Derrière des plaintes légitimes combien d’agressions gratuites et disproportionnées ? De manière générale on s’indigne et s’émeut très vite pour tout et n’importe quoi et le niveau de mobilisation et d’agressivité monte tout aussi vite.
Conséquences ?
Des marques de plus en plus chatouilleuses quant à leur « brand safety ». « Oui il faut y aller mais on commence à vraiment avoir peur de se faire salir pour n’importe quelle raison ». Certaines commencent à faire de plus en plus attention à leur exposition et à leur discours, quitte à réduire ou rendre plus impersonnelles leurs interactions publiques en ligne.
D’autres commencent à prendre très au sérieux le risque que leurs publicités apparaissent à des endroits peu flatteurs sur les réseaux sociaux. On a par exemple un L’Oréal qui va a réculons sur ses publicités Youtube car l’endroit n’est pas jugé comme sur pour la brand safety de la marque. Comprenez : « nos pubs peuvent apparaitre sur des vidéos qu’on ne cautionne pas. on ne veut pas être critiqués et trainés dans la boue pour ça ».
Le digital un terrain de jeu de nouveau miné pour les marques ?
Alors bien sur c’est légitime pour une marque de se préoccuper de ce type de sujet. Alors bien sur il y a des vidéo auxquelles personne ne veut être associées (et dans lesquelles Youtube fait le ménage). Mais c’est la violence et la masse des réactions qui amène une marque à agir de manière aussi radicale qui m’interroge alors même qu’il est facile de comprendre qu’elle n’est pour rien dans ces affichages malencontreux et que la faute est à rechercher chez Youtube qui est incapable de garantir à une marque un ciblage sûr.
Je ne parlerai pas des avis clients qui ont atteint un tel sommet que certains pays commencent à légiférer pour apporter davantage de clarté, d’honnêteté et de transparence sur le sujet. Mais ici on ne parle pas que du client mais aussi des concurrents dont les pratiques deviennent de plus en plus malveillantes.
Quoiqu’il en soit c’est un signal faible mais le signe que le web peut devenir un terrain de plus en plus miné pour les marques et qu’il serait dommage que les comportements des uns et des autres les amènent à faire machine arrière sur bon nombre de sujet. Tout dépend de là où une marque positionne ses exigences en termes de brand safety et le niveau de risque qu’elle juge acceptable mais la bienveillance dans une relation ne peut être unilatérale. On n’aura que les comportements de marques que méritent les comportements client.
En 2018 le digital est un terrain de jeu inévitable pour une marque. Mais tout montre qu’il faudra être de plus en plus vigilant sur la manière dont on le borde et sur ce qu’on y fait.