Les chatbots, et après ?

La bulle du chatbot va-t-elle se dégonfler aussi vite qu’elle a gonflé ? C’est en tout cas ce que peuvent laisser présager quelques signaux convergents.

Le chatbot : au croisement des usages et des interfaces conversationnelles

Pour revenir aux origines, le chatbot a (ou avait) tout de l’excellente idée qui ne pouvait que fonctionner, et ce pour deux raisons.

La première est que le chat est devenue la killer app dans laquelle on passe l’essentiel de notre temps. Elle a supplanté l’email voire l’appel téléphonique dans de nombreuses situations et est même devenu un outil « communautaire » de choix pour beaucoup. Pourquoi ? Parce qu’à force d’ajouter, par exemple, sans cesse des contacts sur Facebook la dimension « entre nous » des débuts à disparu et les chats de groupe permettent de récréer cette intimité limitée à un périmètre restreint de personnes.

La seconde est l’inéluctable évolution des interfaces homme/machine. Les interfaces à base de boutons commandant des actions telles qu’on les a toujours connu peuvent et seront dans un certain nombre de cas remplacées par des interfaces plus « naturelles ». Et quoi de plus naturel qu’une conversation au lieu de devoir aller spécifiquement dans un outil pour déclencher une action ? Une conversation qui peut être orale ou écrite mais c’est le second cas qui nous intéresse ici.

Et donc la réunion de ces deux tendances a donné le chabot ou une manière d’intéragir avec une application ou un service via une conversation se tenant dans l’outil où on passe le plus de temps : le chat. En plus cela permet de rationaliser les usages : une seule porte d’entrée pour, à la fois, parler à ses amis et utiliser ses services préférés.

Trop de conversation tue la conversation

Mais si le « use case » du chatbot est incontestable, on voit les limites du système lorsque l’usage au départ marginal croit de manière exponentielle et a fortiori lorsque les services deviennent proactifs.

Cas d’usage typique : prenons par exemple ce que pourrait faire le chatbot d’une compagnie aérienne.

1°) Vous lui demandez l’heure de départ, la porte d’embarquement ou votre carte d’embarquement. C’est simple : une demande, une réponse et a priori vous n’allez pas interrompre l’échange en cours de route car non seulement il est court mais en plus vous avez a priori besoin de la réponse. Donc le échanges s’enchainent sur le mode « une question une réponse ».

2°) Puis le chatbot devient proactif. Il vous informe que l’enregistrement est ouvert et vous demande si le siège qu’on vous a alloué vous convient. Il vous rappelle que vous aviez bloqué une option sur un vol, que cette dernière arrive à échéance et voudrait savoir si vous allez confirmer votre achat. Et puisque que vous avez un vol le lendemain il vous demande si vous avez besoin de réserver une voiture ou une chambre d’hôtel.

Dans ce cas vous n’êtes pas l’initiateur de la conversation donc il se peut qu’étant occupé à autre choses vous ne répondiez pas de suite. Et, pendant ce temps, il se peut que le chatbot vous demande deux, trois ou quatre choses différentes.

Au moment où vous retournez dans l’application se posent les question suivantes :

– Si je répond à quelle question va-t-il associer ma réponse ? Si je dis « oui » il va considérer que le siège me convient ou que je confirme mon achat ?

– Logiquement la réponse est celle de la dernière question. Alors comment je fais pour répondre à la tonne de questions « ouvertes » auxquelles je n’ai pas répondu pendant qu’une autre venait s’intercaler?

Pour m’être plus que penché sur le sujet je pense même que c’est encore pire dans un contexte de chatbot interne en entreprise où un fil de discussion unique peut se prêter à une grande quantité d’usages et être vite saturé si on n’y prend pas garde

Bref une intensification de l’usage des chatbots finit par créer un vrai problème d’expérience voire à rendre l’outil inutilisable.

Les chatbots : une idée pas si bonne que ça ?

Alors qu’une telle pensée aurait pu paraître iconoclaste il y a juste un an, il n’est pas incongru aujourd’hui de se demander si les chatbots étaient une si bonne idée que cela. Et d’ailleurs même chez Google on reconnaît aujourd’hui franchement que les chatbots n’étaient pas une bonne idée. Ou en tout cas sur leur forme actuelle. Et exactement pour la raison que j’évoquais plus haut.

Le futur du chatbot selon Google ? Un système plus visuel avec des « cartes » entre lesquelles l’utilisateur pourrait naviguer. Un sujet = 1 carte et ainsi pourrait se régler le problème de l’intrication des conversations.

Avant que les interfaces vocales ne mettent tout le monde d’accord ? Ca c’est une autre histoire.

 

Photo : chatbot de  panuwat phimpha via Shutterstock

 

Bertrand DUPERRIN
Bertrand DUPERRINhttps://www.duperrin.com
Head of People and Operations @Emakina / Ex Directeur Consulting / Au croisement de l'humain, de la technologie et du business / Conférencier / Voyageur compulsif.
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