Hyperlean : ce que signifie l’avènement du numérique

Dans la série « tous les livres dont je voulais vous parler mais je n’ai pas eu le temps » voici donc Hyperlean de Cécil Dijoux.

Un bouquin de plus sur le numérique ou la transformation digitale ? Oui mais celui-ci est particulier. J’en ai lu beaucoup qui ne parlaient qu’aux convaincus ou aux accros à l’effect « Wow » technologique. Trop qui étaient inspirationnels mais laissaient à la fin le lecteur guère plus avancé avec un amer « So What….qu’est ce que je fais maintenant ? ».

Hyperlean c’est tout l’inverse…et voici pourquoi.

Qui ?

Un collectif d’auteurs autour de Cécil Dijoux, Lean Coach Digital and Services chez Operae Partners et blogueur.

 

Quoi ?

#hyperlean: Ce que signifie l’avènement du numérique

L’idée principale.

Une foule d’innovations a radicalement transformé nos vies dans les dernières années et leur flot bien loin de se tarir semble au contraire accélérer en permanence. Bien sur cela repose sur de la technologie mais les entreprises qui mettent cette technologie en œuvre pour fournir des produits ou des services à leurs clients ont aussi radicalement transformé leur vision de l’entreprise et de ses modes opératoires pour avancer à vitesse de la technologie et à celle du client

Les actes les plus banaux de la vie quotidienne ont été transformés, de nouveaux comportements se sont développés.

A côté de cela l’entreprise traditionnelle n’a que peu ou pas bougé, imperméable à ce qui se passe dehors, imperméable au double impératif d’innovation et d’accélération qui pèse sur elle. Davantage que la technologie c’est une nouvelle manière de faire du business et penser ses modes opératoires qu’elle peine à faire siens.

Dans les détails

1°) De quoi parle-t-on ?

La transformation numérique consiste à abolir le temps, l’espace et accéder à la multitude avec radicalité. Au delà cette approche a priori technologique on est devant une situation qui nous impose, pour réussir, de commencer par lutter contre nos modèles mentaux.

Exploiter, comme le dit l’auteur, la radicalité d’internet demande d’ajuster en permanence une connaissance validée du client et de l’entreprise et de ses processus.

Et c’est souvent là que le bât blesse.

2°) L’exécution est la stratégie

La notion du temps telle qu’on la connaît a explosé et l’élaboration d’une stratégie a long terme qu’on exécute dans les détails pour obtenir le résultat escompté n’est qu’une illusion. La nécessaire réduction des délais entre conception et exécution et l’impératif de résilience font que les actions de réflexion et d’exécution deviennent quasi-simultanées et s’alimentent directement au travers de boucles de rétroaction.

3°) Les 7 points cardinaux de la transformation numérique

Le numérique n’est pas un concept, n’est pas (que) technologique et consiste principalement en une transformation profonde de notre manière de penser et d’agir dans 7 domaines qui sont : la relation client, les produits et services, les processus, les outils, la culture, le leadership, les équipes.

Pas ou peu de théorie ici. Pour chacun de ces domaines le livre nous présente brièvement le principe, nous montre par l’exemple comment la radicalité numérique s’exprime, quels sont les anti-patterns (mauvaises pratiques héritées d’avant) et comment se benchmarker (savoir si on est dans la bonne direction).

4°) Le rôle du manager

Contrairement à ceux qui prédisent la fin du manager, le livre montre que le manager sera plus important que jamais au XXIe siècle. C’est la définition du rôle qui elle change radicalement. Exemple à l’appui.

5°) Les projets numériques

Si le numérique est avant tout un changement dans les modes opératoires il se traduit au premier chef par la manière dont on gère les projets, à commencer par les projets numériques.

Là encore on va l’encontre des modèles mentaux des projets du XXe siècle : dimensionnement et compétences au sein des équipes, planification du travail, animation : tout doit concourir à assurer un rythme constant dans le delivery, lisser la charge, apprendre vite, éliminer les gaspillages en tout genre (à commencer par le temps).

6°) L’ingénierie au XXIe siècle

Si l’on observe la culture de l’ingénierie à l’œuvre dans les entreprises phares du numérique, on trouve souvent l’exact opposé de celle de nos DSI. Systèmes ouverts, disponibilité permanente, scalabilité, accessibilité par tous les terminaux, expérience identique aux outils grand public… là encore il faut repenser la manière dont on construit la fonction informatique avec une orientation client/utilisateur.

7°) La DSI désintégrée

La DSI actuelle n’est plus un centre de compétences mais une machine à faire travailler des prestataires externes. On n’y manage plus des hommes mais des projets. Or les géants du web montrent l’exact exemple inverse : internalisation à outrance, process d’expérimentation agile… Dans un monde où les outils et la compétence nécessaire à leur conception/exploitation est un actif clé le rôle d’intégrateur auquel on cantonne les DSI aujourd’hui est destructeur de valeur.

8°) Connaissance vs apprentissage

On parle toujours d’économie de la connaissance en référence à un modèle du siècle dernier qui part du principe qu’il y a ceux qui travaillent avec leur savoir et les autres. Un principe battu en brèche au XXIe siècle où travailler sur la base de son savoir ne donne qu’un avantage faiblement pérenne à l’inverse de ceux qui continuent à accumuler des savoirs nouveaux et à jour.

Les organisations actuelles sont conçues pour maximiser l’utilisation faite d’un savoir acquis, les leaders du numérique au contraire misent sur l’acquisition permanente de connaissance. C’est un peu comme le match entre les énergies fossiles et les énergies renouvelables…on sait bien lesquelles s’épuisent et lesquelles non.

Mon avis.

L’idée générale du livre est tout bonnement excellente : le lien entre lean et digital est tout simplement évident. Puisque dans les faits la notion de transformation digitale se traduit souvent par le duo expérience client / expérience employé, à chaque fois qu’on me demande comment améliorer l’une ou l’autre je dis toujours « en simplifiant« . Si je retiens un dénominateur commun à tous les géants du web auxquels Cécil fait référence c’est qu’ils ont construit leur succès sur la simplification d’un cas d’usage et que d’ailleurs leur organisation elle-même et leurs process n’ont pas de « gras » ou de poids inutile.

Simplification des outils, des process, des organisations…en prenant cette voie vous ne serez jamais loin d’arriver à quelque chose. Et au lieu de vous demander ce que vous allez construire (donc ajouter) pour montrer que vous prenez les choses en main dans votre entreprise, commencez par vous demander ce que vous pouvez enlever.

Voilà pour le fond.

J’ai particulièrement aimé la forme également…très « lean » elle aussi. Pas de longues théories et cogitations philosophiques : le livre est factuel, descriptif. Il ne vous invite pas à réfléchir à une vision ou une théorie mais décrit ce qui est. Ce qui est chez les entreprises que l’on peut aujourd’hui considérer comme exemplaires, ce qui est dans dans celles qui ne le sont pas, et les choses concrètes et observables qui permettent de dire qu’on va dans la bonne direction ou pas.

Plutôt que parler de transformation digitale, Hyperlean nous décrit la réalité opérationnelle d’une entreprise qui a réussi le virage car, pour ceux qui en douteraient encore, le digital ça n’est pas des outils ou une pseudo culture : c’est avant tout la manière dont on s’organise et travaille. Tout le reste en découle.

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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